De nouvelles grandes manœuvres ne vont pas tarder à agiter le transport aérien du Golfe Persique. Tout part des nouvelles ambitions de l’Arabie Saoudite. L’arrivée au pouvoir de Mohammed ben Salmane est en train de bouleverser les équilibres touristiques et aériens dans cette partie du monde. Ce dernier dispose d’une manne financière apparemment sans fin avec les revenus de la plus grande compagnie pétrolière mondiale : la Saudi Aramco. Il dispose d’un trésor de guerre de l’ordre de 2.000 milliards de dollars le tout pour un pays qui ne compte que 36 millions d’habitants répartis sur 2 millions de km².
Pour transformer un pays qui semblait assez replié sur lui-même, le nouvel homme fort fait construire une nouvelle ville au bord de la mer Rouge. Elle s’appelle NEOM. En fait c’est beaucoup plus qu’une ville c’est un ensemble architectural qui doit s’étendre à terme sur 26.000 km². Pour comparaison, Londres a une superficie de 1.572 km², Paris 105 km² et Los Angeles 1.299 km². C’est assez dire les ambitions des promoteurs qui espèrent accueillir 9 millions d’habitants en 2045.
On n’en est pas encore là, mais les infrastructures sont lancées. Et parmi ces dernières il a été annoncé tout récemment la création d’une nouvelle compagnie aérienne appelée Neom Airlines et dont le CEO est déjà nommé en la personne de Klaus Goersch, un ancien cadre supérieur de British Airways et d’Air Canada. Le nouveau transporteur a l’ambition de commencer ses opérations dès 2024 avec une flotte qui reste encore à définir.
Or Neom Airlines n’est que la dernière compagnie en création. Le grand opérateur à venir s’appelle Riyad Air qui pourtant ne prévoit son lancement opérationnel qu’en 2025. Mais la compagnie a un projet beaucoup plus avancé avec une flotte composée d’Airbus 320 et 350 et de Boeings 737. Pour l’instant on parle d’une centaine d’avions, mais il serait très surprenant que les ambitions s’arrêtent là. D’autant plus que, contrairement aux transporteurs actuels saoudiens, Riyad Air a prévu de servir de l’alcool à bord de ses appareils. Autrement dit, le nouvel opérateur saoudien entend bien faire une concurrence directe à Etihad, Qatar Airways mais aussi à Emirates. Elle vient de recruter son CEO. Il n’est autre que Tony Douglas qui, pour l’occasion, a été débauché de… Eithad Airways.
Il semble bien que le royaume saoudien n’accepte plus la prééminence aérienne de ses voisins.
Voilà qui promet quelque agitation dans le Golfe. Il semble bien que le royaume saoudien n’accepte plus la prééminence aérienne de ses voisins. Il possède pour cela de sérieux atouts. D’abord des ressources financières qui devraient lui permettre d’avoir un démarrage beaucoup plus rapide que ses concurrents, quitte à perdre de l’argent pendant les premières années, le temps de s’implanter dans le monde. Car les nouveaux entrants ne pourront pas se contenter de la clientèle saoudienne et du seul trafic intérieur, même si le pays est très adapté à ce mode de transport et même s’il possède une très importante infrastructure aéroportuaire qui ne demande qu’à être mieux occupée. Le principal aéroport : l’aéroport International du roi Khaled à Riyad n’a pour l’instant qu’un trafic de 26 millions de passagers, soit moins que Gatwick ou Orly, et l’équivalent de La Guardia, le deuxième aéroport de New-York.
En dehors des aspects purement opérationnels dont on peut penser qu’ils sont parfaitement maitrisés par les Saoudiens, le principal obstacle sera de créer un réseau commercial mondial qui soit l’équivalent de ce qu’ont fait Qatar Airways ou Emirates. Sauf qu’il leur a fallu plusieurs décennies pour le monter. Ces deux redoutables concurrents ne laisseront pas les nouveaux transporteurs saoudiens venir sur leurs territoires sans réagir. Et ces territoires sont tout simplement le monde entier.
Dès lors il ne serait pas surprenant que, pour compenser ce handicap, Riyad Air et Neom Airways se lancent dans une féroce bataille tarifaire, soutenus qu’ils seront par les énormes réserves financières du royaume.
Voilà qui va sérieusement agiter non seulement le transport aérien du Golfe, mais qui aura des répercussions sur l’ensemble du secteur. Comment alors les opérateurs traditionnels résisteront à la tentation de baisser eux-mêmes leurs tarifs ? Il semblerait que le pli d’une très sérieuse amélioration du produit aérien soit maintenant lancée justement par les grands transporteurs historiques. Voilà qui pourrait justifier le maintien des prix raisonnables que nous voyons actuellement