Le chef de l’opposition Raila Odinga, entouré de ses affidés, conteste le pouvoir en place issu des urnes
Six mois après son élection à la tête du Kenya, le Président William Ruto fait face à la grogne de ses compatriotes. Pour cause, l’inflation et la vie chère qui sont en passe d’avoir raison de la résilience de ses compatriotes. Et pour ne rien arranger, le pays fait face à l’une des pires sécheresses de son histoire, venue en rajouter à la galère des Kényans et à la précarité de leurs conditions de vie.
C’est dans ce contexte que le leader de l’opposition, Raïla Odinga, a lancé des appels à manifester, les jeudis et les lundis, pour mettre la pression sur le pouvoir. Si ce n’est pas de l’opportunisme politique pour tailler des croupières à un adversaire, cela y ressemble fort. Mais c’est de bonne guerre. Tout comme il en va de l’interdiction des manifestations par l’autorité centrale qui, en plus de les juger illégales, a décidé de faire preuve de fermeté en déployant les grands moyens contre les croquants, le 27 mars dernier. Il en a été de même lors des manifestations de la semaine dernière, qui s’étaient soldées par de violents affrontements et la mort d’un manifestant.
Les mêmes scènes de jets de projectiles de manifestants contre les gaz lacrymogènes et autres canons à eau des forces de l’ordre, se sont répétées hier, dans la capitale kényane où le cortège du chef de l’opposition n’a pas été épargné. Comment pouvait-il en être autrement quand on sait que le chef de l’Etat avait préalablement interpellé le leader de l’opposition à mettre fin aux protestations ? Une interpellation qui ressemble à une mise en garde sans équivoque. Morceau choisi : «Je dis à Raïla Odinga que s’il a un problème avec moi, il devrait me faire face et arrêter de terroriser le pays». Un message qui en dit long sur la façon, pour le locataire du State House, d’appréhender le problème de ces appels itératifs à manifester qui ressemblent répondre, à ses yeux, à de purs règlements de comptes politiques si ce n’est à visée déstabilisatrice. C’est à croire qu’après la présidentielle d’août dernier, le Président William Ruto et son malheureux challenger, Raïla Odinga, se sont trouvé un autre terrain de combat politique. Mais attention à l’escalade ! Car, à force de manifestations et de répressions, c’est la paix sociale qui se trouve durablement menacée au Kenya. Et bien malin qui saurait dire jusqu’où ira le bras de fer entre ces deux têtes de gondole de la scène politique kényane, d’autant que le chef de l’opposition, Raila Odinga, semble encore loin d’avoir digéré sa défaite à la dernière présidentielle. Toujours est-il que si la grogne avait été portée par des Organisations de la société civile ou des syndicats, cela n’aurait sans doute pas donné lieu à ce point, à de telles supputations sur fond d’amalgames. Mais le fait d’être portée par un opposant de la trempe de Raïla Odinga qui n’est pas n’importe qui dans le landerneau politique kényan, peut être sujet à caution. D’autant que dans ce contexte d’inflation quasi généralisée liée à la conjoncture mondiale, où bien des régimes en quête de solutions aux problèmes existentiels de leurs compatriotes, ne sont pas loin de s’arracher les cheveux, l’on peut douter que Raïla Odinga qui souffle sur les braises du mécontentement de ses compatriotes pour causer des misères au pouvoir en place, ait la solution aux problèmes actuels du Kenya. Mais cela ne saurait, en tous les cas, dédouaner le Président William Ruto de ses responsabilités, encore moins de ses promesses de campagne qui l’ont vu faire miroiter monts et merveilles à ses compatriotes en se présentant, à l’époque, comme le candidat du bas peuple et des opprimés dont il a promis de travailler à améliorer le sort. Six mois après, non seulement les conditions de vie des Kényans ne se sont pas nettement améliorées, mais pire, les subventions sur le carburant et autres produits de première nécessité comme la farine de maïs, ont été supprimées. A l’épreuve du terrain, que William souffre donc aujourd’hui que les Kényans le rappellent à ses devoirs et à ses obligations qui sont loin de répondre, pour le moment, à leurs aspirations. Car, comme dit l’adage, «ventre creux n’a point d’oreilles». Le Président William Ruto a beau jeu de rejeter la responsabilité des manifestations sur son rival. Mais plutôt que de bander les muscles, il gagnerait à envisager des mesures sociales visant à soulager les souffrances de ses compatriotes. C’est le seul combat qui vaille à l’heure actuelle, et c’est la seule voie pour éviter des émeutes de la faim dont nul ne saurait prédire ni l’ampleur ni la portée. En tout état de cause, le peuple kényan ne saurait être l’otage de dirigeants politiques dont tout porte à croire qu’ils sont plus mus par leurs intérêts personnels que par ceux de leurs compatriotes. Il y va de son destin.