Les performances économiques du Sénégal (16,9 millions d’habitants, 1.570 dollars/hab) continuent de figurer parmi les plus résilientes de la région. Ses fondamentaux macroéconomiques sont solides comparés à de nombreux autres pays de la région, grâce à son environnement politique traditionnellement stable et à la reprise des recettes d’exportation provenant des transferts privés, du tourisme, du phosphate, de l’or, des produits agricoles (noix, coton et poisson principalement) et, plus récemment, du pétrole et du gaz.
Pendant des années, les investissements publics ont été le principal moteur de la croissance économique, dans le cadre du «Plan Sénégal Émergent.»
La production industrielle devrait s’accélérer pour atteindre 8,3% en 2023, profitant du lancement de la production de pétrole et de gaz, de la reprise des recettes du tourisme et de la production industrielle, le tout combiné à un recul attendu de l’inflation (5% en 2023). Pour 2024, une croissance du PIB à deux chiffres est attendue, grâce à la production d’hydrocarbures, et les perspectives de croissance à long terme devraient rester solides (5%). Par conséquent, le Sénégal continuera d’être l’un des pays les plus performants de la région au niveau économique.
Le déficit du compte courant à 10% du PIB
Le Sénégal est confronté depuis plusieurs années à des déficits de compte courant structurels à deux chiffres et, cette année encore, le déficit devrait s’élever à environ 10% du PIB. Étant donné que l’afflux de capitaux devrait être réduit compte tenu de la détérioration continue des conditions financières mondiales, un déficit de financement limité sur la balance des paiements extérieurs est à nouveau probable, provoquant une pression sur les liquidités et une baisse des réserves de change.
Grâce à l’augmentation des recettes d’exportation (pétrole et gaz) et au recul des importations (achèvement des investissements dans les hydrocarbures générant d’importantes importations), le déficit du compte courant devrait désormais converger vers 4%-5% du PIB à partir de l’année prochaine, tandis que la baisse du déficit du compte courant devrait être entièrement financée par des IDE et une augmentation des investissements de portefeuille. Les réserves de change du Sénégal devraient par conséquent se reconstituer progressivement à moyen terme.
L’accord de confirmation du FMI de juin 2021 dont bénéficiait le Sénégal s’est achevé en janvier 2023, et les négociations avec le gouvernement sénégalais en vue d’un nouveau programme de soutien du FMI ont débuté en avril 2023 pour aider à faire face aux besoins financiers les plus immédiats. Une réponse favorable forte du FMI face aux défis économiques et financiers de l’UEMOA contribuera à atténuer la pression sur les liquidités à court terme, tandis que la dette extérieure totale et les ratios du service de la dette se maintiendront à des niveaux viables et devraient diminuer à partir de 2024 en raison de l’augmentation attendue des recettes du compte courant.
La hausse constante de l’encours de la dette publique au cours de la dernière décennie devrait s’inverser
Après une décennie d’emprunts publics massifs, le ratio de la dette publique au PIB du Sénégal a doublé, passant de 33% du PIB en 2011 à 73,2% en 2021. En 2022, les finances publiques ont souffert de l’augmentation de la masse salariale et du coût important des subventions à la consommation d’énergie (4% du PIB) à la suite de la flambée des prix mondiaux de l’énergie. Par conséquent, le déficit budgétaire est resté élevé en 2022, à environ 6% du PIB, faisant grimper l’encours de la dette publique. L’augmentation des recettes d’exportation prévue pour cette année, ainsi que l’assainissement budgétaire progressif devraient néanmoins avoir un impact positif sur les projections budgétaires – le déficit budgétaire devrait atteindre à nouveau un niveau gérable de 4% à partir de 2024, ramenant l’encours de la dette publique sous la barre des 70% du PIB à partir de l’an prochain. Les recettes publiques en pourcentage du PIB augmentent progressivement et devraient dépasser les 20% à partir de 2024. Le FMI évalue désormais le Sénégal comme présentant un «risque modéré de surendettement», alors qu’il présentait un «risque faible de surendettement» depuis plusieurs années. Combiné à la hausse des taux d’intérêt mondiaux, le resserrement des conditions de financement sur le marché obligataire régional va encore compliquer l’accès au financement, sachant qu’environ un tiers de la dette publique du Sénégal est financée au niveau régional.
En 2023 et 2024, les indicateurs économiques et financiers devraient s’améliorer progressivement grâce à une baisse de l’inflation et au recul du double déficit dû à l’accélération de la croissance du PIB et des exportations. Les ratios d’endettement devraient par conséquent diminuer au fil du temps, même si les services de la dette de cette année seront plus élevés en raison des conditions financières défavorables.
Attention à la dégradation du climat politique !
Les tensions politiques s’accroissent en dépit de la stabilité des institutions. Le taux de chômage élevé chez les jeunes, la corruption et les inégalités continuent d’alimenter des troubles sociaux sporadiques. En outre, les tensions politiques au Sénégal sont fortes depuis que le Président Macky Sall a tenté de contourner la Constitution pour briguer un troisième mandat en février 2024. Les élections législatives de juillet 2022 ont néanmoins permis à l’opposition de remporter des victoires significatives, le parti au pouvoir ne conservant qu’une courte majorité d’un seul siège, ce qui pourrait présager d’un recul des chances de Macky Sall d’obtenir un nouveau mandat lors des prochaines élections présidentielles.
Les récentes arrestations de journalistes et les mesures de répression prises à l’encontre de l’opposition suscitent des inquiétudes quant à l’émergence d’un autoritarisme et, si le gouvernement en place devait encore recourir à ces tactiques à l’approche des élections, il faudrait s’attendre à de violents troubles et manifestations. L’année à venir sera cruciale si le Sénégal veut endosser son héritage d’institutions fortes et démocratiques.
Malgré d’importants risques identifiés sur le court terme, les perspectives à moyen terme pour le Sénégal restent stables. La classification du risque politique à moyen et long terme du Sénégal est stable et se situe dans la catégorie 5/7 depuis près de vingt ans, et les perspectives restent inchangées