Le long trajet des fèves de cacao depuis les plantations de Côte d’Ivoire jusqu’aux chocolateries européennes se raccourcit… moyennant un nouveau système informatique destiné à certifier que les marchandises sont exemptes de nuisibles et de maladies.
En automatisant le processus de certification, ce système réduit largement le temps et le coût représentés par l’exportation du cacao, qui fait vivre un cinquième des 28 millions d’habitants que compte ce pays d’Afrique occidentale.
Partout dans le monde, les exportateurs de produits agricoles doivent obtenir auprès des autorités nationales un document intitulé « certificat phytosanitaire » , garantissant à leurs interlocuteurs commerciaux que le lot expédié respecte les normes de qualité attendues. En 2017, la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) a développé sa solution ePhyto, qui remplace les certificats sur papier par des documents électroniques. Ce système a été adopté par 123 pays, dont les 27 membres de l’Union européenne.
ePhyto est l’une des composantes du plan lancé par la Côte d’Ivoire pour moderniser son secteur agricole en général et sa production de cacao en particulier. Le pays fournit 40 % du cacao mondialmais ne perçoit que 5 à 7 % des profits engendrés par cette culture. En effet, la majeure partie de la valeur résultant du cacao se crée à l’étranger, lors de la transformation et de la distribution des produits. On estime que 55 % des producteurs de cacao ivoiriens et de leurs familles vivent en dessous du seuil de pauvreté. En accélérant l’échange d’informations et le traçage des cargaisons, ePhyto va améliorer la compétitivité commerciale de la Côte d’Ivoire et aider les négociants ivoiriens à occuper toute leur place dans l’économie mondiale .
Jusqu’à l’introduction d’ePhyto en mars 2023, les certificats sur papier passaient entre les mains de divers acteurs tout au long de la chaîne de possession, avant d’atteindre les autorités du pays importateur.
«Pour obtenir ce certificat, nous devions nous présenter à plusieurs endroits, dans plusieurs administrations. Ces démarches étaient chronophages et coûteuses, car elles retardaient de beaucoup les expéditions, raconte Marc Kouakou, directeur des solutions logistiques à l’exportation chez Bolloré Africa Logistics, qui gère les exportations de cacao dans le port d’Abidjan.
L’automatisation du processus, avec le soutien du Groupe de la Banque mondiale, a réduit de plus de moitié le nombre d’étapes requises par les inspections, ainsi ramené de 39 à 18. Les certificats sont signés électroniquement. Un code QR en vérifie l’authenticité, contribuant ainsi à éliminer les faux et à améliorer la confiance envers le cacao ivoirien.
Les certificats électroniques se délivrent immédiatement en ligne, ce qui permet aux autorités du pays destinataire de vérifier la conformité de la cargaison et de résoudre tout problème avant son arrivée. Avec ce système, inspections et tests sont plus faciles à planifier pour le pays importateur. En outre, ePhyto élimine les frais de stockage, d’archivage et d’expédition des documents sur papier.
« ePhyto est une bénédiction, déclare Marc Kouakou. Tout le processus s’effectue désormais en ligne. Je peux vérifier où on en est, où que je sois, au bureau, chez moi ou même dans ma voiture sur mon téléphone mobile, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C’est un énorme progrès, qui nous évite des pertes de temps et d’argent. » Selon une étude menée en 2022 par la Société financière internationale (IFC), branche du Groupe de la Banque mondiale, l’utilisation d’ePhyto pourrait raccourcir de deux jours, pour certains produits, le délai d’obtention d’un certificat phytosanitaire.
Ce nouveau système allège en outre la tâche des inspecteurs phytosanitaires, telle Philomène Laure Offounou, qui travaille à la Direction de la protection des végétaux, du contrôle et de la qualité (DPVCQ) de Côte d’Ivoire. Auparavant, à la suite de ses vérifications dans le port d’Abidjan, elle devait retourner à son bureau pour saisir les données.
« La seule route d’accès au port est souvent embouteillée, au point qu’on peut rester bloqué pendant des heures, explique-t-elle. Ainsi, j’avais parfois du retard dans mes saisies. Il arrive que nous produisions 30 rapports en une journée. Maintenant, avec ePhyto, nous disposons de tablettes numériques, avec lesquelles on peut échanger les données en temps réel avec le port. Mon travail en est facilité et j’y gagne en efficacité. »
La Côte d’Ivoire, premier pays d’Afrique francophone à adopter ePhyto, servira sans doute de modèle à l’ensemble de la région (le Burkina Faso a d’ores et déjà manifesté son intérêt.) Le système est en cours d’expérimentation sur les exportations de cacao et de café dans le port d’Abidjan et dans celui de San-Pédro, qui dessert le sud du pays, principale région de culture du cacao ivoirien, ainsi que les pays limitrophes sans débouché maritime.
Le Groupe de la Banque mondiale a aidé les pouvoirs publics à diagnostiquer et décrire le processus de certification des marchandises exportées, en identifiant notamment les goulets d’étranglement que l’automatisation et la simplification des procédures pouvaient supprimer. Il a collaboré avec la DPVCQ et les parties prenantes pour diagnostiquer et identifier la solution d’automatisation la plus adaptée pour faciliter les échanges commerciaux tout en améliorant l’efficacité de l’administration.
Un plan de mise en œuvre détaillé a eu pour effet de révéler et combler des lacunes dans les infrastructures et les ressources. Le lancement du système impliquait de relier le seul accès de la Côte d’Ivoire à la plateforme de la CIPV. Il est en outre passé par un changement de gestion des processus, par la formation du personnel, ainsi que par la consultation et la sensibilisation des parties prenantes. Pour les autorités, il est désormais plus facile d’obtenir des données en vue d’analyse, et donc d’établir des conformités et compiler des statistiques sur les échanges commerciaux.
Pour Aman Koko, directeur général de la Direction de la protection des végétaux, « ePhyto apporte vraiment du nouveau. L’automatisation du processus de certification nous aide à mieux cerner les risques et les taux de conformité. Grâce aux données, nous allons poursuivre l’amélioration de nos services.»
Source : Banque mondiale