Le matrimoine est constitué de la mémoire des créatrices du passé et de la transmission de leurs œuvres. Sur les Marches de Bretagne, le pays de Vitré et sur sa superbe capitale bénéficient d’une aura particulière grâce à trois Marie.
Si le terme matrimoine est utilisé depuis le Moyen-âge, le féminin «autrice» existe depuis l’Antiquité. La particularité du pays de Vitré est d’avoir été un pôle de rayonnement des arts et des lettres grâce aux relations épistolaires entre la Haute-Bretagne, Paris et Grignan, petit Versailles provençal dans la Drome.
Marie de Rabutin-Chantal (1626-1696), devenue marquise de Sévigné est célèbre pour ses lettres rédigées principalement à l’intention de sa fille, la comtesse de Grignan. Né en 1996, à l’occasion du tricentenaire de la mort de madame de Sévigné, le Festival de la Correspondance de Grignan est devenu une manifestation culturelle pour célébrer l’art épistolaire au cœur de la Drome, avec la participation de fidèles lectrices comme Claire Chazal.
Mais la marquise de Sevigné a aussi établi une discrète oasis dans le bocage breton, dotée d’une orangerie pour extraire l’eau de fleur d’orangers dont elle se parfumait. Le 4 août 1644, âgée de dix-huit ans, elle épouse Henri de Sévigné (1623-1651), de vieille et bonne noblesse bretonne, possédant le fief de Sévigné. À 5 kilomètres du centre-ville de Vitré, se cache le château des Rochers Sévigné, résidence champêtre de celle qui fut l’une des plus célèbres épistolières françaises.
Le charme de la discrète orangerie dans un manoir breton est sans égal, d’autant qu’une autre Marie s’est aussi passionnée pour les oranges.
Malgré la conversion de son mari au catholicisme en 1628, Marie de la Tour d’Auvergne (1601-1665) est restée fidèle à la religion réformée et a assumé le rôle de protectrice des communautés huguenotes de Vitré. Figure éminente du protestantisme en plein milieu du XVIIe siècle, elle a souvent été surnommée «la papesse des huguenots» dans un double ancrage avec le pays de Vitré en haute Bretagne et le pays de Thouars dans le Poitou. L’orangerie du château de Thouars illustre à bien des égards un degré de raffinement en avance sur l’orangerie du château de Versailles. L’ouverture d’esprit de Marie de la Tour d’Auvergne fut très bénéfique à la prospérité de Vitré et sa Confrérie des marchands d’outre-mer, ouvert aux échanges avec les réseaux marchands de Laval en Mayenne et Saint-Malo sur la côte d’Emeraude.
La troisième Marie qui relève de la mémoire des créatrices du passé et de la transmission de leurs œuvres est une exploratrice de la joaillerie et des arts verriers. Il s’agit de Marie Lognoné (1897-1984), épouse Jouet. Elle est la fondatrice d’une bijouterie-horlogerie situé 24 Rue Duguesclin à Vitré.
Son cheminement atypique et sa relation avec des marchands d’art l’amenèrent à s’intéresser à l’exploration de savoir-faire artisanaux et de voies d’innovation avec des matériaux comme le verre. Avec son mari Charles, elle est la fondatrice de l’établissement joaillier «Au Carillon» dont les activités d’orfèvrerie créative se sont nourries des proximités philosophiques et des traditions créatives dont Rabelais fait référence dans Pantagruel. Dans le sillage historique d’audacieux collectionneurs d’art et voyageurs partis entreprendre des voyages ou explorations vers l’Asie, à l’instar de Pierre Colvez, missionnaire Briçois parti à Shanghai, elle lit de nombreux récits et les correspondances conservées par son environnement familial relatives à un carillon de verre représentant l’harmonie et la quiétude des peuples d’Asie Pacifique.