Le sort qui allait être réservé aux pays dirigés par des militaires arrivés au pouvoir après des coups d’État à la 78e session de l’organisation des Nations Unies suscitait toutes les curiosités sur le plan diplomatique. Il s’agit du Mali, du Burkina Faso, du Niger et la Guinée, dont les régimes sont cités à longueur de journée comme «indésirables». Au troisième jour de cette session (hier jeudi 21 septembre 2023), c’est le Guinéen, le colonel Mamadi Doumbouya qui a été le premier parmi les représentants de ces pays à s’exprimer à cette tribune.
Et sa sortie était très attendue non seulement dans son pays, mais surtout par les partenaires de la Guinée qui veulent être rassurés sur le contenu et le déroulement de la transition qu’il a entamée après le coup d’État qu’il a perpétré le 5 septembre 2021, écourtant pour le bonheur du peuple guinéen, le 3e mandat illégitime, illégal et suicidaire du professeur Alpha Condé.
Le colonel Mamadi Doumbouya, qui a troqué le treillis camouflé contre un majestueux boubou clair et le béret rouge contre un bonnet, a comme commencé une mue pour se faire une virginité civile. Même le langage, bien que martial par endroit, a fait découvrir un colonel dont la vision qui se rapproche de celle de la jeunesse africaine et de certains intellectuels du continent qui, il ne faut plus avoir peur des mots, se demandent de plus en plus si la démocratie, telle qu’importée de l’Occident et confirmée par le discours de la Baule prononcé en juin 1990 par François Mitterrand, est réellement faite pour l’Afrique.
«L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé…»,
« Avant la prise du pouvoir par le CNRD «aucune force politique, toutes neutralisées à l’époque n’avait ni le courage, ni les moyens de mettre fin à l’imposture que nous vivions », estime le président de la transition. Et c’est pourquoi, poursuit-il, « mes frères d’armes et moi avons pris nos responsabilités le 5 septembre 2021 », pour dit-il, « mettre fin à la situation chaotique » du pays.
Mais au-delà du cas de la Guinée, le président de la Transition s’est posé en défenseur de ses frères d’armes dans les autres pays en Transition. Pour lui, les condamnations systématiques des coups d’État militaires ne sont pas une solution. Car ces coups d’État sont la résultante des « promesses non tenues, l’endormissement du peuple, le tripatouillage des constitutions par des dirigeants qui ont le seul souci de se maintenir au pouvoir.»
«L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé, un modèle certes bon et efficace pour l’Occident qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et à s’adapter à notre réalité»
a dit le chef de l’État guinéen, qui ne peut non plus prouver, pour le moment, que les putschs militaires sont une panacée pour les maux dont souffrent le continent noir et qui ont pour noms corruption, gabegie, népotisme, patrimonialisation du pouvoir, et surtout musellement des populations. Le tombeur du président Alpha Condé a donc servi à son auditoire un discours panafricaniste dans lequel il a déclaré à l’intention de l’Occident que «l’Afrique de papa» est terminée.
S’offusquant de ce qu’il qualifie de discours paternaliste des puissances occidentales sur l’Afrique, il assure que les populations du continent sont désormais décidées à prendre leur destin en main pour leur développement.
« Nous sommes tout simplement pro Africains »
«Nous Africains, sommes fatigués, épuisés des catégorisations dans lesquelles les uns et les autres veulent nous cantonner. C’est pourquoi nous trouvons insultant les cases, les classements qui tantôt nous placent sous l’influence des Américains, tantôt sous celle des Anglais, des Français, des Chinois, des Russes et même des Turcs. Nous ne sommes ni pros ni anti Américains, ni pro ni anti Chinois, ni pro ni anti Français, ni pro ni anti Russes, ni pro ni anti Turcs. Nous sommes tout simplement pro Africains. C’est tout !»
s’est-il insurgé.
En un mot comme en mille, les élections, la démocratie avec, résistent difficilement au legs du pouvoir, tel que connu dans l’Afrique traditionnelle. Et le président de la Transition martèle à l’endroit des puissances occidentales de façon très claire sans hypocrisie, les yeux dans les yeux que « nous sommes tous conscients que ce modèle de démocratie que vous nous avez si insidieusement et savamment imposé…ne marche pas ».
« Croyez-moi, c’est un constat, c’est un bilan sur plusieurs décennies d’expérimentation chaotique de ce modèle dans notre environnement »
conclut le colonel Doumbouya.
En effet, de plus, nombre de chefs d’État démocratiquement élus ne répondent pas, dès qu’ils sont aux commandes de la barque, aux aspirations du peuple qui est contraint de serrer la ceinture alors que les dirigeants qu’ils ont élus, portent des bretelles.
Alors, Mamadi Doumbouya qui a tenu l’Afrique à distance de toute obédience et qui s’est érigé en «pro-Africains» n’aura plus le droit à l’erreur, suite à une adresse aussi suivie à la prestigieuse tribune de l’ONU.