Il était heureux, Bruno Koné, ministre ivoirien de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme,
au lancement le jeudi 02 novembre 2023 à Abidjan, de la construction ‘’dans les tout prochains jours’’, de 20 000 logements dans le cadre du ‘’Programme d’urgence des logements sociaux’’.
Il a informé que ces 20 000 logements s’inscrivent dans le cadre des 25 000 logements qui ‘’doivent être construits en location-vente sur une période de 03 ans dont 20 000 logements dans le District d’Abidjan et 5 000 à l’intérieur du pays’’.
Bruno Koné a encore déclaré que le financement de ces constructions est effectif et l’opérateur choisi. Soulignant que les locations-ventes entrent dans le cadre des voies et moyens pour permettre l’accès au logement des populations.
C’est pourquoi il a demandé à l’Agence National de l’Habitat (ANAH), de favoriser l’accès au logement à des ‘’coûts d’acquisition ou de location compétitifs’’ à tous les ménages et de veiller à l’amélioration et à l’entretien du cadre de vie, surtout pour la tranche de l’habitat social.
Mais le Directeur général (DG) de l’ANAH, Traoré Brahima, a ramené son patron sur terre pour faire face à la réalité implacable.
Il lui a rappelé que l’ANAH, ex SICOGI, a un ‘’passif qui a un fort impact sur son opérationnalité et sa situation financière’’.
Il a donc plaidé auprès de son ministre de tutelle afin d’obtenir une subvention pour faire face avec ‘’efficacité, à certains défis’’.
‘’Nous enregistrons plusieurs opérations déficitaires d’une valeur totale d’environ 20 milliards de Fcfa. Cela impacte la réalisation de nos opérations », a rappelé le DG de l’ANAH.
En mars 2013, celui qui était encore le ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Daniel Kablan Duncan, lançait à Songon, route de Dabou, dans la commune de Yopougon (la plus grande commune du pays), devant les caméras du monde, le projet de construction de 75 000 logements qui ‘’entre dans le cadre général du Programme présidentiel de logements sociaux et économiques mis en œuvre au profit des populations les plus démunies’’.
Ce projet du siècle, qui devrait permettre de combler le déficit de 500 000 logements par an en Côte d’Ivoire, selon les chiffres officiels de l’époque et permettre également à chaque Ivoirien d’avoir un toit, devrait être confié à 25 promoteurs qui avaient à charge de ‘’construire 3000 logements chacun sur le site de 439 ha à Songon’’.
Kablan Duncan avait déclaré au lancement de ce Programme dans cette commune abidjanaise que ce ‘’chantier constitue à la fois un pilier de l’atteinte des objectifs de l’émergence économique et un indicateur de la bonne santé économique du pays (…) et permettra de juguler les effets de la forte croissance démographique et de remédier aux effets du sous-investissement dans le secteur’’.
Huit ans après avoir mené les Ivoiriens en bateau, encaissé les frais de constitution de dossiers et fait payer des millions à d’éventuels acquéreurs ; soit le 14 janvier 2021, à Cocody-Angré 7è Tranche (Abidjan), à la cérémonie de signature d’une convention entre Gaou Production de Magic System et le Groupe Addoha, Bruno Nabagné Koné, ministre de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat, la main sur le cœur, a avoué : ‘’c’est important de dire aux Ivoiriens qu’il y a eu beaucoup de mécontentements dans la 1ère phase du Programme (de logements sociaux, Ndlr). Mais je voudrais les rassurer que nous avons tiré les enseignements de ce que certains qualifient d’échec mais qui pour nous était en réalité un essai. Et vous savez très bien que pendant les essais, on peut se tromper’’.
DES LOGEMENTS SOCIAUX A LA LOCATION-VENTE
Curieusement, ce qui ‘’entre dans le cadre général du Programme présidentiel de logements sociaux et économiques mis en œuvre au profit des populations les plus démunies’’, se transforme en ‘’location-vente’’.
Avec ce ‘’nouveau modèle complètement repensé’’, au dire de l’ancien porte-parole du gouvernement, ‘’les acquéreurs ne sont plus obligés de payer la totalité du prix de logement avant de commencer à y habiter. Ceux-ci entrent dans le logement et payent au fur et à mesure pendant 15 ans, 20 ans etc., en fonction des négociations faites avec leur banque’’.
Et d’ajouter, triomphant : ‘’nous sommes en mesure aujourd’hui de dire à la nation ivoirienne que le Programme présidentiel de logements sociaux est véritablement relancé avec un mode de référencement différent qui est désormais le mode de la location-vente’’. Puis poursuivant : ‘’ce système qui a existé par le passé, devra créer plus de confiance aux éventuels clients qui n’auront plus cette crainte de cotiser pour ne pas avoir de logement dans le futur, dans la mesure où l’acquéreur sera déjà dans la maison pendant qu’il paye’’.
On croyait les acquéreurs de logements sociaux du fameux programme présidentiel au bout de leur pénible peine.
Que nenni !
Le Conseil des ministres du 15 décembre 2021, a adopté une ordonnance instituant des taxes parafiscales sur ‘’certains matériaux de construction’’ au profit du financement du logement social, ainsi que son projet de loi de ratification. Cette mesure, soutient le gouvernement ivoirien, ‘’vise à créer les conditions favorables à un financement stable et durable du logement social. (…) Les ressources mobilisées grâce à cette parafiscalité, évaluées approximativement à 30 milliards de francs CFA par an, seront exclusivement dédiées au financement de la politique du logement social, notamment à la purge des droits coutumiers, à la réalisation des Voiries et Réseaux Divers (VRD) primaires, à la garantie des crédits acquéreurs et promoteurs et globalement à l’industrialisation du secteur du logement’’.
DISSOLUTION DE LA SICOGI
Le Conseil a également adopté un décret portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Fonds de garantie du logement social. Qui informe que ces cinq (05) décrets sont pris en application de la loi n°2019-576 du 26 juin 2019 portant Code de la Construction et de l’Habitat, qui prévoit une structure chargée de la mise en œuvre de la politique nationale de l’Habitat. Ainsi est créée l’Agence nationale de l’habitat (Anah), en remplacement de la Sicogi, avec pour mission de ‘’favoriser l’accès aux logements à des coûts d’acquisition ou de location compétitifs à tous les ménages et de veiller à l’amélioration et à l’entretien du cadre de vie’’.
A ce titre, et contrairement à l’ex-Sicogi, l’Anah n’est pas une société publique de construction et de promotion immobilière, mais un instrument ‘’technique’’ au centre du secteur de l’Habitat, ‘’chargé d’assurer notamment la coordination et la supervision des activités des promoteurs immobiliers privés agréés dans le cadre du programme présidentiel en cours’’.
Créé en appui aux activités de l’Anah, le Fonds de Garantie du logement social, à en croire le gouvernement, est chargé de ‘’financer les activités de l’Agence, de faciliter les conditions d’accession au crédit-acquéreur aux couches sociales les plus défavorisées et de contribuer au financement de toutes les actions favorisant le développement de l’habitat social’’. A cet effet, il intègre, soutient-on, ‘’les missions et le patrimoine de tous les mécanismes nationaux de financement de l’habitat qui, dès lors, sont dissous et appelés à disparaître suite à la constitution définitive du Fonds’’.
Ce qui est donc à retenir de cette communication en Conseil des ministres est que ‘’les ressources mobilisées grâce à cette parafiscalité, évaluées approximativement à 30 milliards de francs CFA par an, seront exclusivement dédiées au financement de la politique du logement social’’. Alors que les matériaux de construction en Côte d’Ivoire sont déjà hors de prix.
Le mercredi 16 février 2022, lors d’une tournée dans les directions et services de son département ministériel délocalisé à Adjamé Mirador et à Cocody, le Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, en charge du Logement social, Koffi N’Guessan Lataille, a fait savoir que 22 000 habitations ont été construites, à ce jour, à Abidjan, sa périphérie et à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, dans le cadre du programme de logements sociaux initié par le président de la République, Alassane Ouattara.
Avant d’indiquer que le Président Ouattara ambitionne de construire 15.000 logements sociaux en 2022.
Comme on le voit, le Programme présidentiel de logements sociaux et économiques annoncé à grand renfort de publicité à l’avènement d’Alassane Ouattara au pouvoir, est devenu un véritable serpent de mer alors qu’en Côte d’Ivoire, le besoin en logements est estimé à plus de 800 000 par an.
Sylvain Namoya