Très dépendante du secteur extractif et de ses fluctuations, la République démocratique du Congo dispose pourtant des moyens pour s’imposer comme le «grenier» agricole de l’Afrique. Un objectif qui ne pourra être atteint qu’avec le plein concours du secteur privé, à l’image du groupe dirigé par l’homme d’affaires George Forrest, qui pense que «l’agriculture pourrait bientôt dépasser l’exploitation minière en tant qu’industrie dominante en RDC.»

Un slogan que pourrait faire sien George Forrest. Depuis plusieurs décennies, l’histoire de cet homme d’affaires belge se confond avec celle de son pays d’adoption, aux soubresauts duquel il a assisté en première ligne. A la tête d’un véritable empire présent tant dans le BTP que dans l’énergie en RDC, l’industriel s’investit à titre personnel dans l’agro-industrie depuis plus de quinze ans. Cultures diverses, élevage – sa holding GoCongo possède 56 000 têtes de bétail –, usine de biscuits…

Le Président Félix Tshisékedi décorant le capitaine d’industrie belgo-congolais, George Forrest, Président de GoCongo

«Malédiction des ressources», «syndrome hollandais», «paradoxe de l’abondance»… : chacune de ces expressions désigne la manière dont la richesse d’un pays en une ou plusieurs ressources naturelles peut, de façon contre-intuitive, se retourner contre ce même pays et ses habitants. Bien souvent, ces expressions illustrent comment la sur-spécialisation d’une économie nationale dans le secteur extractif (métaux, minerais, énergies fossiles, etc.) s’opère au détriment du tissu économique local et, singulièrement, du secteur agricole. Avec 50 % de son PIB qui dépend du pétrole et plus de 80 % de ses recettes d’exportations reposant sur le secteur minier, la République démocratique du Congo (RDC) est l’archétype de cette hyper-dépendance extractive.

A raison. Avec 80 millions d’hectares de terres arables, la RDC aurait, selon l’Organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), le potentiel pour nourrir 2 milliards d’individus – soit, théoriquement, un être humain sur quatre.

Selon la FAO), la RDC aurait le potentiel pour nourrir 2 milliards d’individus. Mais paradoxalement, le pays ne cultive que 1 % de ses terres

C’est son propre président qui le reconnaît. Dans un entretien accordé fin décembre au média français Géostratégie Magazine, Félix Tshisekedi admet que «pour le moment», l’économie congolaise repose «surtout sur le secteur minier» : cuivre, cobalt, or, diamant, etc. Mais «les mines, à ce jour, hormis le fait qu’elles nous aient apporté quelques problèmes sécuritaires, ne nous apportent pas une jouissance totale – car, tout simplement, nous ne transformons pas nos minerais localement», constate celui qui a été réélu à la tête de cet immense pays d’Afrique centrale, vaste comme quatre fois la France, le 20 décembre dernier. «Notre objectif», conclut le président congolais, est donc «de diversifier notre économie. En ajoutant un accent particulier sur l’agriculture.»

A peine réélu, Tshisekedi mise sur l’agriculture pour diversifier l’économie congolaise

A raison. Avec 80 millions d’hectares de terres arables, la RDC aurait, selon l’Organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), le potentiel pour nourrir 2 milliards d’individus – soit, théoriquement, un être humain sur quatre. Mais paradoxalement, le pays ne cultive que 1 % de ses terres : le fameux «syndrome hollandais», à cause duquel une partie des plus de 100 millions de Congolais ne mange, aujourd’hui, pas à sa faim. Une situation d’insécurité alimentaire, de dépendance aux importations étrangères (qui pèsent près de 3 milliards de dollars par an) et de fragilité face aux soubresauts internationaux (Covid, conflit en Ukraine et déstabilisation des marchés, etc.) qu’accentue encore la folle croissance démographique du pays, qui atteint, en moyenne, 3 % chaque année.

Conscient de l’urgence de diversifier l’économie congolaise, Félix Tshisekedi estime dans son récent entretien que miser sur l’agriculture permettra de «résoudre plusieurs problèmes : celui de la malnutrition, de l’emploi, et de la transformation. Parce qu’en transformant, nous développons de l’emploi, de la richesse… Donc nous développons notre économie.» Citant les exemples du thé, du cacao ou du café, le président de la RDC rappelle que sa «politique des 145 territoires (…) vise à accroître» la production de ces denrées alimentaires à haute valeur ajoutée. «C’est dans les territoires que se trouve la richesse», lance encore celui qui martèle, depuis quelques années, son ambition de voir poindre «la revanche du sol sur le sous-sol» congolais.

Le secteur privé au rendez-vous

Un slogan que pourrait faire sien George Forrest. Depuis plusieurs décennies, l’histoire de cet homme d’affaires belge se confond avec celle de son pays d’adoption, aux soubresauts duquel il a assisté en première ligne. A la tête d’un véritable empire présent tant dans le BTP que dans l’énergie en RDC, l’industriel s’investit à titre personnel dans l’agro-industrie depuis plus de quinze ans. Cultures diverses, élevage – sa holding GoCongo possède 56 000 têtes de bétail –, usine de biscuits… Rien ne semble pouvoir arrêter l’homme d’affaires, selon lequel, tout en respectant les principes du développement durable, «l’agriculture pourrait bientôt dépasser l’exploitation minière en tant qu’industrie dominante en RDC.»

De fait, si le volontarisme public demeure nécessaire pour impulser la nécessaire diversification de l’économie congolaise, le secteur privé est appelé, lui aussi, à jouer un rôle croissant pour atteindre cet objectif. Misant sur le développement des partenariats public-privé, le gouvernement de RDC, par la voix de son ministre de l’Agriculture, a récemment déclaré que «l’État jouera son rôle, il créera les conditions adéquates pour inciter le secteur privé à investir massivement dans l’agriculture.» Une ambition soutenue par de puissants investissements publics : en octobre dernier, les autorités ont annoncé leur intention de miser, en dix ans, pas moins de 6,6 milliards de dollars dans un Programme de transformation de l’agriculture (PTA) visant à stimuler l’investissement privé dans les chaînes de valeur agricoles, dynamiser «l’agribusiness» et développer une agriculture durable et résiliente.

La RDC, futur «grenier» de l’Afrique ?

Dans le même ordre d’idées, la province du Haut-Katanga, où 70 % de la population rurale vit de l’agriculture – et qui concentre aussi certains des plus grands sites miniers du pays –, a adopté au cours de l’été dernier une loi locale protégeant les petits agriculteurs contre les risques d’expropriation par des industriels ou des promoteurs immobiliers. En parallèle, le ministère de l’Agriculture s’est prononcé pour une révision du code agricole afin de favoriser les investissements étrangers dans le secteur. Autant de mesures qui, combinées, devraient permettre, pour Solomane Koné, de la Banque africaine de développement (BAD), à la RDC d’«être le grenier de l’Afrique, l’épicentre de l’industrie agricole continentale et (…) un vivier de prospérité.»

 

 

 

 

 

Article publié pour la première fois sur Afrimag