De son regard de la société apatride et consumériste, le prêtre Ivan Illich devenu philosophe fut un partisan d’une déscolarisation de la société. Il rejoint quelque part un autre géant de la pensée africaine, l’historien et philosophe peul Amadou Hampâté Ba. Pas sur l’inefficacité de l’école que professe Ivan Illich, mais sur la puissance de la transmission du savoir par la voie orale
Il considérait en effet que l’école donne l’impression
d’être la seule capable de se charger de l’éducation, voyant ainsi l’éducation comme nuisible et l’école comme une pollution sociale. Afin que cette déscolarisation soit effective, il proposait la séparation entre l’école et l’État.
Les capacités naturelles d’apprentissage de l’enfant, constate Illich, se manifestent en dehors de l’école : ce n’est pas l’école qui apprend à l’enfant à parler, à jouer, à aimer, à sociabiliser, qui lui apporte la connaissance d’une deuxième langue… L’Afrique détenant un tiers du patrimoine linguistique mondial, l’africain est par nature multilingue.
Ivan Illich dénonçait le conformisme des universités riches et le terrible gaspillage instauré dans les pays du Sud de jeunes diplômés devenus étrangers à leur propre culture, de milieux modestes rejetés et laissés sans espérance…
Ivan Illich rejoint quelque part un autre géant de la pensée africaine, l’historien et philosophe peul Amadou Hampâté Ba. Pas sur l’inefficacité de l’école que professe Ivan Illich mais sur la puissance de la transmission du savoir par la voie orale.
La puissance de la tradition orale
La tradition orale est plus ouverte que la tradition écrite, c’est la quintessence de la sagesse africaine, c’est dans ce sens qu’une amitié inaltérable s’est construite entre d’Amadou Hampâté Bâ et Théodore Monod.
Amadou Hampâté Bâ est un sage intemporel, intergénérationnel, de la spiritualité la plus profonde. Il se disait de lui-même «Je suis, à la fois religieux, poète peul, traditionaliste, initié aux sciences secrètes peule et bambara, historien, linguiste, ethnologue, sociologue, théologien, mystique musulman, arithmologue et arithmosophe.»
La protection de l’environnement avant l’heure
Amadou Hampâté Bâ considérait que les arbres avaient une vie, avait une histoire, avait une âme, et jouait un rôle, une fonction à remplir dans le jeu du monde.
Il protégeait et défendait la nature, il prenait le temps de contempler un tapis végétal, même une plante la plus fragile pour la protéger contre la chaleur, contre l’aridité du sable, de protéger les oiseaux, de protéger une flaque d’eau du désert… Aussi précieuse que la vie humaine. Il avait le souci de ce que Dieu avait créé, de l’écologie.
Pour Amadou Hampâté Bâ, l’attention vers l’autre est très importante, c’est une nécessité absolue.
Il était d’une extraordinaire tolérance, il disait «Quand je parle à quelqu’un et qu’il ne comprend pas, je me tais et je l’écoute. Si j’arrive à le comprendre lui, je saurais pourquoi il ne m’a pas compris.»
Pour la charité, il était peiné de voir qu’aucun n’avait suffisamment cette vraie bonté du cœur, cette grâce.
En cette fin de Ramadan, de Carême, relisons l’œuvre d’Amadou Hampâté Bâ, et écoutons de nos ainés la sagesse africaine.
Article publié pour la première fois sur Afrimag