Le Trophée des champions oppose chaque année le vainqueur du championnat de France à celui de la Coupe de France. Depuis quelques années, ce match de prestige organisé par la Ligue de football professionnelle (LFP) se déroule occasionnellement à l’extérieur de l’hexagone. Parmi les pays déjà visités, on citera le Maroc, le Canada, le Gabon ou l’Empire du Milieu. Plusieurs médias affirment que la Chine a été une nouvelle fois choisie pour accueillir le Trophée des Champions 2024 et que la Côte d’Ivoire ou la République Démocratique du Congo, annoncées comme candidates, ont été mises à l’écart
La Chine, qui a déjà accueilli le Trophée de champions
en 2014 aurait été choisie comme pays hôte une nouvelle fois ; et ce, dans le cadre du soixantième anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises. Le match se tiendra au mois d’août à Pékin. Une décision qui illustre une nouvelle fois, la méconnaissance de certains décideurs français des secteurs publics comme privés, en matière de diplomatie et de géopolitique ; d’autant que le sommet de la Francophonie, se déroulera cette année, à Villers-Cotterêts.
En effet, la Côte d’Ivoire et la République Démocratique du Congo avaient des atouts à mettre en avant, dont voici quelques exemples.
Premièrement, au niveau politique, les dirigeants de la Côte d’Ivoire et de la République Démocratique du Congo entretiennent des relations plus que cordiales avec leurs homologues français. Ils ne sont pas de ces dirigeants africains anti- français. Ils semblent même être francophiles tout en étant favorables à un multilatéralisme assumé et apaisé. Un positionnement précieux à un moment où la France perd pied en Afrique Francophone. On notera également que ces deux pays possèdent des richesses agricoles pour l’un, et minières pour l’autre. Ce qui en fait des partenaires stratégiques de la France.
Deuxièmement, leurs diasporas respectives sont importantes dans l’Hexagone. On peut compter plusieurs milliers de personnes ; dont un certain nombre de personnalités du monde des arts, de la musique et des sports à l’influence non négligeable. Au niveau musical, la jeunesse française, dans sa diversité se délecte depuis quelques années au rythme des «derniers sons» en vogue à Abidjan ou à Kinshasa. Par ailleurs, tout le monde porte aujourd’hui un regard bienveillant sur des personnalités comme Didier Drogba, et même le joueur football de l’Olympique de Marseille Chancel Mbemba.
Troisièmement, ces deux pays ont accueilli dernièrement des manifestations sportives d’envergure. La Côte d’Ivoire, pour sa part vient d’organiser en début d’année, avec succès la plus grande Coupe d’Afrique des Nations (CAN) depuis sa création avec un nombre record de pays participants, de spectateurs, dans les stades comme derrière les écrans et ce surtout avec une organisation sans faille. La République Démocratique du Congo n’est pas en reste, elle a abrité les derniers Jeux de la Francophonie avec brio.
Deux évènements marqués par la construction d’infrastructures sportives et de stades notamment, l’agrandissement et la rénovation des parcs hôteliers, et l’acquisition d’un savoir-faire en matière de gestion de grands évènements avec de fortes contraintes sécuritaires sous-jacentes. On soulignera que ces deux moments n’ont quasiment pas été médiatisés en France métropolitaine. Toutefois, face au tollé qui se profilait et à l’intérêt d’une partie de la population pour la dernière CAN, une chaîne gratuite du paysage audiovisuel français a fini par diffuser «en dernière minute», la finale de la compétition. Une anecdote qui est un signe de ce désintérêt pour l’Afrique et l’espace Francophone.
Quatrièmement, le championnat de France de football regorge de joueurs dont les ascendants sont originaires d’Afrique francophone. On constate d’ailleurs que lors de la dernière CAN de nombreux sportifs se sont déplacés en Côte d’Ivoire, devenant de facto des ambassadeurs d’une certaine France de la diversité, ouverte sur le continent africain.
De l’intérêt d’un délégué interministériel
Il s’agit là, indéniablement d’un nouveau rendez-vous raté. L’impact dans les esprits d’un tel évènement en Afrique francophone aurait été notable en matière de soft power. Une façon pour la France de faire corps avec l’espace francophone, à un moment clef où sa présence est contestée en Afrique. Il est évident que le choix d’organiser ce match en Asie relève davantage de considérations d’ordre financier.
Face à ce loupé, un délégué interministériel à la Francophonie aurait permis de sensibiliser les ministères français en charge des Affaires étrangères, du commerce, des sports, de la sécurité mais aussi les acteurs privés concernés au premier chef aux enjeux du choix du lieu de cette finale.
Il serait temps en cette année 2024 de penser à nommer un tel responsable rattaché par exemple directement au Premier ministre. La promotion de l’idée Francophone en France le vaut bien.
Article publié pour la première fois sur Afrimag