Le nouveau gouvernement de la République Démocratique du Congo a été dévoilé mercredi 29 mai. Sa constitution intervient plus de cinq mois après la réélection du Président Félix Tshisekedi.

Dans la nouvelle team que dirige la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, nommée début avril, plusieurs anciens ministres de la première mandature du Président Tshisekedi reprennent du service. Un nom – et pas des moindres -manque à l’appel : Nicolas Kazadi, ex- grand argentier de la République Démocratique du Congo ! Une absence qui pose moult questions. Sans vraiment trouver de réponses convaincantes

Selon plusieurs analystes politiques de la République Démocratique du Congo, la non reconduction de l’ex-ministre des Finances obéit à des considérations politiques. D’aucuns considèrent plutôt que l’homme qui a mené des réformes courageuses majeures qu’aucun de ses prédécesseurs n’a eu la volonté de conduire au ministère des Finances, a été victime de son aura politique et de l’ascendant qui fait de lui l’une des personnalités qui compte en RDC.

Dans un pays classé 162eme sur 184 par l’ONG Transparency International, dans son rapport de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) en 2023, un réformateur comme Nicolas Kazadi se fait, forcément, des ennemis parmi ceux, nombreux, qui veulent que le Système perdure, même quand une telle situation ternit aussi l’image du Président Tshisekedi dont l’objectif pourtant, au cours de ce second mandat, devrait être de redorer son blason pour laisser son nom dans l’histoire politique de son pays.

La RDC a pris langue avec les institutions financières multilatérales 

La mise à l’écart de Nicolas Kazadi relève donc bien de ce qu’on pourrait qualifier de «politiquement incorrect», au regard du travail abattu au ministère des Finances mais aussi de son parcours d’opposant au pouvoir de l’ancien Président Joseph Kabila.
Au sein de la classe politique entourant le Président Tshisekedi, on ne se fait pas de quartier, même si la situation qui prévaut dans une grande partie de ce pays-continent appelle plutôt à l’union sacrée et à l’application stricte du sacro-saint principe de «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.»

Séance de discussions entre l’ex-argentier de la RDC et une délégation du FMI à Kinshasa

Sortir Nicolas Kazadi du gouvernement, pour des considérations politiques ou non, n’est donc pas seulement  une injustice, à l’aune du bilan qu’il vient de réaliser au ministère des Finances, mais un risque de dégénérescence économico-financière avec la remise en cause de toutes les bonnes réformes qui ont permis à la RDC de reprendre langue avec les institutions financières internationales. C’est d’autant plus vrai qu’il faut un homme de la trempe de Nicolas Kazadi pour continuer ces réformes au moment où l’équipe du FMI vient de parvenir à un accord au niveau des services avec la République démocratique du Congo pour la sixième revue de la Facilité Élargie de Crédit (FEC) au terme de sa mission de consultation au titre de l’article IV pour 2024. 

Membre de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), et conseiller du défunt fondateur Étienne Tshisekedi pendant de nombreuses années, Nicolas Kazadi s’est mis au service du fils de son ancien mentor, sans doute par conviction, si l’on sait qu’il avait plus d’une possibilité pour mener une brillante carrière à l’international.

Les craintes de voir les réformes entreprises inappliquées 

La mise à l’écart de Nicolas Kazadi relève donc bien de ce qu’on pourrait  qualifier de «politiquement incorrect», au regard du travail abattu au ministère des Finances mais aussi de son parcours d’opposant au pouvoir de l’ancien Président Joseph Kabila.

Au sein de la classe politique entourant le Président Tshisekedi, on ne se fait pas de quartier, même si la situation qui prévaut dans une grande partie de ce pays-continent  appelle plutôt à l’union sacrée et à l’application stricte du sacro-saint principe de «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.»

Les craintes sont donc réelles de voir la RDC replonger de plus belle dans l’avant arrivée de Nicolas Kazadi au ministère des Finances où tous reconnaissent le bien fondé d’une mise en place d’une politique de réformes visant à améliorer la gestion financière et à lutter contre la corruption endémique qui touche tous les rouages de ce pays continent gorgé de ressources minérales stratégiques et des terres arables attirant l’appétit des corrupteurs venus d’un peu partout. Les scandales dans la signature des contrats miniers léonins avec des multinationales occidentales, chinoises ou asiatiques y sont pour quelque chose. Mettre un terme à cette gabegie gigantesque qui a fait la fortune de beaucoup d’acteurs politiques et économiques de la RDC ne passe pas. Le réformateur qu’a été Nicolas Kazadi aux finances a payé cash son courage.

Cette éviction est donc loin d’être un «bon risque» quand on sait que les problèmes politiques et sociaux que traversent aujourd’hui la RDC sont la conséquence directe de ses incongruités économiques, parfaite réplique de cette contradiction : des citoyens pauvres dans un pays riche ! Elle ne semble avoir alors qu’une seule explication : la volonté tenace, pernicieuse même, des ennemis du Président Tshisekedi de l’isoler, pour mieux l’affaiblir, de tous ceux qui, comme Nicolas Kazadi, pouvaient l’aider à mieux gouverner. L’ancien argentier de la RDC part avec la conscience tranquille estimant, au regard de son bilan et de l’appréciation qui en a été faite par les observateurs neutres, avoir «œuvré dans l’intérêt de la République en toute abnégation.»

 

 

 

 

Article publié pour la première fois sur Afrimag