Le Maroc et le Japon entretiennent des relations marquées par une profonde amitié entre la famille royale marocaine et la famille impériale japonaise depuis l’établissement des relations diplomatiques en 1956. Relations dans lesquelles, considère Abdallah Saaf dans son Policy Paper ‘‘le Japon et le Maghreb’’, « la coopération économique occupe une place de choix […]. Comme montré lors de la visite d’Etat au Japon, effectuée par le souverain marocain en 2005, outre les bonnes relations existantes entre la famille royale et la famille impériale, le Maroc et le Japon ont développé et entretenu des rapports substantiels dans divers domaines ». Le Japon a ouvert son premier consulat à Casablanca en 1938, puis quatre ans après l’ouverture de l’ambassade du Japon à Rabat, en 1961, le Royaume du Maroc a ouvert son ambassade à Tokyo en 1965.

par Redouan Najah –
Spécialiste en Relations Internationales au
Policy Center for the New South

Les deux pays entretiennent un partenariat économique de longue date. Au cours des dix dernières années, le nombre des entreprises japonaises opérant au Maroc a plus que doublé et atteint 75 contre 35 en 2015, faisant du Royaume la deuxième destination des entreprises nippones en Afrique et du Japon le premier employeur privé étranger au Maroc (50 000 employés). Les géants automobiles Sumitomo, Fujikura et Yazaki assurent à eux seuls plus de 30 000 emplois.  Ces entreprises sont principalement actives dans les secteurs de l’industrie automobile et de l’aéronautique, du câblage… etc.113 Le Japon souhaite développer davantage ses relations économiques avec le Maroc à travers une forte implantation des entreprises nippones dans le Royaume, a indiqué le ministère japonais des Affaires étrangères dans son dernier rapport annuel 2021 « livre bleu diplomatique 2021 »

Les sociétés basées au Maroc opèrent dans des secteurs stratégiques, tels que l’industrie automobile et les énergies renouvelables. L’Agence marocaine de l’Énergie durable (Masen) et Sumitomo ont conclu un partenariat en 2016 pour construire et exploiter un démonstrateur basé sur la technologie modules photovoltaïques à concentration (CPV) d’une capacité de 1MW à Ouarzazate.115 Dans le secteur bancaire, en marge de la TICAD 2019, Attijariwafa Bank a signé un mémorandum d’entente avec Mizuho Bank, l’une des banques leaders au Japon.116 Le groupe Banque Centrale populaire (BCP) et le groupe Sumitomo Mitsui Banking Corporation (SMBC), deuxième plus grande banque du Japon, ont signé un MoU pour développer des opportunités d’affaires sur le continent.

La coopération dans le domaine agricole est marquée par une dynamique caractérisée par la réalisation de nombreux programmes et projets de développement, liés notamment au conseil et à la formation agricoles, ainsi qu’au développement hydro-agricole.

Le volume moyen des échanges dans ce secteur s’élève à 200 millions MDH, avec une prédominance des exportations du Maroc qui s’élèvent à environ 180 MDH en moyenne annuelle.

Lors de sa visite au Maroc en juin 2022, le vice-ministre japonais de l’Agriculture, Takebe Arata, a encouragé l’approvisionnement stable en engrais et en phosphate marocains.118 Le Japon en importe déjà environ 20 % de sa demande intérieure du Maroc.119 La coopération entre les deux pays porte notamment sur les domaines de la pêche maritime, coopération qui remonte à plus de 40 ans, avec l’accord de pêche toujours en vigueur depuis 1985. En 2021, le Japon a lancé un navire de recherche océanographique et halieutique à la pointe de la technologie pour soutenir l’industrie halieutique africaine120, dans le cadre du développement de la coopération tripartie entre le Japon, le Maroc et l’Afrique en tant que continent dans les secteurs agricoles, de la pêche et de l’agro-industrie.

Pour les financements d’APD, en 2022 la JICA et le gouvernement marocain ont signé un accord de prêt d’APD d’une valeur de 22 000 millions de yens, un appui budgétaire visant à améliorer l’environnement d’apprentissage de l’éducation de base.121 Un autre accord de prêt d’APD, d’une valeur de $200 millions, a été signé en 2020 dans le cadre du programme de soutien à la lutte contre la Covid-19.122 Selon le ministère marocain de l’Économie et des finances, « le premier prêt d’APD (en Yens) au Maroc date de 1976. Depuis lors, plus de 37 projets de prêts ont été réalisés au Maroc pour un montant de 310 milliards de yens japonais (environ 27 milliards MAD) dans différents domaines ».123 Entre 2019 et 2020, l’aide bilatérale du Japon au Royaume a presque doublé, passant de $34 millions à $61 millions, selon les dernières données de l’OCDE.

Ticad 8

Le Maroc et le Japon se rapprochent davantage dans leur coopération, laquelle a été renforcée par la tenue de la 5ème session de la commission mixte Maroc-Japon à Rabat en 2020, qui a été ponctuée par la signature de deux accords de coopération entrés en vigueur en 2022. Il s’agit, d’une part, de l’Accord pour la promotion des investissements et, d’autre part, de la convention fiscale de non double imposition entre les deux pays.124 Dans une Note de l’ambassade du Japon à Rabat, on peut lire que l’entrée en vigueur de ces deux accords aspire à porter les échanges entre les deux pays à un niveau supérieur. La Note indique également que le Maroc est l’un des premiers pays africains avec lesquels de tels traités ont été conclus, et qu’il se classe troisième en Afrique par rapport à la Convention et le cinquième par rapport à l’Accord. La mise en place d’un cadre juridique à travers ces deux accords entrainera également une augmentation du nombre d’entreprises japonaises au Maroc. Car, le premier incite les entreprises à accroitre leurs investissements au Maroc. Le second encourage l’implantation d’entreprises dans les deux pays en éliminant la double imposition.

 

Chapitre tiré du Research Paper « Le Japon en Afrique : un acteur actif mais discret »Redouan Najah, Spécialiste en Relations Internationales au Policy Center for the New South