Pendant des années les compagnies aériennes traditionnelles ont fait la course au volume, ne serait-ce que pour faire face à la féroce compétition des low costs qui se taillaient une part croissante du marché. Il faut bien se rappeler que la meilleure contribution des clients provenait du marché affaires européen auquel les transporteurs appliquaient des tarifs particulièrement élevés.
Sauf que le niveau des prestations n’était pas assez bon pour justifier des écarts de prix de l’ordre de 200% par rapport aux nouveau entrants, surtout pour des trajets qui n’excédaient que rarement les 2 heures de vol. Je me rappelle encore avoir alerté des responsables d’Air France sur le risque de transfert de cette tranche de marché et m’être entendu répondre un peu dédaigneusement que d’abord les low costs allaient se casser la figure et que de toutes façons ils ne transportaient que des « sacs à dos ». On a vu ce qui est arrivé.
Alors, pour éviter la fuite des clients, les « légacies » comme on les appelle, ont été amenées à baisser leurs tarifs pour s’aligner plus ou moins sur ceux des concurrents. Sauf que, ce faisant et en dépit de l’utilisation d’un « yield management » très affiné, la recette unitaire a commencé à baisser sans pour autant que les charges des compagnies soient diminuées. Comment faire pour retrouver un équilibre économique lorsque la clientèle à haute contribution n’accepte plus de payer les tarifs demandés, fussent-ils soutenus par de généreux programmes de fidélité ? D’autant plus qu’elle avait de plus en plus le choix des transporteurs. Pourquoi payer plus de 1.000 € un aller-retour Paris Madrid alors que les concurrents proposent le même trajet avec le même type d’appareil pour 300 € ?
La réponse des transporteurs traditionnels pouvait être trouvée dans des économies internes de manière à se rapprocher des coûts de revient des low costs. Oui, mais cela aurait demandé des efforts que les compagnies ne voulaient ou ne pouvaient pas réaliser, coincées par les sureffectifs et des syndicats figés dans la défense de leurs privilèges. Il n’y avait donc rien à espérer des économies internes. Restait à les faire sur les fournisseurs et la qualité des prestations. Les premiers visés ont été les agents de voyages auxquels il a été décidé brutalement de supprimer les commissions et de les remplacer par des sites internet permettant la vente directe. Notons que ces derniers ont trouvé la parade en faisant payer leur service par leurs clients en échange de quoi ils se sont acharnés à leur trouver des tarifs de moins en moins chers. Les prestataires aéroportuaires n’ont pas été oubliés. Les compagnies ont fait une forte pression pour qu’ils baissent leurs prix ce que ces derniers ont dû faire, mais ils ont été amenés à employer du personnel de moins en moins rémunéré et leur prestation s’en est ressentie. Et pour finir les transporteurs ont baissé le niveau de leurs prestations. Les cabines ont été densifiées, les repas sont devenus de plus en plus frugaux, les agents d’assistance aux aéroports ont été petit à petit remplacés par des machines et les clients ont été priés de faire eux-mêmes les démarches administratives via les miraculeux sites internet.
Et c’est ainsi que les volumes de passagers se sont envolés et que les recettes n’ont bien entendu pas suivi. Du coup la clientèle à très haute contribution a été délaissée et pour densifier les appareils ont a progressivement fait disparaître la cabine Première et certaines compagnies ont tout simplement remplacé les sièges de la classe affaires par des sièges de la classe économique et séparant les cabines par des rideaux. Bref petit à petit, on a touché le fond, et il n’y a eu plus vraiment de différence entre des low costs et des transporteurs traditionnels.
Sauf que cette clientèle fortunée et largement prête à utiliser son argent pour des prestations de haut de gamme existe. Or la course au volume va diminuer, au moins sous la pression écologique. On voi, d’ailleurs, depuis la fin de la pandémie, les tarifs augmenter fortement. Et les dirigeants se demandent si ce n’est pas le moment de revenir aux fondamentaux et donc de rétablir la Première Classe qui était tombée en déshérence. Air France à commencé son virage d’ailleurs avant la crise sanitaire. Lufthansa a décidé de remettre en service les A 340-600 dont on disait pis que pendre, mais qui sont équipés d’une Première Classe. Il semble que le pli soit pris, au moins pour le long-courrier. Et c’est très bien.
La retour en grâce d’un certain luxe à bord, fusse pour un petit nombre de sièges, aura pour conséquence une amélioration de toutes les prestations, même si cela prend du temps. Le transport aérien va peut-être enfin retrouver un lustre qu’il avait perdu.