La diplomatie a ceci de vertueux. Sa double dimension à la fois interne -entre diplomates- et externe, vers les opinions-public et médias. Ce n’est pas le ministre guinéen des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, qui vous dira le contraire. Justement parce que la diplomatie repose, pour une forte part, sur le langage et sur les sens reçus et perçus des messages véhiculés. D’où pour lui, le besoin de démontrer, d’expliquer pourquoi des savoir-faire en matière de décryptage de ces messages sont nécessaires pour éclairer les sens cachés, les enjeux et les stratégies dont ils sont enrobés. Explications.
Manier les us et codes de la diplomatie
AFRIMAG : Tenir le cap fixé par le chef de l’Etat, insuffler une nouvelle dynamique dans la conduite des affaires publiques, permettre un dialogue inclusif, remettre au plus vite le pays sur les rails… La recette semble porter ses fruits en peu de temps. Comment l’expliquez-vous ?
Dr. Morissanda Kouyaté : Notre recette n’est pas un miracle. C’est une recette pratique et pragmatique. Nous sommes sortis du cache-cache que certains feraient avec la communauté internationale. Cette même communauté internationale ne fait pas souvent, elle-même, ce qu’elle dit. Nous, sous le leadership du Président de la Transition, nous avons joué carte sur table et expliqué la situation de notre pays telle qu’elle se présentait à notre arrivée aux affaires. Situation qui est vérifiable sous la houlette de la communauté internationale présente ici en Guinée.
Ensuite, le Président de la Transition a fixé un cap dont la teneur est : ‘’ni lui, ni le CNT, ni les membres du gouvernement n’étaient intéressés à devenir membres du gouvernement ou bénéficier d’aucune autre situation après la Transition’’.
Enfin, le Chef de l’Etat a prouvé au monde, à travers notre diplomatie, que la Guinée sait où elle va. Notre démarche est empreinte de sincérité dans nos rapports avec la communauté internationale. Elle est également dans la continuité de nos engagements internationaux.
AFRIMAG : De l’avis de plusieurs observateurs, le dialogue inclusif inter-guinéen qui a récemment rendu ses conclusions a été un franc succès. Pourtant, une frange de la classe politique souhaite un dialogue délocalisé. Quelle est la position du gouvernement sur le sujet ?
Dr. Morissanda Kouyaté : Le dialogue délocalisé n’a jamais existé. C’est juste une vue de l’esprit. Lors du Sommet d’Abuja au Nigeria du 4 décembre, les chefs d’Etat ont dit, et cela a été écrit dans le communiqué, qu’ils soutenaient le dialogue inclusif. Voie que les Guinéens, sur instruction du Président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, encouragent. Ceci étant, discussions, pourparlers…on peut attribuer au dialogue l’appellation que l’on veut, mais on ne parle de délocalisation que quand il y’a deux parties, d’un même pays par exemple, en conflit avec une ligne de démarcation nette. Dans ce cas de figure, on peut envisager un territoire neutre pour essayer d’approcher les points de vue. Ici, tout le monde a pratiquement participé au dialogue inclusif. Ceux qui n’ont pas souhaité prendre part à cette rencontre, c’est leur droit, ont leurs raisons. Que la majorité qui a pris part au dialogue inclusif ne partage. C’est cela aussi la notion de respect des valeurs démocratiques.
AFRIMAG : Vingt-quatre mois pour la mise en application du chronogramme concerté avec la CEDEAO pour un retour à l’ordre constitutionnel, comment la Guinée compte-t-elle dérouler le contenu ?
Dr. Morissanda Kouyaté : Nous avons discuté dix points avec la CEDEAO. Parmi lesquels un point d’une importance particulière a retenu l’attention de tout le monde : le recensement général de la population. Il va sans dire que la disponibilité des données du recensement complète les données d’inscription des électeurs en fournissant un aperçu sur la population qui est admissible au vote.
AFRIMAG : Quel est le niveau d’implication des partenaires au développement pour la réussite de la mise en œuvre de ce chronogramme ?
Dr. Morissanda Kouyaté : J’avoue qu’il y’a un engouement ; les partenaires sont prêts. Ils disent qu’ils sont prêts à nous accompagner. Mais ce que je voudrais dire sur cette opération essentielle, c’est que nous comptons d’abord sur nous-mêmes. Car, pour ce faire, nous devons mobiliser nos propres ressources en interne pour réussir ce challenge. Il faut ajouter cependant qu’aucun pays au monde n’a jamais les moyens de ses ambitions. D’ailleurs, certains accords que nous avons signés avec la CEDEAO vont dans ce sens. La CEDEAO va nous aider à mobiliser les ressources pour mettre en œuvre notre chronogramme.
AFRIMAG : Quelle serait la part que vous attendez de vos différents partenaires pour des élections réussies, en termes de contribution financière ?
Dr. Morissanda Kouyaté : Nous allons dans le sens de financer par nos propres moyens les parties cruciales concernant ces élections. Car, il est hors de question de dépendre entièrement d’un partenaire, fut-il essentiel. Nous parlons de l’avenir de la Guinée à travers de ces élections, il serait donc impensable de confier notre destin à des partenaires qui, pour une raison ou une autre, pourraient l’utiliser pour bloquer la machine électorale.
Ceci étant dit, l’assistance de nos partenaires dans ce processus électoral que nous devons contrôler est toujours la bienvenue.
AFRIMAG : Le regain diplomatique de ces derniers mois avec le Mali et le Burkina Faso préfigure-t-il d’un rapprochement ou d’une union sacrée avec la Guinée ?
Dr. Morissanda Kouyaté : C’est la réaffirmation des liens séculaires de coopération entre la Guinée et ces Etats, mais aussi les perspectives que ces deux pays nourrissent l’ambition de porter cette coopération à un niveau d’excellence. Les relations de fraternité entre la Guinée, le Mali et le Burkina ont toujours existé. Nos peuples ont longtemps cheminé ensemble et ont des axes de coopération multiformes.
Le Président Mamadi Doumbouya est engagé pour donner un nouveau souffle aux relations de coopération entre la Guinée et ces pays frères. Il a donné ses instructions au Premier ministre et l’ensemble de son gouvernement de se mettre à la disposition du Burkina Faso et du Mali, de leurs peuples et de travailler ensemble pour que les solutions aux problèmes qui se posent à nos pays soient trouvées d’abord en interne avant d’être exposés au reste du monde. Nous nous attelons à transformer ce partenariat en action concrète et immédiate pour que les axes Conakry-Ouagadougou et Conakry-Bamako soient des axes d’action et non des axes de parole.
AFRIMAG : Quid du coup de froid entre Conakry et Bissau. Où en sont les relations aujourd’hui entre les deux pays ?
Dr. Morissanda Kouyaté : J’ai d’abord le plaisir de vous annoncer que nous n’avons aucune brouille d’avec aucun pays, à plus forte raison de l’Afrique ou de la CEDEAO. Nous sommes en froid avec personne, et cela est un acquis du Président de la Transition. Rappelez-vous que quand le Chef de l’Etat est venu aux responsabilités, il a dû rouvrir les frontières avec la Guinée-Bissau, le Sénégal et la Sierra-Léone. Cet acte montre que la Guinée cultive la politique de la coopération et du bon voisinage au bénéfice de tous.
Pour nous, la Guinée-Bissau est sacré. Notre pays a apporté une contribution inestimable à sa lutte de libération. Beaucoup de Guinéens sont morts pour la libération de la Guinée-Bissau.
Amilcar Cabral, le leader charismatique du PAIGC a été assassiné à Conakry un 20 janvier 1973. Beaucoup de nos compatriotes ont été les victimes collatérales de cet assassinat commandité par le Portugal, ancien pays colonisateur de la Guinée Bissau. Donc pour nous, le peuple de Guinée-Bissau est un peuple sacré, et je pense que les Bissau-guinéens aussi nous considèrent comme un peuple sacré, par conséquent aucun politique ne pourra changer cela. Je ne dis pas une politique, je dis bien aucun politique ne pourra changer cela. Alors de façon diplomatique tout va bien entre nous.