Lomé, la capitale togolaise a accueilli, le 31 mai 2023, une table ronde de haut niveau sur les engrais et la santé des sols en Afrique de l’ouest et au Sahel avec la participation des chefs d’État de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, du Niger, Mohamed Bazoum et l’hôte de la table ronde le Président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé.
Cette rencontre internationale, organisée en collaboration avec le Groupe de la Banque mondiale et la Commission de la CEDEAO (Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), a abouti à l’élaboration d’une feuille de route assortie d’une déclaration d’engagement des parties prenantes baptisée «La Déclaration de Lomé». Elle a connu la participation des experts venus de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Étaient également présents le Vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Ousmane Diagana, les partenaires régionaux du développement.
Faire face à la «pire crise alimentaire»
Cette rencontre s’est tenue dans un contexte où la sous-région ouest-africaine fait face à « la pire crise alimentaire qu’elle ait connue depuis dix ans », selon la Banque mondiale, avec plus de 41 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë pendant la saison de soudure (juin-juillet) cette année. S’il a été question de renforcer la capacité de transformation des engrais nationaux, notamment au Nigeria et au Togo, pour mieux fournir la sous-région en fertilisants, il faut dire que les discussions techniques ont porté sur les politiques sectorielles et cadres réglementaires pour la promotion des investissements privés, la production locale des engrais, l’utilisation des engrais et la gestion durable des sols, les infrastructures de distribution et le commerce intra- régional.
Les chefs d’État présents à Lomé ont ainsi validé la feuille de route soumise par les équipes techniques et ministérielles, tout en réaffirmant leur engagement à investir dans les engrais pour la transformation agricole à travers la Déclaration de Lomé. «Les pays de la CEDEAO s’engagent à améliorer l’accès aux engrais minéraux et organiques des petits producteurs et productrices agricoles, en mettant l’accent sur les cultures assurant la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations et la mise en œuvre des actions prioritaires», indique Omar Aliou Touray, Président de la Commission de la Cedeao. De quoi satisfaire l’hôte de cette table ronde, le Président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé qui a souligné que «sans vision, sans stratégie, les engrais passent bien vite d’une promesse de restauration des sols à la cause de leur détérioration», tout en poursuivant que «face à ce besoin de trouver un juste équilibre, la planification et l’implication de l’État s’imposent. C’est pourquoi je suis favorable à une planification régionale. Comme l’illustre la feuille de route présentée ce jour, notre vision doit être sous-régionale avant tout.»Toujours est-il qu’à l’issue de la rencontre, les chefs d’industrie et les partenaires de développement de l’Agence régionale pour l’agriculture et l’alimentation en Afrique de l’Ouest (ECOWAP) ont réaffirmé leurs appuis pour une approche innovante et intégrée de la gestion durable de la fertilité des sols.
La Banque mondiale accroît son soutien
C’est dans ce sens que le Vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Ousmane Diagana a déclaré qu’«en faveur des pays membres de la Cedeao et avec les partenaires au développement, la Banque mondiale s’engage à accroitre leur soutien financier et technique pour une agriculture résiliente porteuse de développement durable et créatrice d’emplois. Nous travaillons avec les institutions africaines pour promouvoir la santé des sols et lutter contre l’insécurité alimentaire.»
La Banque mondiale a, d’ailleurs, annoncé 1,5 milliard de dollars US additionnels dans le secteur de l’agriculture d’ici 2024 ; passant de 4 milliards déjà engagés et en cours de mise en œuvre à 5,5 milliards de dollars US. Il s’agit d’un soutien continu aux réformes nécessaires pour l’amélioration de la santé des sols et le renforcement du secteur des engrais en matière de gestion des subventions, de contrôle de qualité et traçabilité à travers des opérations de politique de développement et des projets de production d’engrais verts. Les Pays-Bas ont également annoncé 100 millions d’euros pour soutenir le secteur en Afrique de l’Ouest au cours de la prochaine décennie.
Vers le triplement de la consommation d’engrais en Afrique de l’Ouest et au Sahel
Il est important de souligner que la «Déclaration de Lomé» porte sur une série d’objectifs et de mesures concrètes qui sont notamment, le triplement de la consommation d’engrais et le doublement de la production agricole d’ici 2035 grâce à l’adoption d’une approche intégrée de la gestion des terres et de la restauration de la santé des sols ; une amélioration urgente de l’accès aux engrais minéraux et organiques pour les petits exploitants agricoles, avec un focus sur les cultures résilientes au climat afin de garantir la sécurité alimentaire des habitants de la région ; l’adoption de mesures politiques visant à faciliter l’accès et l’utilisation d’engrais en éliminant les frais de douane et les taxes, en promouvant la transparence, et en développant les capacités en matière de contrôle de qualité et de traçabilité, par l’établissement du Comité ouest-africain de contrôle de la qualité des engrais ; le renforcement des systèmes de recherche et développement dans le domaine de la gestion durable des terres, y compris par l’adoption de nouvelles technologies ; la promotion des investissements dans le domaine des transports, de l’expédition, et des infrastructures de stockage, ainsi que la mise en place de mécanismes de financement et de partage des risques pour les fabricants d’intrants et les distributeurs au sein de la région, avec l’appui du Groupe de la Banque mondiale (GBM), des banques régionales d’investissement et de développement (BIDC, BOAD), des banques africaines (BAD, Afreximbank) ; et le renforcement de la collaboration régionale pour améliorer la production, l’achat et la distribution des engrais organiques et minéraux dans l’espace communautaire par l’opérationnalisation du Mécanisme africain de financement du développement des engrais. Autant d’objectifs sur lesquels les gouvernements, les partenaires régionaux et de développement, notamment la Cedeao, le Groupe de la Banque mondiale, et les dirigeants du secteur privé ont promis de veiller à leur concrétisation et d’en rendre compte.