Dr. Aboubakar Nacanabo, ministre de l’Economie, des Finances

Ce n’était pas du poisson d’avril. La direction générale des impôts au Burkina Faso a débuté le 1er avril, l’opération de contrôle et de retrait, s’il y a lieu, des terrains à usage autre que d’habitation, conformément à un communiqué rendu public par le ministère de l’Economie et des Finances, le 15 mars dernier.

Selon toujours ce communiqué, les contrôles portent sur quatre points : «les terrains à usage de commerce, d’industrie, d’élevage, d’enseignement, de santé, de culte et autres usages que d’habitation situés dans les zones loties ou hors lotissements, le paiement des droits et taxes, notamment les droits de mutation et de jouissance devant être payés respectivement dans le délai d’un mois et de trois mois». Ces contrôles visent à constater la situation d’occupation et de mise en valeur des terrains.

Renflouer le Trésor public

Burkina Faso : l’État décide du retrait des terrains à usage autre que d’habitation

Ouagadougou

En attendant le bilan de cette opération dont la seule annonce a interrompu le sommeil de certains attributaires indélicats, il faut dire que cette mesure étatique vise à mettre de l’ordre dans un domaine où les pratiques mafieuses ont pignon sur rue et au passage à renflouer le Trésor public dans un contexte de lutte contre l’insécurité. En effet, nonobstant le fait que les attributions de terrain au Burkina sous les régimes passés se sont faites très souvent dans les conditions les plus opaques avec tous les scandales fonciers connus qui ont éclaboussé de nombreux maires, il faut aussi dire que le civisme fiscal n’est pas le sport favori des Burkinabè qui disposent de plus d’un tour dans leurs sacs pour se jouer des agents des impôts. Pire, des Burkinabè ont fait de la spéculation foncière un moyen d’enrichissement sans le moindre effort : ils se contentent d’acquérir des terrains qu’ils revendent à des prix coûtant les yeux de la tête et ce, au mépris de tous les textes qui règlementent la gestion foncière. Il fallait donc sonner la fin de la récréation surtout que de nombreuses attributions ou acquisitions de terrains ont été détournées de leurs destinations premières ou se sont faites aux détriments d’espaces verts ou d’infrastructures à usage collectif. Il était d’autant plus urgent de le faire qu’avec les agences de promotion immobilière, la course à l’accaparement des terres sans projet clair de mise en valeur, a fini par faire de la question foncière en zones péri ou para urbaines, une véritable bombe sociale.

Au-delà de la question de la légalité, les terrains non exploités sont, en milieu urbain, source de nombreux maux. En plus de constituer des nids pour les délinquants, ils posent de véritables problèmes de salubrité publique car ils sont souvent transformés en dépotoirs et enlaidissent par la même occasion les paysages urbains.

Les plus grands propriétaires terriens sont les dignitaires des régimes déchus

En milieu rural, s’il y a bien un phénomène qui menace la cohésion sociale, c’est l’accaparement des terres agricoles par des spéculateurs fonciers qui ne les exploitent pas, se contentant souvent juste d’une thésaurisation pour le futur. Il était donc plus que temps de mettre fin à cette course effrénée pour l’accaparement des terres qui cause de véritables problèmes sociaux et écologiques.

Cela dit, il faudrait, pour réussir que cette opération de contrôle et de retrait s’il y’a lieu des terrains à usage autre que d’habitation, se fasse dans les règles de l’art pour ne pas donner l’impression d’une chasse aux sorcières. L’on sait en effet que les plus grands propriétaires terriens sont les dignitaires des régimes déchus ou leurs proches. Sans leur donner l’impression de leur faire un procès en sorcellerie, il faut les confondre par les règles de droit qu’ils ont parfois eux-mêmes élaborées sans se les appliquer.