A Charm el-Cheikh lors des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, les ministres africains des Finances, de la Planification et du Développement économique ont appelé à des réformes du système des Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI afin de renforcer le filet de sécurité financière mondial et de mettre davantage de liquidités à la disposition des Pays en développement (PED).

L’appel à des réformes a été lancé lors d’une réunion du Groupe de travail africain de haut niveau sur l’architecture financière mondiale en marge des assemblées annuelles 2023 du Groupe de la Banque africaine de développement qui se tiennent à Charm el-Cheikh, en Égypte.

Charm el-Cheikh : Les ministres africains appellent à des réformes du système des Droits de tirage spéciaux du FMI  

Des ministres des Finances

Coordonné par la Commission économique pour l’Afrique (CEA), le Groupe de travail de haut niveau comprend les ministres africains des Finances, de la Planification et du Développement économique, l’Union africaine, la Banque africaine de développement, Afreximbank et la Banque mondiale. Y participeront également le personnel et les directeurs exécutifs du FMI. Le Groupe offre un cadre pour élaborer des propositions de réforme de l’architecture financière mondiale et renforcer la voix africaine sur la scène mondiale.

Conception originale des DTS et la réalité

Au cours de la réunion, Mme Hanan Morsy, Secrétaire exécutive adjointe et Économiste en chef de la CEA, a fait une présentation sur la réforme du mécanisme d’allocation et de réorientation des DTS. Le système de DTS a vu le jour en 1968 dans le but de compléter les réserves officielles et de faciliter la liquidité mondiale. Les statuts du FMI stipulent que les allocations de DTS sont censées être examinées tous les cinq ans ; et ces allocations sont appelées « périodes de base ». Les articles autorisent également des allocations de DTS en réponse à des « évènements majeurs inopinés ». Au cours des 12 « périodes de base » depuis la création du système de DTS, il n’y a eu que quatre allocations générales et une allocation spéciale (avec deux notables en 2009 et 2021). Ceci en dépit du fait que les conditions macroéconomiques mondiales auraient justifié des allocations plus fréquentes pendant cette période.

Mme Morsy a également souligné que, lorsque des DTS sont alloués, ils ont tendance à bénéficier de manière disproportionnée aux pays qui en ont le moins besoin. En effet, les DTS sont distribués proportionnellement aux quotes-parts existantes du FMI, qui sont en principe relatifs à la taille d’une économie et à sa position relative dans l’économie mondiale. Par exemple, lors de l’allocation générale de 650 milliards de dollars en DTS en 2021, les pays à revenu élevé, qui sont les moins susceptibles d’avoir besoin ou d’utiliser des DTS, ont reçu environ 450 milliards de dollars, soit près de 70 % de l’allocation totale. L’Afrique, peuplée de plus de 1,4 milliard d’habitants, a reçu moins de DTS que l’Allemagne, un pays qui ne compte que 83 millions d’habitants.

Rendre les décisions d’allocation de DTS plus conformes aux règles et plus analytiques

Les ministres ont souligné la nécessité que les décisions d’allocation de DTS soient prises de manière analytique et conformes aux règles afin de réduire la nature discrétionnaire et politique du processus d’allocation. La disposition relative aux « évènements majeurs inopinés » doit être clarifiée et opérationnalisée afin d’inclure les évènements déclencheurs suivants : les chocs exogènes de force majeure, tels que les pandémies ou les catastrophes naturelles, les récessions mondiales et les inversions importantes des flux de capitaux des économies émergentes et en développement.

Veiller à ce que les DTS soient distribués efficacement là où ils sont le plus nécessaires

Les ministres ont souligné l’importance de veiller à ce que les DTS soient dirigés vers les pays qui en ont le plus besoin. Ils ont plaidé pour la réorientation des DTS vers les banques multilatérales de développement, telles que la Banque africaine de développement, comme moyen d’atteindre cet objectif. Ils ont noté que la proposition de réorientation des DTS présentée par la Banque africaine de développement et la Banque interaméricaine de développement, fournit une solution technique viable qui permettrait de tirer parti des DTS pour fournir des liquidités indispensables aux pays africains. Ils ont appelé les pays donateurs de DTS à participer à la proposition et à en permettre ainsi sa mise en œuvre.

En outre, les ministres ont appelé à réformer le mécanisme de redistribution des DTS pour promouvoir une plus grande utilisation. Tout d’abord, des suggestions ont été faites pour réformer le système d’intermédiation des DTS. Ensuite, les ministres ont recommandé que le Conseil d’administration du FMI envisage de mettre à jour la « caractéristique des avoirs de réserve » du DTS pour s’aligner sur l’utilisation contemporaine large et inconditionnelle des avoirs de réserve. Enfin, ils ont appelé à un renforcement des mesures du FMI pour promouvoir la transparence sur le marché des DTS.

Les ministres ont en outre appelé à une réforme de la formule d’allocation des DTS pour tenir compte des besoins de liquidité des pays en plus des quotas du FMI. Ce faisant, une plus grande proportion des allocations futures de DTS parviendrait aux pays ayant le plus besoin de liquidités, améliorant ainsi l’efficacité des allocations de DTS dans la stabilisation de l’économie mondiale.

Faire progresser la Coalition pour une dette durable

Parallèlement aux discussions importantes sur les DTS, la réunion comprenait une mise à jour sur l’initiative de la Coalition pour la dette durable par Sherine El Sharkawy, Vice-Ministre égyptienne des finances pour les affaires économiques. La Coalition fournit un cadre de collaboration entre pays créanciers et pays emprunteurs sur des thèmes se rapprochant de la dette, du développement et du changement climatique. La Coalition a été officiellement approuvée lors de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique de la CEA en mars 2023, à Addis-Abeba. Le Vice-Ministre El Sharkawy a indiqué que plus de 20 pays ont déjà manifesté leur intérêt à rejoindre la Coalition. Elle a invité toutes les nations africaines à se joindre à la réunion inaugurale de la Coalition, qui se tiendra au Caire, les 14 et 15 septembre 2023. 

CEA

Créée en 1958 par le Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies, la CEA est l’une des cinq commissions régionales de l’Institution et a pour mandat d’appuyer le développement économique et social de ses États membres, d’encourager l’intégration régionale et de promouvoir la coopération internationale pour le développement de l’Afrique.

Composée de 54 États membres, la Commission économique pour l’Afrique (CEA) joue un double rôle en tant qu’organisme régional de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et en tant que partie intégrante du paysage institutionnel régional en Afrique.