Par Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG
Soyons clairs, hormis Ethiopian Airlines, toutes les compagnies aériennes africaines ont beaucoup de peine à équilibrer leurs comptes et encore moins à dégager un profit significatif. C’est d’autant plus surprenant que les besoins du continent en matière de transport aérien sont immenses au moins pour trois bonnes raisons :
- la population est en croissance en nombre mais aussi en niveau de vie,
- les infrastructures au sol sont faibles et les distances importantes,
- les impératifs de sécurité et d’économie plaident pour ce mode de transport contre les autres alternatives.
Alors que manque-t-il à ce continent pour disposer d’un outil de transport à sa mesure et qui corresponde à ses ambitions ? Je vois plusieurs pistes :
- disposer de flottes modernes adaptées et efficaces
- développer la distribution et la commercialisation dans tous les pays au monde
- créer un lobbying efficace à Bruxelles
- mettre en œuvre les accords d’Addis Abbeba et de Yamoussoukro et développer les accords Interline entre les transporteurs africains
Comment faire, quelles actions faut-il mener ?
Réaliser la quadrature du cercle : avoir des flottes adaptées et en nombre suffisant alors que les ressources financières de chaque pays sont limitées.
La seule solution consiste à mutualiser les moyens, que ce soit pour les acquisitions d’appareils et des pièces détachées et pour les opérations de formation des navigants et des personnels au sol. Ce processus a été utilisé dans le passé par les compagnies européennes. Elles avaient créé le groupe ATLAS chargé de négocier les achats d’appareils et des pièces détachées. Cela a été très utile à l’époque où il fallait construire un transport aérien européen efficace.
Pourquoi ne pas faire la même chose en Afrique ? Les compagnies ou leurs actionnaires, essentiellement les Etats pourraient créer une société dont le but soit d’acquérir de la manière la plus économique et en nombre suffisant une flotte moderne et standardisée couvrant les besoins long-courrier, moyen-courrier et même court-courrier. Nul doute qu’une telle démarche pourrait intéresser les grandes sociétés de leasing au premier rang desquelles AERCAP.
Il serait sans doute possible d’aller encore plus loin en mettant ces appareils à la disposition des transporteurs pour des durées très variables, depuis une saison programme jusqu’à un complément journalier. La personnalisation des appareils pourrait se faire par la projection du logo de la compagnie exploitante sur la dérive.
Ainsi, les compagnies ne seraient pas limitées par des flottes trop petites et elles pourraient réaliser des programmes d’exploitation avec une large couverture journalière voire même, horaire.
Développer la distribution des compagnies dans tous les pays du monde.
A l’exception de grandes compagnies telles qu’Egyptair, Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines, Kenya Airways et South African Airways, la plupart des 69 transporteurs enregistrés à l’OAG et affichés par IATA ne sont pas présents dans un nombre significatif (plus de 60) de BSPs. C’est la base pour être correctement distribués. Et sans distribution, pas de vente. Autrement dit les grands transporteurs mondiaux captent une clientèle qui devrait arriver directement dans les comptes des compagnies africaines. Un certain nombre d’entre elles compensent cette lacune par des accords « Interline » avec APG Airlines (GP) ou Hahn Air (HR) qui peuvent assurer les émissions de billets pour leur compte. Mais seul le réseau APG présent dans plus de 150 pays est capable de mettre en place un outil de commercialisation et de distribution efficace. Il n’est pas assez utilisé. Moins de 10 compagnies utilisent ces possibilités alors qu’elles ne réclament aucun investissement et que le prix moyen des billets traité par ces canaux est largement supérieur au prix moyen constaté sur le territoire africain.
Créer un lobbying efficace à Bruxelles
Actuellement la majorité des trafics entre les pays africains et européens reste dans les mains des grands transporteurs européens que ce soit Air France/KLM et Brussels Airlines pour l’Afrique de l’Ouest ou de British Airways et Swiss pour les autres parties du continent. Cette situation reste à l’avantage des transporteurs nordiques. Or les compagnies africaines, à la notoire exception de Royal Air Maroc car le pays fait partie de l’Open Sky européen, sont obligées de discuter pays par pays pour obtenir les droits de trafic. Un lobbying efficace à Bruxelles permettrait sans doute d’ouvrir de nouvelles perspectives de dessertes y compris des droits de 5ème liberté à l’intérieur de l’Europe. Il s’agit d’une œuvre de longue haleine et qui ne peut être efficace que si tous les Etats africains se présentent ensemble devant la juridiction européenne.
Mettre en œuvre les accords d’Addis Abbeba et de Yamoussoukro et développer les accords interline entre les transporteurs africains.
L’individualisme constitue sans doute le frein majeur au développement du transport aérien africain. Celui-ci a, par définition, besoin de liberté. La multiplication des échanges est la seule vraie source de croissance durable. Plusieurs tentatives ont été faites pour créer des espaces de ciel ouvert. Certaines datent de plus de vingt ans. Et pourtant elles ont beaucoup de peine à se mettre en opération effective. Le Maroc n’a d’ailleurs pas signé les accords d’Addis Abbeba. Certes les choses progressent, mais trop lentement, trop timidement. La Tunisie n’arrive pas à se décider à entrer dans l’Open Sky européen qui pourtant a largement prouvé son utilité. Il manque dans doute un leadership pour faire avancer ce sujet si délicat et pourtant si important.
Le continent africain est probablement le futur Eldorado du transport aérien régulier. Les opportunités sont immenses. L’intérêt est vital pour l’économie. Il ne reste qu’à vouloir et à s’organiser pour cela. Je ne veux pas imaginer que ce soit une tâche impossible.
Par Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG