En vue d’évaluer la situation sécuritaire à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), le 20ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etats de la Communauté est-africaine (CEA) a eu lieu, ce samedi, 04 février 2023, à Bujumbura, capitale politique du Burundi. Reportage.
Convoqué d’urgence par Evariste Ndayishimiye, le Chef de l’Etat burundais en même temps président en exercice de la Communauté des pays de l’Afrique de l’Est (CAE), ce sommet a vu la participation de six Chefs d’Etats : Samia Suluhu Hassan (Tanzanie) ; William Ruto (Kenya) ; Paul Kagame (Rwanda) ; Yoweli K. Museveni (Ouganda) ; Félix Tshisekedi (RDC). Le Soudan du Sud s’est fait représenter par Ndeng Alor Kuol, ministre chargé des Affaires de la Communauté Est-africaine.
Vers 14h10, heure locale, tous les autres chefs d’Etats de la CAE étaient présents au Palais présidentiel Ntare Rushatsi (Ntare House) sis au nord-est de Bujumbura, la capitale économique.
Après les prises des photos lors de l’arrivée des invités de marque, le Sommet s’est poursuivi à huis-clos.
Un cessez-le feu et nécessité d’un dialogue
« Le sommet des Chefs d’Etats recommande en premier lieu le cessez-le feu immédiat par toutes les parties, retrait y compris de tous les groupes armés étrangers et a ordonné aux chefs des forces de défense de se réunir dans un délai d’une semaine et de fixer de nouveaux délais pour le retrait et de recommander un déploiement approprié et que ce processus s’accompagne d’un dialogue », rapporte le communiqué final lu par Peter Mathuki, Secrétaire général de l’EAC. Via le communiqué, les Chefs d’Etats ont mis en garde tous les belligérants : «Les violations du cessez-le feu doivent être signalées au président du sommet pour consultation immédiate avec les membres du sommet. » Au vu de la situation qui prévaut sur le terrain, les chefs d’Etats ont ordonné aux pays contributeurs de troupes de les déployer rapidement. Ils ont aussi exhorté la RDC de faciliter le déploiement des troupes du Soudan du Sud et celles de la force conjointe de l’Afrique de l’Est.
Les Chefs d’Etats présents au sommet ont apprécié et salué la contribution financière du Sénégal et de l’Angola afin que le processus puisse aboutir.
Un remerciement particulier à l’Ouganda et au Rwanda pour leurs efforts financiers consentis pour contribuer au fonds de facilitation de la paix dans la CAE a été formulé par les présidents de la CAE. Ils ont appelé aussi toutes les parties prenantes à désactiver les tensions, « à défaut de quoi utiliser les mécanismes régionaux, continentaux et internationaux établis pour la mise en œuvre de la paix dans l’est de la RDC ».
La force régionale critiquée
Certains groupes armés ont réagi aux exigences du sommet de Bujumbura. C’est le cas notamment des Maï Maï Biloze Bishambuke. «Il faut que tous les groupes armés étrangers regagnent leurs pays d’origine, notamment le M23 soutenu par le Rwanda, les Red Tabara, Fdlr, Imbonerakure, FNL, Forebu, CNRD… car il n’y a aucun mouvement d’auto- défense d’origine congolaise qui se trouve au Rwanda, Burundi et en Ouganda pour semer l’insécurité dans ces pays et les déstabiliser», déclare Aimable Nabulizi, porte-parole des Maï Maï Biloze Bishambuke.
Réagissant, via le média en ligne, SOS Médias, le porte-parole de ce groupe rebelle qui se qualifie de mouvement d’auto-défense, demande que les zones tampon dans le Nord-Kivu soient supprimées. « Si l’EAC est venu pour aider les FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo), elle doit aller aux fronts attaquer le M23, dans le cas contraire, la force régionale doit être remplacée en RDC car elle est au service du M23». Et d’accuser l’Ouganda et le Rwanda de soutenir le M23. Ce que le Rwanda a toujours nié tout en reprochant, à son tour, les Forces armées congolaises (FARDC) de collaborer avec les Interahamwe (FDLR) accusées d’avoir commis un génocide contre les Tutsis en 1994 au Rwanda.
Il faut noter que 24 heures après le sommet, ce dimanche 5 février, un casque bleu a été tué et un autre blessé dans une attaque contre un avion de la Monusco. Et la population de l’est de la RDC reste sceptique malgré cet énième sommet sur la sécurité dans cette partie de la RDC. « Nous donnons peu de crédit, de confiance à toutes ces résolutions. Au lieu de multiplier des sommets, il est très important et urgent que notre gouvernement donne plus de moyens à nos forces armées pour combattre le M23 et tous les groupes armés qui perturbent la sécurité dans notre pays », a réagi, Issa, un congolais vivant dans la ville de Bujumbura. Pour lui, ce ne sont pas les forces étrangères qui vont ramener la paix en RDC : «Il revient aux Congolais de prendre la situation en main et de trouver une solution durable ».
Arnaud, un autre congolais, étudiant dans une des Universités privées de Bujumbura, trouve que la force régionale n’est pas efficace : «On ne voit pas concrètement ce qu’est venue faire cette force. Sa présence n’a pas empêché au M23 de prendre d’autres localités ». Depuis novembre 2021, la rébellion dit M23 (Mouvement du 23 mars) s’est emparée de territoires près de Goma. L’EAC a créé en 2022, une force militaire régionale de paix pour l’est de la RDC. Les premières troupes sont arrivées à Goma en novembre 2022. Elles sont autorisées à user de la force pour combattre le M23 mais jusqu’actuellement, rien n’a été fait dans ce sens. Entre Kigali et Kinshasa, les tensions se sont exacerbées fin janvier quand les forces rwandaises ont tiré sur un avion de chasse congolais l’accusant d’avoir violé l’espace aérien rwandais. Une opération qui a été qualifiée par Kinshasa comme un acte de guerre.
Kagame de retour au Burundi : historique
La venue du président du Rwanda Paul Kagame au Burundi après plusieurs années de mauvaises relations entre les deux pays a été l’autre grand fait marquant de ce sommet. Accueilli d’abord à l’aéroport International Melchior Ndadaye par les tambourinaires burundais et d’autres groupes folkloriques, la longue et chaleureuse accolade entre les présidents Evariste Ndayishimiye et Paul Kagame a retenu l’attention des journalistes présents à Ntare House, les internautes, etc. «Une photo historique», ont commenté plusieurs internautes. A son arrivée à Ntare House, des journalistes se sont bousculés pour ne pas rater cette image tant attendue.
Pour rappel, cela faisait plus de onze ans qu’un président rwandais n’avait plus effectué une visite au Burundi. La dernière visite de Paul Kagame remonte en juillet 2012, lors de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi.