Un tiers de la population française a un lien avec l’immigration. C’est le constat dressé jeudi 30 mars par l’Insee, dont l’étude démographique sur plusieurs générations offre une photographie inédite depuis une décennie en France, où les immigrés représentent désormais 10% de la population.

Ces derniers, définis par l’Institut de la statistique comme des personnes « nées étrangères à l’étranger », étaient 6,96 millions à vivre en France en 2021 (les précédentes données datent de 2011), soit 10,3% de la population, proportionnellement presque deux fois plus qu’en 1968 (6,5%), peut-on lire dans l’étude intitulée « Immigrés et descendants d’immigrés en France ».

Plus d’un tiers (36%) de ces personnes ont acquis la nationalité française depuis leur arrivée.

Part de l'immigrationLe lien avec l’immigration se dilue au fil du temps : parmi les descendants d’immigrés, ceux de la deuxième génération sont plus de 50% à n’avoir qu’un seul parent immigré, et ceux de la troisième génération (qui ont au moins un grand-parent immigré) sont neuf sur dix à n’avoir qu’un ou deux grands-parents immigrés.

« Un tiers de la population en France a un lien avec l’immigration sur trois générations », résume Sylvie Le Minez, cheffe de l’unité des études démographiques et sociale à l’Insee.

Avec 11% de la population descendante de « deuxième génération » (7,3 millions sur 67,6 millions de personnes) et 10% de la population âgée de moins de 60 ans qui est un petit-enfant d’immigré, il y a une « diffusion dans la société » par « une mixité très importante en France », ajoute-t-elle.

Chez la troisième génération, moins de 1% des personnes ont quatre grands-parents immigrés.

Les origines, elles, se diversifient. Là où les immigrés étaient surtout originaires d’Europe du Sud il y a cinquante ans, ils viennent désormais principalement du Maghreb, d’Afrique ou d’Asie.

Près de la moitié des immigrés en 2021 sont originaires d’Afrique 

Ainsi, les immigrés venant d’Espagne et d’Italie sont passés de 882.000 en 2011 à 543.000 en 2021, tandis que les Maghrébins représentent deux millions de personnes (1,63 million en 2011). Au total, près de la moitié des immigrés en 2021 sont originaires d’Afrique (3,31 millions sur 6,96).

Autre évolution, les femmes représentent désormais la moitié (52%) de cette population (44% en 1968). Si la croissance de l’immigration « est plus soutenue ces dernières années », au niveau européen « la France se situe dans la moyenne », derrière l’Allemagne ou l’Espagne, nuance Sylvie Le Minez. En France, l’immigration se concentre dans les grandes agglomérations, précise l’étude, selon laquelle 20% de la population parisienne est immigrée, 32% en Seine-Saint-Denis.

Une question d’ »attractivité économique », écrit l’Insee.

Immigration en France Sur ce sujet, ces personnes, en particulier celles qui ne sont pas d’origine européenne, « occupent une position plus défavorable sur le marché du travail », avec un taux de chômage de 13% en 2021 (8% pour l’ensemble de la population), des niveaux de salaire plus faibles et des emplois moins qualifiés.

Par exemple, 39% des travailleurs immigrés sont ouvriers, contre 29% pour le reste de la population. Chez les femmes, le taux d’activité (62%) est inférieur de 10 points à celui des non-immigrées.

Chez la deuxième génération, dont les niveaux d’éducation sont comparables à la population générale, ces écarts « sont moindres », mais les descendants d’immigrés s’estiment davantage victimes de discriminations (25%) que leurs aînés (24%). Un ressenti qui varie selon que l’intéressé a un parent immigré (20%) ou deux (29%).

Un « paradoxe » qui n’est pas une exception française, explique Patrick Simon, chercheur à l’Institut national d’études démographiques. « Etant dans des conditions comparables au reste de la population, il y a une sensibilité, une identification plus forte des traitements différenciés dont ils font l’objet », juge ce spécialiste.

Plus généralement chez les immigrés, le niveau de vie moyen est inférieur de 22% à celui du reste de la population, selon l’Insee.

Seul un immigré sur trois (32%) est propriétaire de son logement (59% en général), 23% vivent dans un quartier dit « prioritaire » de la politique de ville (3% en général) et ils sont proportionnellement deux fois plus nombreux à vivre dans un logement « sur-occupé ».

Ils sont aussi trois fois plus nombreux à vivre sous le seuil de « pauvreté monétaire ». Ainsi, 31,5% des immigrés vivent avec moins de 1.102 euros par mois.

Avec AFP