Production d’énergie, installation des stations hydrométéorologiques, développement en eau potable polyvalente, … sont à l’actif de l’Initiative du Bassin du Nil (IBN). Elle vient de fêter le 22 février son Jubilé d’argent à Bujumbura, la capitale économique du Burundi. Et ce, sous le thème central : «Libérer les avantages de la coopération transfrontalière du Nil»
Durant ses 25 ans d’existence, plusieurs projets sont déjà réalisés dont le projet phare reste la construction du barrage hydro-électrique régional des chutes de Rusumo Falls, à la frontière de la Tanzanie et du Rwanda.
Le barrage hydro-électrique régional des chutes de Rusumo Falls va fournir 80MW à partager équitablement entre trois pays : le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie. Il s’agit d’un vieux projet d’une quarantaine d’années mais, qui, aujourd’hui, est réalisé à 99,9% des travaux, selon Dr. Isaac Alukwe, coordinateur régional de l’Unité de coordination du Projet d’Interconnexion Électrique des Pays des Lacs Équatoriaux du Nil (NELSAP-CU) de l’IBN chargé actuellement du suivi de la mise en œuvre des travaux mécaniques et électriques. Ce qui comprend la conception, la fourniture, l’installation et la mise en œuvre de l’équipement électromécanique.
D’après lui, cette aventure avait été lancée en 1977 par l’Initiative pour le Bassin de la Kagera. «Mais quand ce projet a été dissous en 2002, les trois pays à savoir le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie se sont mis ensemble et ont convenu à travers leurs ministres chargés de l’Eau que ce projet de barrage hydroélectrique de Rusumo était bénéfique.»
C’est ainsi qu’en 2005, les ministres chargés de l’Energie de ces trois pays ont signé un accord tripartite. «A travers cet accord, ils ont soumis une requête à ce Projet d’Interconnexion Électrique des Pays des Lacs Équatoriaux du Nil (NELSAP-CU) de l’Initiative pour le Bassin du Nil qui regroupe 10 pays, afin de chercher des fonds pour la mise en œuvre de ce barrage hydroélectrique.»
NELSAP-CU s’est alors mis à la recherche des financements auprès des différents bailleurs. En 2014, la Banque mondiale à travers sa branche IDA (Association internationale de développement) a accepté de financer ce projet et elle a signé un accord de financement avec les trois pays. Et de son côté, la Banque africaine de développement a financé les lignes électriques.
« Pour le Burundi, les financements de la Banque mondiale sont octroyés sous forme de don, de la dette pour la Tanzanie et pour le Rwanda, les financements sont à la fois des dons et des dettes.»
L’ouverture officielle annoncée pour bientôt
Dr. Isaac Alukwe, coordinateur régional de NELSAP-CU reconnaît qu’il y a eu un retard suite à différents facteurs. « Il était prévu que les travaux se terminent au bout de deux ou trois ans. Mais, vous vous rappelez qu’il y a eu interruption à cause de la pandémie du Covid-19. Ce qui a été un coup dur pour l’avancement des travaux.»
Cependant, il se réjouit qu’aujourd’hui, deux tribunes sur les trois prévues pour la production de l’électricité soient déjà fonctionnelles. «Les travaux ont été livrés et réceptionnés par les trois pays et surtout à l’entreprise Rusumo Company Power Limited», précise-t-il, notant que la troisième tribune subit une série d’essais durant ce mois de février. «Question de vérifier si elle fonctionne comme prévu», souligne-t-il, annonçant que l’ouverture officielle de ce barrage par les chefs d’Etats des trois pays concernés est programmée au mois de mars cette année.
Booster l’économie
Avec ce barrage, chacun des trois pays partenaires recevra 27 MW. Une aubaine pour les pays comme le Burundi où le taux d’accès à l’électricité reste bas.
Selon le Plan National de Développement 2018-2027, le Burundi aura besoin d’au moins 400 MW pour son industrialisation et 412 MW pour le secteur des mines en 2027. Actuellement, plus de 67% de la population burundaise utilise encore de la lampe à pile selon les données de l’Institut des Statiques et des Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU).
Au Burundi, il existe d’autres projets connexes à Rusumo Falls. Ce sont notamment la réhabilitation et l’extension du système d’eau de 30km, la construction d’un centre de formation professionnelle de Ruzo, d’un Centre de Santé de Bugoma et du bureau communal de Giteranyi, province Muyinga, au nord-est du pays, frontalière avec le Rwanda et la Tanzanie.
Les pays interconnectés
A côté des projets nationaux, il y a aussi ceux partagés entre plusieurs pays. D’après Florence Grace Adongo, directrice exécutive de l’IBN, c’est par exemple, celui en cours de réalisation sur le développement des ressources en eau polyvalente pour le Burundi et le Rwanda. Il consiste à ériger un barrage de 334 millions de mètre cube qui contribuera à irriguer 12 400 hectares de terres agricoles et à produire 14.5 MW d’électricité. Il s’agira, en outre, de fournir de l’eau potable à 683 585 personnes et à soutenir la restauration de 1 700 km2 de bassins versants dégradés.
« Le protocole d’accord final pour ce projet a été soumis aux pays le 21 juin 2023. NBI attend que le Burundi autorise la signature du protocole d’accord. Le projet a déjà été inclus dans la réserve de projets de la Facilité africaine de l’eau (AWF) », précise-t-elle.
Pour sa part, Ing.Dr Isaac Alukwe, Coordonnateur régional du Programme d’action subsidiaire pour les lacs équatoriaux du Nil (NELSAP-CU) indique qu’avec NELSAP-CU, l’initiative du bassin du Nil (IBN) vise à soutenir l’interconnexion des réseaux électriques des pays des lacs équatoriaux du Nil.
Il signale que certains projets couvrant le Burundi, la RDC, le Kenya, le Soudan du Sud, la Tanzanie et l’Ouganda sont déjà terminés, d’autres sont en cours. « Grâce au projet Rusumo, 372 km de lignes aériennes de transport de 220 kV (OHTL) vers trois pays (Burundi, Rwanda et Tanzanie) ont été construits, testés et mis en service le 14 février 2024 », mentionne-t-il, citant à titre illustratif la composante burundaise des lignes de transport de Rusumo-Muyinga-Gitega. Les OHTL s’étendent sur 160 kilomètres et fonctionnent à 220 kV et comprennent des sous-stations à Muyinga (Nord-est) et Gitega (Centre). L’ensemble de l’interconnexion ayant été financé par la Banque africaine de développement (BAD) à hauteur de 160 millions de dollars et mis en œuvre par les compagnies d’électricité des trois pays.
Citons aussi l’interconnexion électrique Burundi(Bujumbura)-RDC (Kamanyola). Il s’agit là d’une lignée de transport d’électricité de 78,8km dont la construction est achevée à 20% sur financement de l’UE à hauteur de 15 millions d’euros. Elle est mise en œuvre par la BAD et supervisée par NELSAP. Elle comprend deux sous-stations de Kamanyola et la sous-station de Bujumbura.
Une fois terminé, le projet intégrera entre autres les réseaux électriques des pays des Grands-Lacs, EGL (Burundi, Rwanda, RDC).
D’après Dr Isaac Alukwe, l’interconnexion permettra aux pays d’échanger de l’électricité au-delà de Rusumo. Et de révéler qu’ils ont donné qu’ils ont donné une aide de 15 millions de dollars et chaque pays bénéficiait de 5 mille dollars pour financer des initiatives de développement socio-économique : « De notre côté, nous assurions un appui technique pour ces montants octroyés.»
Et avec cette aide, il indique que la Tanzanie a, par exemple, construit des routes et des centres de santé et fait des adductions d’eau. Le Rwanda a également fait des adductions d’eau dans les zones rurales, construit des hôpitaux et il y a un stade d’une valeur de 2,5 millions de dollars en construction.
Côté burundais, on prévoit la construction des Centres de Santé, des Centres pour Jeunes, des femmes et des administratifs. « Il y a eu déjà d’autres constructions selon les besoins exprimés. Il y a également un programme de relèvement communautaire. Et sous cette rubrique, il y a différents projets qui ont été financés dans le secteur agricole, l’élevage de vaches, de porcs, et d’autres activités génératrices de revenus. »
Article publié pour la première fois sur Afrimag