Le président sénégalais Macky Sall, évoquant « la perception exagérée du risque d’investissement en Afrique », a souligné samedi à Addis-Abeba au sommet de l’Union africaine que les efforts de développement du continent « ne pourront prospérer tant que perdurent certaines règles et pratiques de la gouvernance économique et financière mondiale ».
Il intervenant à l’ouverture de la 36e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, ouverte le même jour à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne.
A cette occasion, Macky Sall a passé le flambeau à son homologue comorien Azali Assoumani à la présidence de l’Union africaine.
Les économies africaines « sous financées et mal financées »
Macky Sall a rappelé que dans son adresse de prise de fonction à la tête de l’Union africaine, le 5 février 2022, il avait fait observer que les économies africaines étaient « sous financées et mal financées », parce que les pays du continent « continuent de payer de façon injuste des taux d’intérêt trop élevés, à cause d’un système inéquitable d’évaluation du risque d’investissement ».
« Cela a été confirmé par plusieurs études, dont le rapport 2022 sur le financement du développement durable publié en avril 2022, qui a relevé en termes explicites la sévérité des agences vis-à-vis des pays du Sud et leur relative indulgence à l’égard des pays industrialisés », a-t-il dit.
Selon le chef de l’Etat sénégalais, « en pleine pandémie en 2020, 18 des 32 pays africains évalués par au moins une des grandes agences ont vu leur notation dégradée ; soit 56% contre une moyenne mondiale de 31% ».
A l’inverse, les pays développés qui ont connu « une augmentation de leur dette et un ralentissement économique beaucoup plus important, ont largement échappé aux dégradations, ce qui renforce leur accès à un financement de marché abondant et abordable », relève Macky Sall.
Le rapport 2022 sur le financement durable « relève en outre la défiance des agences de notation vis-à-vis de l’Initiative de suspension du service de la dette, pourtant décidée de façon consensuelle par le G20, instance habilitée en la matière », a-t-il ajouté.
Notations de plusieurs pays sous surveillance
Il a relevé que « plusieurs pays africains ont ainsi vu leur notation mise sous surveillance, avant même leur participation à l’Initiative ; ce qui a contribué à aggraver la perception du risque dans ces pays et à dégrader leur notation ; comme si les agences s’érigeaient en instance de régulation au-dessus des Institutions intergouvernementales ».
Or, a-t-il rappelé, ce rapport recommandait « l’adoption de méthodologies transparentes afin de ne pas miner la confiance dans les notations « .
Il a également rappelé que cette étude qui fait autorité a été réalisée par une soixantaine d’institutions multilatérales, dont le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, le Comité de Bâle sur la supervision bancaire, l’Association internationale des régulateurs de l’assurance et le Conseil de stabilité financière.
« Tout cela montre que nos efforts de développement ne pourront prospérer tant que perdurent certaines règles et pratiques de la gouvernance économique et financière mondiale », a-t-il soutenu.
Pour Macky Sall, les Africains ont certes « la responsabilité première de créer les conditions de développement » de leurs pays, mais leur sort dépend « aussi d’institutions et règles d’après-guerre qui ne prennent pas suffisamment en compte les besoins et intérêts » de ces pays.
Aussi a-t-il appelé les pays membres de l’Union africaine et de sa Commission à participer activement à l’Initiative de Bridgetown sur la réforme de l’architecture financière mondiale, dont l’agenda 2023 prévoit six rendez-vous entre les réunions du FMI et de la Banque mondiale en avril, et la COP 28 en décembre.
Pour l’Afrique, « d’autres défis non encore résolus demandent une prise en charge continue », a poursuivi Macky Sall, évoquant l’Initiative du G20 sur la suspension du service de la dette et la réallocation partielle des Droits de Tirage spéciaux( DTS).
« L’une et l’autre, censées accompagner nos efforts de résilience et de relance économique, restent encore dans l’impasse », a-t-il dit, évoquant également « la transition énergétique juste et équitable », laquelle à ses yeux permettra au continent d’exploiter ses ressources disponibles, pour satisfaire ses besoins d’industrialisation à des coûts compétitifs.
Cette transition devrait également assurer l’accès universel à l’électricité dont plus de 600 millions d’Africains restent encore privés.
Avec APS