Finalement les choses semblent se remettre en ordre. Au lieu d’évoquer le sempiternel «bashing» du transport aérien, avec ses incontournables décisions de suppression de vols, voici enfin venu le temps des propositions. Et le message est venu du Président de la République Emmanuel Macron en personne. 

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Lors d’un déplacement chez le motoriste Safran, il a annoncé la mise à disposition sur des fonds publics de 300 millions d’euros par an pendant les 7 prochaines années afin de soutenir la recherche pour un transport aérien décarbonisé. Cela fait au total plus de 2 milliards d’euros ce qui est à la fois important et insuffisant au regard de la formidable révolution à laquelle le transport aérien doit se soumettre.

Mais il faut bien commencer par une initiative et venant de la plus haute autorité française et d’un important dirigeant européen et même mondial, ce n’est pas rien. Cette mesure est d’ailleurs faite pour entraîner d’autres acteurs privés dans le financement nécessaire estimé à au moins 15 milliards d’euros rien que pour la conception des appareils de la nouvelle génération, celle qui n’émettra plus de CO². Ce n’est pourtant pas gagné car même le Sheikh Akbar Al Baker (CEO of Qatar Airways ) qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, s’est montré plus que sceptique sur la capacité pour le transport aérien à atteindre zéro émission d’ici 2050 pendant sa présidence de IATA.

Le premier enjeu sera sans doute de stabiliser le volume de rejet de CO² tout en supportant une croissance qui semble loin de s’arrêter. Certes, les pays occidentaux verront leur trafic non pas ralentir mais progresser beaucoup moins qu’au cours des 20 premières années du XXIème siècle. Mais le relais de croissance sera inévitablement pris par les autres continents, à commencer par l’Asie et l’Afrique. Et le taux de croissance qui, rappelons-le était de l’ordre de 5% par an depuis les 50 dernières années, va probablement se poursuivre, sauf que les volumes seront beaucoup plus importants. Les récentes méga commandes d’avions en provenance de l’Inde, de la Turquie et de l’Arabie Saoudite montrent à l’évidence la croyance des dirigeants dans l’avenir du transport aérien. On attend d’ailleurs plus de 2000 commandes d’appareils au prochain Salon du Bourget qui ouvre ses portes le 19 juin, 4 ans après la dernière édition, du jamais vu.

Il est maintenant admis que le remplacement du traditionnel kérosène par les SAF est la bonne solution.

Les pistes pour la décarbonation se précisent après plusieurs tâtonnements bien compréhensibles. Elles sont de plusieurs ordres, en effet le transport aérien est tellement complexe que les solutions sont inévitablement plurielles et difficiles à mettre en œuvre. Prenons le cas du carburant avion. Il est maintenant admis que le remplacement du traditionnel kérosène par les SAF (Sustainable Avion Fuel) est la bonne solution. En fait au lieu d’utiliser des carburants d’origine fossile, les SAF permettront de recycler les déchets en provenance des forêts voire même de résidus domestiques. Seulement il faut construire les usines pour cela et s’assurer que la solution n’entrainera pas la cannibalisation de terres agricoles nécessaires à la nourriture de la planète. Emmanuel Macron a annoncé le déblocage de 200 millions d’euros pour construire dans la région de Lacq une première unité de production de SAF appelée BioJET. Sauf qu’elle ne produira si l’on peut dire que 500.000 tonnes par an alors que le transport aérien en consomme 300 millions dans son état actuel. C’est assez dire le volume de l’enjeu, mais il faut bien commencer quelque part et ce début est, lui aussi à saluer.

Et puis, il faudra bien trouver la solution pour construire la nouvelle génération d’avions non polluants. Le mode de propulsion n’est pas tranché entre l’hydrogène et l’électrique, voire l’hybride ou tout simplement le même type de propulsion que l’actuel avec des moteurs encore beaucoup plus performants. Le choix est d’ailleurs particulièrement difficile tant les contraintes sont élevées. Les fonds investis dans la recherche devraient permettre de sélectionner les meilleures options. Il ne faut pas trainer car une fois la voie choisie, il faudra au moins une bonne dizaine d’années avant de sortir les prototypes et encore quelques autres années pour passer à la production industrielle.

Finalement qui va payer ? Sans aucun doute, les consommateurs, et ce n’est d’ailleurs que justice. Il ne serait pas aberrant de créer une taxe pour financer la recherche supportée par les clients. 1 dollar supplémentaire pour chaque passager cela fait plus de 4 milliards de dollars par an en augmentation de plus de 200 millions de dollars tous les ans. Reste à savoir comment collecter ces énormes sommes et comment les redistribuer non pas comme on le fait pour le moment pays par pays, chacun y allant de sa contribution, de ses solutions tout en privilégiant les acteurs économiques de chaque nation. Le sujet est mondial, tout le monde doit s’y mettre et encore une fois la gestion de ce sujet pourrait être confiée à IATA.

Bref, ne faisons pas la fine bouche. On entend enfin parler du transport aérien futur plutôt que de le condamner à se saborder.