Voilà peut-être le signe que nous sommes enfin débarrassés des pernicieux effets du Covid. Les transporteurs se ruent sur l’axe transatlantique qui peut être une véritable machine à cash, à condition, toutefois que la surcapacité n’entraine pas une nouvelle guerre tarifaire.

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Les opérations pour l’été sont bien en place. Au départ de Paris seulement je note 48 vols par jour vers 15 destinations vers les seuls Etats Unis dont 14 vers les deux plateformes de New York. Certes Air France et Delta Air Lines qui ont un accord de « joint-venture » se taillent la part du lion avec 34 fréquences à tous les deux, les 14 restantes étant partagées entre United Airlines, American Airlines, French Bee, La Compagnie, Air Tahiti Nui et même Norse Atlantic, le tout dernier opérateur.

Et c’est là que se pose le problème : je veux parler de l’arrivée de Norse Atlantic dans un paysage qui semblait assez bien équilibré. Je note d’ailleurs qu’un autre trouble-fête s’est invité dans le jeu avec Jet Blue dont on n’a pas encore les détails de l’opération. Les deux derniers cités ne font pas mystère de leur stratégie : elle consiste à prendre des parts de marché en mettant des tarifs très bas sur l’axe majeur : le Paris New-York. Voilà bien le danger. Depuis le milieu de l’année 2022 on avait assisté à une forte hausse des prix de vente qui ramenait l’économie du transport aérien dans ses fondamentaux : un produit somme toute cher car très coûteux à opérer de manière tout à fait sécurisée au prix d’une baisse modeste du nombre de passagers.

Finalement tous cela allait dans le bon sens y compris vis-à-vis de la contrainte écologique. La course au volume semblait s’être arrêtée. Alors la question se retrouve posée : va-t-elle recommencer ? D’ailleurs la situation au départ de Londres est similaire, sauf que les volumes d’offre sont beaucoup plus importants : rien qu’entre Londres et New-York, on ne compte pas moins de 8 transporteurs qui offrent 35 allers-retours journaliers, le tout avec des appareils de grande capacité. Grosso-modo, le trafic transatlantique au départ de Londres est 2 fois et demi supérieur à celui de Paris. Et on assiste au même phénomène : le retour des low costs.

Bien entendu l’offre des nouveaux transporteurs n’a rien de comparable avec les compagnies traditionnelles. Mais l’arrivée de Norse Atlantic et de Jet Blue n’a-t-elle pas de quoi inquiéter ?

Je me souviens parfaitement du discours prononcé par Mike Conway, à l’époque le CEO d’America West Airlines à Cannes au milieu des années 1990 où devant un parterre pour le moins sceptique sinon carrément ironique de dirigeants de compagnies traditionnelles, il avait annoncé, j’ai encore ses mots en mémoire : « les transporteurs low costs dicteront les tarifs aux compagnies historiques ». Et c’est bien ce qui s’est produit. L’arrivée sur un marché traditionnel de nouveaux opérateurs beaucoup mieux gérés, il faut le dire et qui n’avaient pas à supporter le poids du passé, a bouleversé les fondamentaux du transport aérien.

On est passé d’un concept un peu élitique, il faut bien l’avouer, à la recherche effrénée de nouvelles couches de clientèle alléchées par des affichages de prix d’appel dont aucun ne correspond à la réalité des coûts. C’est ainsi que progressivement les transporteurs traditionnels ont été amenés à baisser la qualité de leur service et, finalement de faire payer à leurs clients les baisses de charges nécessaires pour lutter contre une nouvelle concurrence beaucoup moins dépendante des contraintes historiques sociales.

Finalement personne n’y a gagné. Les tarifs d’appel ont été considérés par les clients comme des prix de référence alors qu’ils étaient loin de payer les coûts. Ils étaient compensés par des services annexes mais finalement obligatoires que les consommateurs devaient payer, comme en particulier la politique bagages. De plus afin d’assurer, si possible une rentabilité certes très faible des transporteurs, ceux-ci ont été conduits à rechercher des coefficients de remplissage dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne tenaient pas compte de la nécessaire qualité de service.

Nombre de ces nouveaux entrants ont été amenés à déposer leur bilan et finalement à laisser au sol des clients qui avaient payé les tarifs certes compétitifs, mais qui n’ont bénéficié ni des produits achetés, ni du remboursement de leurs achats.

Les mêmes acteurs reviennent sur le marché avec les mêmes pratiques. On peut toujours penser que, pour le moment, ils ne pèsent pas beaucoup par rapport au  volume de sièges générés par des compagnies traditionnelles. Mais le ver n’est-il pas dans le fruit ? Veut-on se remettre dans la même situation suicidaire ? Et pourquoi ne pas utiliser la législation qui interdit la vente à perte ?