L’Afrique est devenue l’un des continents adoptant le plus rapidement les crypto-monnaies. La République centrafricaine est ainsi le deuxième État au monde à adopter le bitcoin comme monnaie légale. Cependant, ce dernier peut subir des changements de valeur allant jusqu’à 30% en l’espace d’une journée. Ces variations mettent en évidence le risque que représentent les crypto-monnaies non réglementées pour la stabilité monétaire et économique d’un pays.

Face à cette volatilité, de nombreux gouvernements se tournent vers les MNBC (Monnaie Numérique de Banque Centrale, en anglais CBDC, Central Bank Digital Currency) comme moyen de réglementer la monnaie digitale afin de protéger les consommateurs et d’assurer une stabilité financière. Elles permettent également d’étendre considérablement l’inclusion financière à tous les membres de la société.

Raoul Herborg

Par Raoul Herborg, Directeur Exécutif de la division MNBC chez Giesecke+Devrient


Plus de la moitié de la population africaine n’a à ce jour pas de compte bancaire
(rapport 2021 The Fintech Times), encourageant ses dirigeants à se tourner vers des technologies de paiement alternatives comme la MNBC.

Les pays en développement plus enclins à adopter cette technologie

Une étude menée par Giesecke+Devrient et l’OMFIF (Official Monetary Financial Institutions Forum) en 2021 a révélé que les économies en développement pourraient être davantage prêtes à utiliser les MNBC que les économies plus matures. Ces dernières possèdent des systèmes de paiement relativement efficaces et leurs consommateurs sont donc moins enclins à changer leurs habitudes. Seuls 14 % des consommateurs allemands sont susceptibles d’utiliser les MNBC, contre plus de neuf répondants sur dix (91 %) au Nigeria.  

Selon le sondage de 2021 de la BIS (Bank for International Settlements) sur les MNBC, sept pays du continent africain sont actuellement à différents stades d’exploration et de développement de cette innovation. Il s’agit du Maroc, de la Tunisie, du Ghana, du Kenya, de l’Afrique du Sud et de Madagascar, auxquels s’ajoute plus récemment l’Eswatini. Le Nigeria a récemment adopté l’eNaira suite à des essais concluants.

La Banque du Ghana pilote actuellement son eCedi, un déploiement de MNBC qui coexiste avec l’argent physique et qui a déjà fait l’objet d’une adoption rapide. L’eCedi apporte une transparence des transactions et préserve la confidentialité des données des consommateurs, tout en étant entièrement conforme aux réglementations et exigences en matière de KYC (Know Your Customer), AML (Anti Money Laundering) et CFT (Countering the Financing of Terrorism). Il offre aux consommateurs la possibilité d’effectuer des paiements facilement et pourra prendre en charge des cas d’utilisation programmables innovants et encourager de nouveaux modèles commerciaux.

Des paiements hors ligne pour pallier le manque de connectivité de certaines régions

 Les MNBC facilitent les paiements hors ligne grâce à une carte à puce qui ne nécessite pas de compte bancaire ou de connexion mobile et/ou Internet. En Afrique, la couverture 4G n’a atteint que 62% de la population en 2020 (source Statista 2020), laissant de nombreuses personnes sans connectivité suffisante pour effectuer efficacement des opérations bancaires et des transactions en ligne. Plus significatif encore, l’électricité stable n’était accessible qu’à 46 % de l’Afrique subsaharienne en 2021 (source : The Sustainable Development Goals Report 2021, United Nations.), laissant les citoyens incapables d’accéder aux services numériques. Les capacités hors ligne fournies par une MNBC permettraient donc d’étendre considérablement l’accessibilité dans ces régions.

Les MNBC donneront également aux gouvernements africains la possibilité de mettre en œuvre de nouvelles politiques pour soutenir des segments ciblés de l’économie. Par exemple, les portefeuilles programmables peuvent être mis en œuvre dans des secteurs spécifiques tels que l’éducation.

Favoriser l’inclusion financière à travers le continent

L’introduction des MNBC permettra aux pays africains de montrer la voie en matière d’inclusion financière, en particulier là où les citoyens ne peuvent pas accéder aux services bancaires. En menant des stratégies de digitalisation et en encourageant la croissance de l’économie numérique, la MNBC apporte des avantages à toutes les parties prenantes.

À terme, son adoption pourrait entraîner une baisse de la demande de crypto-monnaies non réglementées comme le bitcoin. Les consommateurs et les entreprises seront ainsi protégés des turbulences de la volatilité, ce qui assurera la stabilité de leurs finances.