Une grande question se pose lorsqu’on évoque le transport aérien dans le continent Africain : où s’arrêtera l’expansion d’Ethiopian Airlines ? Il faut dire que le parcours de cette compagnie créée en 1945 a de quoi surprendre par plusieurs aspects.

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

D’abord sa longévité et sa santé financière. Voilà un pays compliqué, divisé par des conflits intérieurs très complexes, parcouru par des périodes pour le moins difficiles, traversé régulièrement par des famines qui amènent des déplacements de populations et qui néanmoins a réussi à se doter de la première compagnie aérienne africaine et de loin. Car, et c’est un paradoxe supplémentaire, Ethiopian Airlines qui appartient à 100% à l’Etat a réussi à garder son indépendance en face de tous les gouvernements qui se sont succédé avec parfois de considérables changements de politique.

Et sa santé financière est florissante en dépit de tous les obstacles qui se dressent devant le transporteur. Les derniers comptes font état d’un profit de 900 millions de dollars US, soit près de 20% de résultat par rapport aux quelque 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Ce n’est d’ailleurs pas une exception, car même dans les moments les plus difficiles, la compagnie a réussi à ne pas perdre d’argent.

Bref, comment expliquer cela, quelle recette le transporteur éthiopien applique-t-il pour assurer un tel succès ? Rappelons d’abord que la compagnie a été fondée à l’initiative des Américains qui ont imposé alors TWA pour gérer les premières années d’existence. Et les fondamentaux qui ont assuré, en leur temps, la prospérité du transport aérien américain ont été importés dans la compagnie et ils y sont restés. On peut les résumer en peu de mots : professionnalisme, indépendance et pragmatisme. Le tout appliqué à une population cultivée et peu exigeante quant à sa rémunération. La contrepartie de l’indépendance est l’autosuffisance. Cela oblige la compagnie à ne rien demander à l’Etat et par conséquent à assurer sa rentabilité. Enfin, comme ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, les dirigeants sont à l’affut des opportunités de développement. Pour s’en convaincre il suffit de se rappeler la rapidité avec laquelle la compagnie a converti plusieurs dizaines d’appareils long-courriers de passagers en cargo pendant la crise du Covid.

Pas étonnant alors qu’Ethiopian Airlines dispose de la flotte la plus moderne d’Afrique composée de 57 appareils long-courriers : 19 Airbus 350, 10 Boeing 777 et 27 Boeing 787 avec un seul B 767 ER qui date un peu, et 37 moyens courriers essentiellement chez Boeing : 26 B 737 et 11 B 737 Max 8, avec 32 avions régionaux : des DH8. Cette flotte bien équilibrée va être complétée par 30 nouveaux appareils : 5 A 350/1000, 4 B737/800 et 21 B737 Max 8. Voilà qui peut supporter des grandes ambitions.

Car le seul marché éthiopien ne peut pas remplir une telle capacité. Il a donc fallu chercher des opportunités à l’extérieur. Pour cela Ethiopian Airlines a construit un «hub» de très bon niveau international avec un «lounge business» que beaucoup d’aéroports internationaux pourraient lui envier. Et à partir de cet outil, la compagnie a développé un puissant réseau international : 59 destinations en Afrique, 19 en Europe, 6 en Amérique du Nord et du Sud et 29 au Moyen Orient et en Asie. Voilà qui en fait déjà le premier réseau détenu par une compagnie africaine. Bien entendu le service et la ponctualité doivent suivre, autrement un «hub» devient plus un handicap qu’un avantage. C’est l’application au continent africain de ce qui a si bien réussi aux deux grands transporteurs du Golfe.

Mais l’ambition d’Ethiopian Airlines ne s’arrête pas là. Depuis quelques années, les dirigeants ont lancé une stratégie de prise de participation dans plusieurs compagnies africaines en peine de développement. En 2010 elle a pris 40% d’Asky la compagnie togolaise, en 2013 49% de Malawian Airlines, en 2018 45% de Zambia Airways et elle essaie de s’implanter, certes difficilement, en Guinée, au Ghana et au Nigéria car les transporteurs locaux sont très réticents à voir arriver un tel bulldozer.

Et maintenant Ethiopian Airlines devient le transporteur de référence de la Côte d’Ivoire pour sa desserte transatlantique. Si la rentabilité de la ligne Abidjan / New-York peut être atteinte rapidement, elle servira certainement d’exemple à d’autres pays.

Au fond Ethiopian Airlines n’est plus maintenant un transporteur éthiopien mais bien la compagnie de référence africaine. Eh bien, je dis bravo !