« Nigeria, nous sommes de retour »: après seulement un mois et demi au pouvoir, le Président Bola Ahmed Tinubu affiche sa détermination à placer la première économie et le pays le plus peuplé d’Afrique sur le devant de la scène régionale, malgré d’immenses défis internes. Il a prononcé cette phrase dimanche à l’occasion d’un sommet à Bissau où il a été nommé à la tête de la Cédéao, organisation régionale d’Afrique de l’Ouest de 15 Etats membres.
« Nous avons besoin (de la démocratie) pour être un exemple pour le reste de l’Afrique et du monde », a lancé le président nigérian à l’heure où la région est secouée par des crises économiques, politiques et sécuritaires.
Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée y sont gouvernés par des juntes militaires à la suite de cinq coups d’Etat depuis 2020, tandis que la menace jihadiste s’étend au Sahel.
Les réformes économiques de Bola Tinubu – flottement du naira, fin des subventions du carburant – et son ambition régionale tranchent avec l’approche discrète – voire absente – de son prédécesseur Muhammadu Buhari à la tête du Nigeria.
“Le parrain”
Elu en février au terme d’un scrutin contesté par l’opposition, « le Parrain » a reconnu que ces décisions, louées par les chefs d’entreprise et les partenaires occidentaux, ont toutefois entraîné des difficultés à court terme pour les Nigérians (hausse du prix des carburants, des transports et des denrées alimentaires).
A 71 ans, M. Tinubu est surnommé le « Parrain » pour son immense influence. Ses partisans louent son sens politique aigu, fruit de trois décennies d’expérience et considéré comme un atout pour la région.
« Tout le monde admire le Nigeria, en particulier en Afrique et dans la région de la Cédéao, et le président Tinubu est prêt à relever le défi », s’est vanté Dele Alake, porte-parole du président nigérian.
« C’est intéressant de voir l’orientation internationale de Tinubu », souligne Cheta Nwanze du cabinet de conseil SBM, pour qui le plus gros risque est d’être « perçu comme un tigre de papier »: imposant en apparence, peu influent en réalité.
« Seul le Nigeria est en mesure de rassembler la région, mais il lui sera difficile de le faire tant que ce sera le désordre dans le pays », souligne-t-il.
C’est surtout par le soft power que le Nigeria s’impose aujourd’hui, grâce aux stars de l’Afrobeat (Burna Boy, Wizkid, Ayra Starr, etc.) et leurs hits planétaires, de Paris à New York.
Par le passé, la première économie et premier producteur de pétrole d’Afrique était un acteur régional clé, qui envoyait par exemple des soldats dans les missions de maintien de la paix.
Je Mais c’est surtout par le soft power que le géant africain s’impose aujourd’hui, grâce notamment aux stars de l’Afrobeat (Burna Boy, Wizkid, Ayra Starr, etc.) et leurs hits planétaires, de Paris à New York.
Au niveau sécuritaire, le prédécesseur de Tinubu, Muhammadu Buhari, avait certes remporté des succès contre les jihadistes qui ravagent le nord-est du pays. Mais Boko Haram et le groupe Etat islamique opèrent toujours dans la région et l’insécurité est généralisée sur le reste du territoire, entre gangs et malfrats.
L’économie est, elle, en crise et le secteur pétrolier est miné par les vols massifs d’or noir.
Surnommé « Baba Go-Slow » (« Vieux père va doucement », en pidgin nigérian) pour sa lenteur à prendre des décisions, M. Buhari n’avait pas fait de l’intégration régionale sa priorité. A l’été 2019, il avait même décidé de fermer unilatéralement les frontières terrestres de son pays pour préserver l’économie nationale, asphyxiant les pays voisins.
« Tinubu a une chance de redorer le blason du Nigeria », souligne le professeur Kabiru Sufi, qui enseigne les affaires publiques au Kano College.
« Sa récente élection au poste de Président de la Cédéao est un bon début », dit-il.
Avant de regarder vers l’extérieur, M. Tinubu s’est empressé d’inverser certaines des politiques de son prédécesseur, mettant fin à des subventions qui creusaient les caisses publiques et en levant les contrôles sur la monnaie.
« On est enthousiasmé par le nouveau gouvernement, par certaines des premières décisions prises », a affirmé à la presse Bernard Mensah, haut responsable de la Bank of America.
Mais, la population, qui subit déjà une inflation record, a récemment vu les prix de l’essence tripler et sa monnaie être dévaluée de 40%.
Malgré les réserves de pétrole du pays, près de 40% des Nigérians (83 millions de personnes) vivent sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.
Dans un rapport, celle-ci a loué les réformes « cruciales » du Président Tinubu, avant d’avertir : « Sans compensation, de nombreux ménages pourraient sombrer dans la pauvreté. »
Avec AFP