«Avant tout, il y a un sujet que je veux mettre sur la table de manière urgente. Aujourd’hui, les mercenaires russes sont à notre frontière Nord. Le Burkina Faso a trouvé un arrangement pour suivre le Mali et employer les forces de Wagner sur son territoire. Je crois qu’une mine, dans le Sud du pays, leur a été allouée comme forme de paiement pour leur service. Le Premier ministre du Burkina a été à Moscou au cours des dix derniers jours. Et avoir ces mercenaires qui opèrent juste de l’autre côté de notre frontière est particulièrement pénible pour nous au Ghana.»
Ces propos sont du Président ghanéen, Nana Akufo-Addo, tenus en décembre dernier à Washington, en marge du sommet Etats Unis-Afrique, au cours d’un entretien avec le Secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken. Des propos qui en avaient étonné plus d’un, et qui ont failli jeter le froid entre Accra et Ouagadougou accusée, comme elle l’a dit, sans la moindre preuve tangible, de sous-traiter sa sécurité avec un groupe paramilitaire à la réputation sulfureuse.
Déploiement d’un millier de soldats ghanéen à la frontière avec le Burkina Faso
Et la visite du n°1 ghanéen dans la capitale burkinabè, ce mercredi 10 mai, est sans doute en rapport avec cette tempête diplomatique dans un verre d’eau qui n’avait pas besoin d’être. De fait, l’histoire et la géographie du Burkina et du Ghana sont si chargées qu’il faut plus qu’une langue fourchue présidentielle et des sautes d’humeurs peu diplomatiques pour faire oublier la raison d’Etat. Toujours est-il que les autorités du Burkina avaient balayé du revers de la main ces accusations après avoir formellement démenti l’octroi d’une quelconque mine au groupe paramilitaire russe Wagner en échange de ses services dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Si cette visite ne traduit pas «l’excellence des relations entre les deux pays» selon la formule consacrée, elle traduit, à tout le moins, une volonté de renforcer l’axe Accra-Ouaga dans ce contexte de lutte contre le terrorisme qui tient les pays de la sous-région en haleine depuis plusieurs années.Quoi qu’il en soit, le déplacement du grand chef ashanti sur les rives du fleuve Kadiogo, tend à montrer qu’au-delà de ses propos polémiques, le Burkina reste un pays fréquentable. Si ce n’est pas une façon de battre sa coulpe, cela y ressemble fort. Autant dire que c’est une façon, comme une autre, pour le dirigeant anglophone qui avait déjà dépêché une mission diplomatique à Ouagadougou, de faire amende honorable. Mais ce faisant, le chef de l’Etat ghanéen fait preuve d’une grandeur d’esprit qui permet d’aller à l’apaisement avec son voisin du Nord. De l’autre côté, il faut saluer la hauteur de vue des autorités burkinabè qui ont su garder leur calme et qui ont reçu leur hôte d’un jour avec tous les honneurs dus à son rang. Quoi d’étonnant à cela quand on sait que depuis ces regrettables accusations qui auraient pu mettre le pays des Hommes Intègres au ban de la communauté internationale, les autorités de la transition ont su jouer balle à terre pour ne pas envenimer les relations entre les deux pays aujourd’hui engagés dans le même combat contre l’hydre terroriste. Pour preuve, cette visite du locataire du Flag Staff House d’Accra se passe dans un contexte où le Ghana a déployé un millier de soldats à sa frontière avec le Burkina Faso, pour essayer d’endiguer la menace terroriste qui se précise de plus en plus sur les lignes de ses démarcations territoriales. C’est dire toute la nécessité de dissiper les nuages entre les deux capitales, pour ouvrir la voie à l’éventualité d’une mutualisation des forces qui reste, aujourd’hui plus que jamais, l’une des solutions pour réduire considérablement la voilure de la pieuvre tentaculaire qui profite souvent de la porosité des frontières pour accomplir ses basses besognes. En tout état de cause, à l’étape actuelle des choses, aucun pays, pris isolément, ne peut venir seul à bout du terrorisme.