Le magazine GEO a publié récemment le classement des compagnies aériennes en fonction de leurs qualités et de leurs défauts. Certes, celui-ci effectué par la société Circum est forcément un peu subjectif, même s’il est basé sur le point de vue de centaines de milliers d’utilisateurs. Il n’empêche, il rejoint d’autres évaluations qui vont toutes dans le même sens. Petit à petit, le transport aérien occidental, disons celui de l’Amérique du Nord et de l’Europe occidentale, perd progressivement son leadership.

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Le premier classement est celui de la qualité générale des transporteurs. Les 10 premiers sont dans la zone Asie/Pacifique. On peut les citer dans l’ordre où ils ressortent du classement sans vouloir attribuer trop d’importance au quantième de leur position. Ce sont Air New Zealand, Qatar Airways, Etihad Airways, Korean Air, Singapore Airlines, Qantas, Virgin Australia, EVA Air, Cathay Pacific et Emirates. Aucune compagnie européenne ou nord-américaine dans cette liste. Pour trouver les opérateurs occidentaux, il faut aller dans la deuxième partie pour rencontrer 4 européens : Lufthansa, SAS, TAP et British Airways, 3 américains : Delta Air Lines, Air Canada et Jet Blue, et 3 asiatiques : All Nippon Airways, Japan Airlines et Vietnam Airlines. Il fut un temps où les compagnies européennes trustaient les podiums, ce n’est plus le cas.

Les critères de ponctualité n’affichent de leur côté aucun transporteur européen. Dans les 10 meilleurs on trouve curieusement 2 sud-américains : Azul Brazilian Airlines et LATAM, 4 opérateurs du continent asiatique : All Nippon Airways, Japan Airlines, Emirates et Qatar Airways et tout de même les trois mastodontes américains : Delta Airlines, United Arlines et American Airlines.

Et pour finir les 5 pires compagnies quant au volume et au traitement des annulations sont 2 européennes : KLM et Lufthansa et 3 du Pacifique : Air New Zealand, Qantas et Virgin Australia.

Comment expliquer cette dégradation du transport aérien occidental par rapport aux autres parties du monde ? D’autant plus que les critères aéroportuaires vont également, et ce n’est pas une surprise, dans le même sens. Les capacités aéroportuaires cumulées des 3 principales plateformes européennes : Paris Charles de Gaulle et Orly, Londres Heathrow et Gatwick et Francfort se montent à 300 millions de passagers par an alors que les trois principaux hubs Moyen-orientaux : Istanbul, Dubaï et Doha affichent des équipements capables de traiter 525 millions de passagers. Autrement dit, le déclin occidental en matière de transport aérien est annoncé. Bien entendu le trafic va continuer à croître, mais très lentement sous la contrainte écologique qui bloquera l’accroissement des capacités aéroportuaires alors que les grandes plateformes asiatiques et particulièrement celles du Golfe sont déjà positionnées pour traiter le trafic des années 2040 à 2050.

A vrai dire, le course aux volumes, qui explique largement le déclin occidental, n’est pas une fin en soi. Elle peut être nécessaire pour absorber une demande croissante qui se manifeste déjà dans les pays situés autour de l’Océan indien qui va, rappelons-le, de l’Australie à l’Afrique du Sud. D’ailleurs cette demande est largement anticipée par les grandes compagnies qui n’hésitent pas à passer des commandes jamais vues jusqu’alors : 1000 appareils pour l’Inde réparties en 500 pour Air India/Vistara, et 500 pour Indigo, dont il faut d’ailleurs souligner la nouvelle gouvernance exercée par Pieter Elbers, l’ex dirigeant de KLM et pas moins de 600 pour Turkish Airlines, sans compter sur les quelques centaines qui ne manqueront pas d’être annoncées par les nouveaux transporteurs de l’Arabie Saoudite.

La vraie compétition future se fera sur la qualité de service. Ne pouvant pas grossir à l’infini, les opérateurs seront conduits à ne plus poursuivre la désastreuse course aux tarifs les plus bas, mais ils seront amenés à revoir leur produit et à accepter la compétition sur les critères de qualité, qui justifieront les augmentations de tarifs lesquelles ont d’ailleurs largement commencé. Les transporteurs européens seront amenés à revoir de fond en comble leur stratégie, non seulement quant à leur produit, mais également quant à leurs relations avec le circuit de distribution. Il serait surprenant que les OTAs (Online Travel Agents) qui sont l’un des principaux acteurs des baisses tarifaires, ne soient pas sacrifiés au profit des distributeurs traditionnels si ces derniers acceptent enfin les possibilités amenées par la NDC (New Distribution Capability).

Si les Européens le veulent bien, ils peuvent largement reprendre le leadership de la qualité dans le transport aérien. Ce ne sera pas aisé, car l’écart actuel avec les grands opérateurs du Golfe est considérable, mais le challenge qui a été perdu au fil des 25 dernières années, peut être regagné dans les 10 prochaines.