Faisons l’hypothèse que nous sommes sortis du cauchemar de la pandémie puisque la Chine vient de laisser tomber ses barrières. C’est le dernier pays après avoir été le premier à fermer ses frontières. Les vaccins sont efficaces et la grande majorité des populations sont maintenant protégées. Et finalement le transport aérien ne s’en sort pas si mal, et on peut même imaginer que le Covid lui a été salutaire, et ce, pour plusieurs raisons.
D’abord il a montré son utilité à tel point que les états l’ont soutenu au-delà même de ce qui pouvait être espéré. Ainsi les USA ont injecté plus de 60 milliards de dollars pour maintenir en vie les compagnies, la France a massivement supporté son transporteur national, mais également, même de moindre manière, les autres compagnies, et le gouvernement allemand a été jusqu’à prendre des parts dans le groupe Lufthansa alors que c’était contre ses principes et ceux de la compagnie. L’Italie a tenté désespérément de sauver Alitalia, mais le malade était en phase terminale et il a dû se résoudre à la perte de son joyau national pour le remplacer par ITA. Tout cela montre à l’évidence combien le transport aérien est jugé par les états d’une importance exceptionnelle. Les gouvernants ont bien compris qu’il était à la fois un facteur essentiel de l’économie et le meilleur ambassadeur des pays. Au plus fort de la pandémie il a d’ailleurs fait la preuve de son utilité pour acheminer les masques et les vaccins. Plus personne ne met en doute son utilité, voilà un premier résultat.
Et puis pendant cette période troublée, les responsables en ont profité pour lancer de grandes manœuvres de réorganisation. Un grand nombre de salariés ont quitté le secteur ce qui a permis de dégraisser les effectifs sans pour autant devoir affronter de grands mouvements sociaux. Ainsi les compagnies se retrouvent maintenant avec une masse salariale réduite, et une meilleure organisation. La reprise a certes obligé à reprendre les embauches, mais celles-ci sont nécessaires pour faire passer le trafic. Du coup les ratios s’améliorent et les résultats qui commencent à être publiés pour l’année 2022 reflètent une meilleure performance dans la gestion des compagnies.
Pendant ce temps nombre de transporteurs en ont profité pour mettre au sol les appareils les plus anciens et pour les remplacer par les avions de la dernière génération plus adaptés et plus performants. Cela a plusieurs avantages. D’abord une sérieuse avancée vers la neutralité carbone qui reste la condition essentielle à l’acceptation du transport aérien par les nouvelles générations. Les nouveaux appareils sont plus confortables, mieux équipés, et le produit transport aérien en est sérieusement amélioré. Enfin les nouveaux appareils sont moins consommateurs de carburant, ils coûtent donc moins cher et ils sont prêts pour l’utilisation des SAF (Sustainable Aviation Fuel). Reste que beaucoup d’appareils au sol sont encore tout à fait aptes à être utilisés. Il serait dommage de les laisser pourrir alors qu’ils auraient une grande utilité dans certains pays qui n’ont toujours pas accès aux avions neufs.
Enfin les prix ont très sensiblement remonté. La folle course aux volumes à partir de tarifs toujours plus bas, s’est arrêtée brutalement. Les augmentations de l’ordre de 30% sont devenues monnaie courante. Alors cela irrite une partie des consommateurs qui s’étaient habitués à voyager pour des prix dérisoires mais dont finalement ils pensaient qu’ils étaient la norme. On revient progressivement au bon sens, à la condition expresse que la guerre tarifaire ne reprenne pas. Le danger n’est pas écarté car nous allons vers une période où l’offre sera pléthorique entre les nouveaux appareils commandés et ceux qui vont sortir des parkings. Pour le moment la demande est toujours aussi dynamique et elle accepte les nouvelles grilles tarifaires. De leur côté, les transporteurs ont bien vu tout l’intérêt qu’il y avait à ne pas brader leurs sièges de manière inconsidérée. Les résultats financiers s’en sont bien ressentis.
Que se serait-il passé sans l’arrêt brutal du transport aérien, pendant plus de 2 ans à la suite du pernicieux Covid ? Sans doute la course infernale dans laquelle il était lancé : plus de passagers, plus d’appareils, moins de recettes, aurait continué jusqu’au moment où les populations auraient manifesté un rejet de ce mode de transport sous une pression écologiste accrue. Les coefficients de remplissage d’équilibre seraient montés au-dessus de 90% entrainant une dégradation de la qualité de service. Et les résultats financiers des compagnies seraient restés aussi précaires.
Le Covid a obligé le transport aérien à revenir à ses fondamentaux : un produit de qualité, vendu à un prix simplement raisonnable. Et c’est très bien ainsi.