Boeing vient de publier ses résultats et ils ne sont toujours pas brillants. Avec un chiffre d’affaires de plus de 66 milliards de dollars, soit une hausse de 7% par rapport à 2021, le constructeur affiche néanmoins une perte opérationnelle de 3,55 milliards de dollars soit tout de même 9,5 millions de dollars par jour ou 400.000 par heure.
Les chiffres donnent vite le vertige. En cause bien entendu des livraisons d’avions toujours à la peine or les constructeurs sont payés au jour de la prise en compte des appareils par les exploitants, et surtout un plongeon de 13% du chiffre d’affaires dans le secteur de la Défense. Seule la partie services affiche de bons résultats : 17,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires (+18%) et un résultat opérationnel supérieur de 35% par rapport à l’exercice précédent.
L’avionneur américain n’est pourtant pas en grand danger avec un carnet de commandes de 4.500 appareils, rien que dans la partie avions commerciaux. Rappelons que la valeur moyenne d’un appareil est de 100 millions de dollars. De son côté, Airbus continue de faire la course en tête avec en portefeuille plus de 7000 appareils en commande. Son seul problème consiste à monter en cadence de production pour satisfaire les besoins de ses clients.
L’un et l’autre des constructeurs majeurs ont créé une gamme de services très complète, essentiellement reliée à la vie des appareils. Cela va de l’assistance pour monter un leasing jusqu’à la fourniture de pièces détachées fabriquées par les sous-traitants en passant par la formation des personnels, l’amélioration des opérations, et maintenant la gestion des contraintes environnementales. Bref les exploitants peuvent trouver chez leurs fournisseurs tout de dont ils ont besoin pour financer, entretenir et faire voler les appareils. Et tous ces services sont non seulement très utiles pour le transport aérien car ils contribuent à sa fiabilité mais ils constituent une source de revenus très appréciables et très rentables.
Je note néanmoins une grande lacune dans la liste des prestations disponibles, c’est l’assistance commerciale, non pas pour les appareils en eux-mêmes, mais pour la réalisation du chiffre d’affaires nécessaire à leurs clients, ne serait-ce que pour payer les leasings des appareils. Certes les grandes compagnies aériennes ont toutes des services commerciaux puissants et parfaitement compétents. Mais combien de transporteurs de moyenne et petite importance disposent des outils d’analyse de la demande, des accès aux circuits de distribution et d’une implantation commerciale en dehors de leur marché national ?
Or il semble bien qu’une fois l’appareil pris en compte par son exploitant et donc payé au constructeur, celui-ci se désintéresse, non pas de l’avion en lui-même, mais de la manière dont les opérateurs vont pouvoir l’opérer de manière rentable. Cela va du choix des lignes à desservir jusqu’à la capacité de trouver des clients, le tout en maximisant la recette avec l’utilisation performante du fameux « yield management ». Cela est bien dommage car une assistance de la part du fournisseur des avions dans ces domaines éviterait à coup sûr beaucoup de déboires et de faillites souvent causées par des erreurs élémentaires dans le choix du réseau et dans l’utilisation des moyens de distribution et de commercialisation.
Il ne faut pas croire que cette partie de l’activité soit simple or elle est essentielle. Après tout, l’intégralité des dépenses d’une compagnie aérienne est payée par l’intégralité des recettes. Eh bien je suis frappé de voir combien, très souvent, les dirigeants de beaucoup de transporteurs considèrent comme acquis le chiffre d’affaires qu’il faut générer. Ils sont d’ailleurs tout étonnés de voir que leurs vols ne sont pas remplis alors qu’ils fournissent les avions. On a l’impression que la totalité de leur énergie passe à s’assurer de la fiabilité de leurs opérations et qu’il ne leur en reste plus pour la vente des sièges offerts. Beaucoup pensent d’ailleurs que le côté commercial n’est pas suffisamment noble pour s’y intéresser vraiment et ils ont tendance à faire confiance au premier venu qui leur expliquera qu’un bon site Internet suffira à remplir leurs avions. Et, partant de ce principe, ils n’écoutent pas les vrais professionnels, qui ne disposent pas de la puissance suffisante pour se faire entendre.
Mais les constructeurs ont, eux, la capacité de se faire écouter par leurs clients. Ils seraient donc bien avisés d’inclure dans leur catalogue de prestations, un volet de commercialisation et de distribution des vols qui seront créés par les appareils vendus. Nul doute qu’ils trouveront des sous-traitants spécialisés et performants pour délivrer une telle prestation, ce qui évitera sans doute bien des problèmes à la fois aux compagnies aériennes ainsi conseillées et à leurs passagers.