Monsieur le Ministre,

Je me permets de vous écrire cette lettre ouverte pour marquer mon étonnement vis-à-vis de la communication de notre Gouvernement relative à ce que l’on appelle maintenant la “Transition Ecologique.” Je précise avant de développer mes arguments que je ne suis bien évidemment pas d’une totale neutralité car j’ai fait toute ma carrière dans le transport aérien et que, par conséquent j’ai tendance à défendre ce mode de transport, surtout lorsqu’il est attaqué injustement.

Personne ne met en doute l’utilité du train et surtout pas les clients dont la recette ne permet d’ailleurs pas de payer les coûts de la SNCF laquelle accumule des déficits abyssaux, comblés d’ailleurs par les fonds publics.

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Et c’est bien là le problème. La mode lancée par Greta Thurnberg, le “bashing du transport aérien” autrement la culpabilisation des consommateurs de l’avion s’est curieusement répandue assez rapidement en Europe et particulièrement en France où elle a été finalement endossée par les dirigeants français depuis quelques gouvernements. Cela s’est traduit par des mesures concrètes visant par exemple à l’interdiction des vols domestiques lorsque l’alternative ferroviaire entre deux métropoles était inférieure à 2h30, en attendant de passer le curseur à 4h00, et puis dernièrement aux déclarations de Mme Elisabeth Borne à l’Assemblée Nationale et les vôtres, Monsieur le Ministre, dans plusieurs médias qui annoncent votre volonté de taxer le transport aérien au profit … de son concurrent ferroviaire. 

Voilà qui ne va plus du tout

Alors, de grâce, Monsieur le Ministre, arrêtez de donner des leçons de civisme écologique au transport aérien, il n’en a pas besoin et laissez-le financer lui-même sa décarbonation.

Clément Beaune Ministre délégué chargé des Transports

Personne ne met en doute l’utilité du train et surtout pas les clients dont la recette ne permet d’ailleurs pas de payer les coûts de la SNCF laquelle accumule des déficits abyssaux, comblés d’ailleurs par les fonds publics. Mais en quoi le fait de taxer les clients aériens pour subventionner le concurrent direct est-il juste pour ne pas dire équitable ? Pour tout dire, cela ressemble fort à de la démagogie pure et simple. Je sais bien qu’en France l’Egalité est un dogme depuis la Révolution, mais curieusement personne ne parle d’Equité, ce qui paraîtrait plus approprié.

Et c’est là que je voudrais insister. Depuis des décennies le transport aérien a fait de considérables progrès pour diminuer son empreinte écologique. C’est d’ailleurs tout à fait normal, car la lutte contre la pollution causée par cette activité est économiquement très rentable. Plus les appareils sont sophistiqués, moins ils sont consommateurs de carburant, plus l’espace aérien est bien géré, meilleurs c’est pour l’économie. Au fond plus le transport aérien est écologique et plus il est profitable. Voilà pourquoi les investissements considérables se sont portés sur ce secteur. Et les résultats sont là pour prouver la pertinence de cette stratégie. Alors que le transport aérien a connu une croissance fulgurante, ce qui par parenthèses montre clairement son utilité, son empreinte carbone n’a cessé de représenter une part moindre dans l’impact mondial.

Dès le début des années 2000, Giovanni Bisignani, alors Directeur Général de IATA, avait fixé au transport aérien le but d’arriver à la neutralité carbone en 2050 et ce, quel que soit son taux de croissance. Quel autre secteur d’activité peut en dire autant ? Est-ce que le transport ferroviaire qui, certes émet beaucoup moins de CO² par passager, mais qui a tout de même une empreinte carbone non négligeable si l’on prend en compte la construction et la maintenance des infrastructures, a fait ou prévu de faire des efforts comparables à ceux du transport aérien ?

L’ensemble de ce secteur économique a intégré que la transition écologique était nécessaire et qu’elle allait coûter des investissements colossaux essentiellement d’ailleurs consacrés à la recherche de nouveaux modes de production, en clair de nouveaux appareils et d’une nouvelle approche de la gestion de l’espace aérien et des infrastructures au sol. Pour financer cela, il faudra bien trouver les fonds nécessaires et les compagnies aériennes sont prêtes à ce que le transport aérien soit soumis à une taxe écologique même importante, mais à une seule condition, c’est que les sommes recueillies soient destinées au financement de la recherche écologique de l’aérien et n’aillent pas compenser le déficit chronique du transport ferroviaire dont on voit mal quels investissements il fait pour se décarboner.

L’écologie est un enjeu mondial et non pas national. Voilà une raison supplémentaire pour que les recherches bénéficient à l’ensemble de la planète et que l’impact soit d’autant plus fort qu’il s’appliquera aux pays émergents si demandeurs du transport aérien et dont la préoccupation écologique est beaucoup moindre que dans les pays européens. La France a un grand rôle à jouer dans ce domaine.

Alors, de grâce, Monsieur le Ministre, arrêtez de donner des leçons de civisme écologique au transport aérien, il n’en a pas besoin et laissez-le financer lui-même sa décarbonation.

Avec mes très respectueuses salutations