Le CyclOpe 2023, l’ouvrage de référence pour les matières premières publié mardi dernier, porte un titre plus que prémonitoire : «Les cavaliers de l’Apocalypse». Mais il n’en est rien, car à les lire, ses auteurs ne partagent pas une vision sombre des marchés des matières premières.
Etymologiquement, apocalypsis en grec signifie «mise à nu» ou «dévoilement», ce qui correspond à une interrogation sur l’avenir plus qu’à une prédiction. «Au chapitre VI de l’Apocalypse de l’apôtre Jean, apparaissent les quatre cavaliers qui portent « a guerre, la famine, la peste, les bêtes sauvages», raconte Philippe Chalmin, codirecteur de l’ouvrage et professeur émérite à Paris-Dauphine PSL.
La guerre en Ukraine, les menaces pesant sur la situation alimentaire mondiale, la pandémie, le climat, voilà les «cavaliers» qui se sont abattus sur une partie de l’humanité en 2022 et qui continuent à la menacer, explique-t-il.
Ces quatre cavaliers ont remis en cause un certain nombre de certitudes. Ces derniers mois, les marchés mondiaux, très volatiles, en ont été les témoins privilégiés avec une crise énergétique majeure, comparable par son ampleur à celle des années 1970, des crises agricoles et industrielles, une crise climatique enfin dont il est encore difficile de prendre la mesure.
Aujourd’hui, nous assistons au retour au calme après une tempête particulièrement violente, explique le Pr Chalmin. L’Europe a pratiquement réussi à tourner la page du gaz russe, grâce à un hiver clément. Pour les mois à venir, on peut anticiper une certaine sérénité sur le front de l’énergie. Mi-mai, les prix du gaz sont passés sous la barre des 32 euros le MWh, un plus bas depuis deux ans. Depuis le début de l’année, ils ont chuté de près de 60%.
Les prix du baril du pétrole ont reculé de près de 40 % en un an. Et ce malgré les nombreux efforts des pays de l’Opep, qui ont pour stratégie de réduire la production dans le but de garder les cours hauts.
Philippe Chalmin : «La faim est due à la folie des hommes»
Dans le domaine des produits agricoles aussi, l’heure est à la détente. «C’est sans doute sur le blé et le maïs que cette dernière est la plus forte et la plus durable, même si les prix restent historiquement élevés.» Mi-mai, la tonne de blé se négocie autour des 230 euros, très loin des 370 euros atteints il y a un an. Quant au maïs, durant les six derniers mois, son cours a chuté de près de 20 %. Si l’insécurité alimentaire s’est encore aggravée dans le monde en 2022 avec 258 millions de personnes ayant besoin d’une aide alimentaire d’urgence, contre 193 millions l’an dernier, «la faim est liée essentiellement à la folie des hommes», explique Philippe Chalmin. Plus de 40 % de la population en difficulté réside dans les pays minés par les conflits armés : l’Afghanistan, la République démocratique du Congo, l’Ethiopie, le Nigeria, le Soudan, le Sahel et le Yémen.