Ce lundi 13 mars 2023, le Président nigérien, Mohamed Bazoum, à la tête d’une importante délégation, est en visite de 48 heures au Bénin où il a déjà eu un tête-à-tête avec son homologue béninois, Patrice Talon. Au menu des échanges, les questions économiques et surtout de sécurité entre ces deux pays qui partagent une frontière commune longue de plusieurs centaines de kilomètres.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette visite du chef de l’Etat nigérien à son voisin du Sud-Ouest, est une visite de raison. Ce, au regard des enjeux du moment, marqués par la récession économique à l’échelle mondiale et la crise sécuritaire en lien avec le terrorisme qui sévit durement en Afrique de l’Ouest et qui s’est métastasé, en quelques années, du Sahel pour étendre son péril jusqu’aux pays du littoral. Touchant, après les pays du Sahel que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, tour à tour la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin tous situés sur la côte atlantique et qui ont déjà fait l’objet d’attaques à des degrés divers, au moment où le Ghana qui est sur le qui-vive, signale des tentatives d’incursions de la pieuvre tentaculaire à sa frontière Nord.
Plusieurs accords signés
Autant dire que l’opportunité de cette visite du numéro un nigérien au pays du Vaudou, ne souffre pas de débat. D’autant qu’elle entre dans le cadre général du renforcement de la coopération bilatérale entre les deux pays. Sur le plan économique, Cotonou est d’autant plus d’un intérêt important pour Niamey qu’au-delà de son port Autonome éponyme, qui est l’un des débouchés les plus proches de la mer pour le Niger, le pays du Ténéré a, avec le Bénin, un projet commun de construction en cours, d’un oléoduc de 2000 kilomètres de long dont 700 en territoire béninois, devant relier les champs pétrolifères nigérien d’Agadem au port en eau profonde de Sèmé Kraké au Bénin. Sa réalisation et sa mise en fonction devraient augmenter de façon substantielle, la capacité d’exportation du pétrole nigérien. Ne serait-ce que pour cela, Cotonou valait bien une visite officielle du chef de l’Etat nigérien, aux fins de toucher du doigt la réalité de ce gigantesque projet et de constater de visu, l’avancée des travaux. Si l’on ajoute à cela la question sécuritaire en lien avec le terrorisme qui trouble régulièrement le sommeil des populations et des dirigeants de la sous-région, il y a de quoi se convaincre qu’au-delà de toute considération, cette visite de Mohamed Bazoum à Patrice Talon répond aussi à la réalité du terrain qui commande, aujourd’hui plus que jamais, la mutualisation des efforts dans une synergie d’action des différents pays dans la lutte contre le terrorisme. Cela, pour se donner les meilleures chances de venir à bout de la bête immonde qui continue de se repaître du sang d’innocentes populations, de part et d’autres des frontières. A ce niveau, la sécurisation du parc national du W, du nom de ce complexe naturel transfrontalier riche en faune et en flore, reste un défi majeur pour ces pays voisins qui y mènent régulièrement des opérations de sécurisation. De même que leur voisin burkinabè qui abrite une partie dudit couvert forestier. Comment peut-il en être autrement quand on sait que depuis quelques années, les terroristes ont jeté leur dévolu sur ce parc afin d’en faire une base arrière à l’effet de mieux s’adonner à leurs basses besognes dans cette partie de la sous-région ouest-africaine ? Toujours est-il que le Niger et le Bénin ont matérialisé, en juillet 2022, leur volonté de collaboration par la signature d’un accord militaire qui, en plus des échanges de renseignement et des opérations conjointes entre les armées des deux pays, prévoit aussi une assistance aérienne visant à suivre les mouvements des terroristes pour mieux les traquer. Un accord militaire qui pourrait d’autant plus être revisité à la faveur de ce voyage présidentiel de Mohamed Bazoum qu’au-delà de la sécurité des populations, nul n’ignore l’attrait et le potentiel touristique de ce parc qui est malheureusement aujourd’hui dans le viseur des terroristes qui n’ont d’autre ambition que de le mettre sous coupe réglée. Multipliant les incursions meurtrières de part et d’autre des frontières. C’est ainsi que le Bénin a enregistré pas moins d’une dizaine de pertes au sein de ses forces combattantes suites aux récurrentes attaques que le pays y subit depuis quelques années. Sans oublier que ledit parc avait aussi connu l’enlèvement, en 2019, de deux touristes français et de leur guide béninois qui trouvera la mort dans ce qui ce qui passe aujourd’hui encore pour la première attaque terroriste contre le pays de Patrice Talon. Quant au Niger, les attaques terroristes dans le pays ne se comptent plus et le parc W est loin d’être épargné. C’est dire si Mohamed Bazoum et Patrice Talon sont sur la bonne voie du rapprochement pour mieux porter l’estocade à l’ennemi commun. Reste à espérer que leurs efforts soient couronnés de succès. C’est tout le mal qu’on peut leur souhaiter.
Construction du pipeline d’export Niger-Bénin.
Lancé en 2019, il est réalisé à 70%. Cet oléoduc permettra d’acheminer le pétrole brut d’Agadem au Niger jusqu’au port en eau profonde de Sèmè Kraké au Bénin. S’étalant sur environ 2.000 km, dont près de 700 km sur le territoire béninois, cet ouvrage va coûter 4 milliards de dollars à Niamey. Mohamed Bazoum a insisté sur le côté gagnant-gagnant de cette infrastructure et de ce que devrait être l’exemple de la coopération entre les pays africains.
Faisant tous les deux face à la menace djihadiste qui frappe leurs deux pays, Patrice Talon et son homologue ont longuement échangé sur leur coopération et les « premiers résultats concrets », ajoute Patrice Talon qui se félicite de la baisse sensible de la menace dans son pays mais dit resté vigilent face aux djihadistes.
Pour rappel, Niamey et Cotonou ont signé un accord de coopération militaire transfrontalier, en juillet 2022, pour renforcer la capacité de leurs armées face au terrorisme. Cet accord porte sur « les échanges de renseignements, l’assistance aérienne pour suivre les mouvements des djihadistes et des opérations conjointes entre les deux armées béninoise et nigérienne ». A la fin de cette visite, les deux pays devraient donc réaffirmer leur collaboration en matière de lutte contre le terrorisme.
Mohamed Bazoum a achevé sa visite par la zone économique spéciale de Glo-Djigbé dans la commune d’Abomey-Calavi, fer de lance de la politique industrielle du Bénin et la rencontre avec la communauté nigérienne installée au Bénin.