Trois mois après les élections générales contestées du 25 février, face à son principal challenger, Atiku Abubacar du Parti démocratique populaire, Bola Ahmed Tinubu, 71 ans, ancien gouverneur de Lagos, a succedé officiellement à Muhammadu Buhari à la présidence du Nigeria ce lundi 29 mai 2023 devant un parterre d’invités de marque dont des chefs d’Etat et de gouvernement venus des quatre coins du continent.

Nigeria : L’ère Tinubu a sonné

Le président sortant Muhammadu Buhari souhaitant bonne chance à son successeur

Welcome donc à Asiwaju Bola Ahmed Tinubu au Palais d’Aso Rock qui a prêté serment sur deux défis essentiels qui sont la lutte contre l’insécurité et la relance économique. Cette cérémonie de prestation de serment est intervenue au moment ou le contentieux électoral est toujours pendant devant la justice. Mais qu’à cela ne tienne, que peut faire Tinubu du Nigeria, durant les quatre années à venir? Les recettes qu’il a appliquées à Lagos, de 1999 à 2007, pour la moderniser et sécuriser, pourra-t-il en faire autant pour la république fédérale du Nigéria qui compte 216 millions d’habitants dont 60% ont moins de 25 ans ? En tout cas, les défis restent à la hauteur de la taille du pays le plus peuplé d’Afrique. Il faut dire que cet ancien gouverneur de Lagos hérite d’un lourd passif de son prédécesseur dont le bilan est loin de l’image d’Epinal qu’il a présentée à la veille de son départ du pouvoir.

Ahmed Tinubu face à d’immenses défis

Tinubu face à d’immenses défis

Les chefs d’Etat et de gouvernement africains ont marqué l’investiture du nouveau président du Nigeria par leur présence

Parmi ces défis gigantesques, il y a la lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes, à commencer par le terrorisme qui n’a eu de cesse de troubler le sommeil de ses prédécesseurs, jusqu’à Muhammadu Buhari qui lui a transmis le flambeau sans avoir pu tenir sa promesse de mettre fin à l’insurrection de la secte sanguinaire de Boko Haram. Certes, le cancer de Boko Haram a été circoncrit avec l’élimination de son chef, Abubakar Shekau dit le «Chacal» et le groupe salafiste peine à se remettre de la disparition de son leader. Mais le géant d’Afrique aux pieds d’argile est toujours en proie à des récurrentes violences de bandes criminelles dans le Nord-Ouest et le Centre de l’Etat fédéral auxquelles s’ajoutent les exactions du mouvement séparatiste du Sud et du Sud-Est et celles de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP). En tous les cas, aussi bien durant la campagne électorale que dans son discours d’investiture, le busnessman, qui a connu des ennuis judiciaires et dont le nom est souvent assoscié à des affaires problématiques, a annoncé faire de l’insécurité sa priorité absolue et de défendre la «Nation contre la terreur et toutes les formes de criminalité.»

La corruption dans la ligne de mire du nouveau locataire d’Aso Rock

Il a aussi promis de relancer l’économie confrontée à la corruption endémique qui se présente comme un autre cancer collant à la peau de la prémière puissance économique du continent africain. En atteste la rente pétrolière dans laquelle nagent la haute administration et la hiérarchie militaire. Une gabegie organisée et entretenue dont l’une des conséquences est la fréquente pénurie de carburant chez le premier producteur africain d’or noir. La dernière en date a été enregistrée lors de la campagne électorale marquée également par la pénurie de billets de banque. Quid de la pauvreté quasi généralisée, du chômage et de la vétusté des infrastructures ?

Autant dire que l’ère Bola s’annonce titanesque. Si les perspectives économiques s’annoncent plutôt prometteuses avec la récente inauguration de la méga-raffinerie de pétrole par le richissime Aliko Dangote, il n’en demeure pas moins que Bola Tinubu aura fort à faire pendant son premier quadriennat pendant lequel il entend résorber la question énergétique par une croissance de 10% l’an, et relever le PIB de 440 à 781 milliards de dollars d’ici à 2027. Autonomie des Etats fédérés en matière de sécurité et d’impôts, fin des taux de changes multiples… Sont aussi des promesses du nouveau président. Prioritairement, il devra déboucher l’horizon des jeunes diplômés dont nombreux sont ceux qui ont rejoint l’Occident. Médecins, ingénieurs…migrent vers le Rouyaume-Uni ou les USA pour trouver du travail. Le japa (exil) est devenu la solution. Comment Tinubu compte-t-il arrêter ce japa ? Le «faiseur de roi» est devenu roi, pourra-t-il habiter la fonction, ou sera-t-il un homme d’estrade ? On attend donc de voir vers quelle direction Bola conduira le géant d’Afrique à la santé fragile.