Vladimir Poutine accueille jeudi ses partenaires africains à Saint-Pétersbourg pour un sommet Russie-Afrique, sur fond d’inquiétudes des pays du continent après l’abandon par Moscou d’un accord qui permettait l’exportation de millions de tonnes de céréales ukrainiennes.
Isolé sur la scène internationale depuis le lancement de son offensive militaire en Ukraine en 2022, le maître du Kremlin peut toujours compter sur le soutien, ou la neutralité, de nombreux pays africains.
« Nous avons l’intention de développer davantage (la coopération) » avec les pays africains, a assuré M. Poutine dans une lettre d’accueil envoyée aux participants et publiée mercredi sur le site du Kremlin.
A Saint-Pétersbourg, des délégations de 49 pays africains – dont 17 chefs d’Etat – sont attendues, en particulier le Président sud-africain Cyril Ramaphosa, malgré « la pression sans précédent » mise, selon le Kremlin, par les Occidentaux pour dissuader les Africains d’y assister.
Les représentants des Etats africains continuent de rejoindre l’ancienne capitale impériale, à l’image des délégations du Mozambique et de Libye dont l’arrivée a été rendue publique jeudi matin par l’agence de presse publique TASS.
Créer « des conditions propices à une voie vers la paix entre la Russie et l’Ukraine »
La présidence sud-africaine a indiqué dans un communiqué mercredi que les dirigeants évoqueront avec Vladimir Poutine les mesures destinées à créer « des conditions propices à une voie vers la paix entre la Russie et l’Ukraine ».
Lors de cette deuxième édition de ce sommet après une première en 2019, Vladimir Poutine mènera des entretiens bilatéraux avec plusieurs dirigeants et prendra la parole lors de la session plénière.
Selon son conseiller diplomatique, Iouri Ouchakov, le président russe « fera un grand discours » dans lequel il évoquera sa vision des relations russo-africaines et « la formation d’un nouvel ordre mondial ».
Le sujet brûlant du sommet sera à coup sûr l’abandon par Moscou d’un accord crucial qui permettait depuis l’été 2022 à l’Ukraine d’exporter, y compris vers l’Afrique, ses céréales par la mer Noire, malgré le blocus russe des ports ukrainiens.
En un an, cet accord avait permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, contribuant à stabiliser les prix alimentaires mondiaux et à écarter les risques de pénurie.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a exhorté jeudi les dirigeants africains à exiger des réponses sur la crise céréalière qui a plongé les pays les plus pauvres dans la crise.
« Ils savent exactement qui est responsable de la situation actuelle », a déclaré M. Blinken à propos des dirigeants. « Je m’attends à ce que la Russie entende clairement ce message de la part de ses partenaires africains », a-t-il déclaré lors d’une visite en Nouvelle-Zélande.
Ces derniers jours, la Russie a tenté de rassurer ses partenaires africains, disant comprendre leur « inquiétude » sur le sujet et assurant être prête à exporter ses céréales « sans frais » vers les pays qui en ont le plus besoin.
Pour Moscou et ses partenaires, « il est nécessaire de trouver des terrains d’entente, de s’expliquer (…) sur des questions d’actualité, par exemple sur l’accord céréalier », a souligné auprès de l’AFP Vsevolod Sviridov, expert du Centre d’études africaines de la Haute école d’économie de Moscou.
Et de façon générale, « le cadre dans lequel la Russie et l’Afrique interagissent a profondément changé », entre pandémie de Covid-19 et conflit en Ukraine, observe-t-il. « Donc, évidemment, il faut redéfinir (ces) relations ».
Poutine s’est d’ores et déjà entretenu mercredi avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed puis avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, vantant leurs projets communs dans le domaine de l’énergie.
Ces dernières années, la Russie a cherché à renforcer ses liens avec l’Afrique, notamment via la présence du groupe paramilitaire Wagner.
Signe de cet intérêt, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a déjà effectué deux tournées sur le continent depuis le début de l’année, s’efforçant de l’attirer dans le camp de Moscou, dressé en rempart contre l’ »impérialisme » et le « néocolonialisme » occidental.
Mais la rébellion avortée de Wagner en Russie fin juin aujourd’hui laisse planer un doute sur le futur de ses opérations sur le continent.
L’Ukraine sera également évoquée lors du sommet, vendredi lors d’un « déjeuner de travail entre Vladimir Poutine et un groupe de chefs d’Etat africains », a annoncé le Kremlin.
Le grand raout prévu à Saint-Pétersbourg intervient un mois avant le sommet des BRICS en Afrique du Sud, auquel le président russe, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), a renoncé à se rendre, mettant fin à des mois de spéculations.
Avec AFP