« A l’époque des faits, Pascaline Bongo n’était plus rien. Elle était out « … Au procès pour corruption de la fille de l’ex-Président gabonais Omar Bongo, chacun s’efforce de minimiser son rôle et l’accusation a bien du mal à avancer ses pions face à une défense solidaire et pugnace.
Pascaline Bongo, 67 ans, est jugée depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption passive d’agent public étranger au début des années 2010.
L’accusation la soupçonne d’avoir accepté d’intervenir en faveur de la société française Egis Route dans l’attribution de marchés publics contre la promesse de 8 millions d’euros de rétrocommission.
Mais à la barre, tous les prévenus – trois anciens cadres supérieurs d’Egis, l’homme d’affaires gabonais Franck Ping, qui reconnait avoir une « relation quasi-filiale » avec Mme Bongo ou l’avocate Danyèle Palazo-Gauthier, amie et ex-conseil de Mme Bongo – contestent catégoriquement les accusations portées à leur encontre.
Les cadres d’Egis Route sont poursuivis pour corruption active. M. Ping et Mme Palazo-Gauthier doivent répondre de complicité de corruption passive.
Il n’y a pas de parties civiles dans le procès et les questions des procureurs sont systématiquement contrées par la douzaine d’avocats de la défense.
Interrogés mardi, les dirigeants d’Egis Route ont assuré avoir agi dans les règles.
La société d’ingénierie française, dont l’actionnaire historique (désormais minoritaire) est la Caisse des dépôts, a pour mission d’accompagner les opérateurs de grands chantiers d’infrastructures publiques en s’associant à des « partenaires locaux », a rappelé à la barre Christian Laugier, anciennement chargé des activités Afrique d’Egis.
Au Gabon, Egis choisit de collaborer avec Sift, une société créée et dirigée par Pascaline Bongo. C’est Franck Ping, fils de l’ancien ministre Jean Ping, longtemps compagnon de Mme Bongo, qui a mis en contact Egis et Pascaline Bongo.
En novembre 2009, une réunion a lieu à Libreville entre représentants d’Egis et Mme Bongo, dans un bureau du Palais présidentiel.
« C’est étrange tout de même », fait remarquer la présidente du tribunal Brigitte Bourdon.
Les ex-cadres d’Egis (deux sont à la retraite et M. Laugier le sera bientôt) ne s’en étonnent pas. Tour à tour, ils affirment ignorer que Mme Bongo avait des fonctions officielles dans l’administration gabonaise et que, selon eux, il n’y avait pas de risque de conflit d’intérêts.
« Nous avons une tolérance zéro pour la corruption », a affirmé M. Laugier.
La fonction de Mme Bongo « était honorifique ». « J’ai lu dans la presse qu’elle avait été écartée par son frère Ali (élu Président du Gabon en octobre 2009, ndlr). Je me suis dit qu’il n’y avait pas de problème », a soutenu un autre cadre.
« Y a-t-il eu une commission occulte proposée à Pascaline Bongo ? Est-ce que quelqu’un vous a déjà approché pour dire qu’il faudrait payer ? », l’interroge son avocat, Me François Saint-Pierre.
« Absolument pas », répond son client.
Qui est Pascaline Bongo ?
Directrice de cabinet de son père jusqu’à sa mort en 2009, Pascaline Bongo est devenue « haute représentante personnelle du Président de la République » quand son frère Ali (renversé par un coup d’Etat en août dernier) a été élu à la tête de l’Etat.
« Cette fonction était une voie de garage », a soutenu mercredi Franck Ping. « Après la mort de son père, Pascaline Bongo a été complètement écartée du pouvoir (…) Elle ne pouvait prendre aucun acte engageant l’Etat gabonais », a-t-il ajouté. « C’était une personne privée, pas un agent public étranger », a insisté M. Ping.
Le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire en 2019 après la découverte « de curieux échanges, mails et documents évoquant l’affaire Egis » lors d’une perquisition au cabinet parisien de Me Palazo-Gauthier dans le cadre du dossier des « biens mal acquis ».
Dans cette affaire, dix descendants d’Omar Bongo, dont Pascaline, sont mis en examen depuis mars 2022.
Selon les enquêteurs, Sift était « une coquille vide », « une société écran » sans bureau ni aucun employé.
Avec AFP
Article publié pour la première fois sur Afrimag