Le Campus de l’Université Mohammed VI Polytechnique-Rabat (UM6P)abrite durant deux jours (26 et 27 mai 2023) une conférence qui s’interroge sur l’avenir du monde de demain ayant pour thème : «Mise en perspective des études prospectives dans le monde».

Organisée par le Centre de Prospective stratégique de l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (Icesco), l’Université Prince Mohammad bin Fahd et le Policy Center for the New South (PCNS), cette rencontre connait une forte participation. Elle est venue à point et la thématique est d’actualité.

La croissance démographique s’arrêtera presque à 10,4 milliards de personnes en 21001

Car il s’agit du questionnement sur l’avenir du monde quand on sait que notre planète connaît une explosion démographique majeure. En la matière, les chiffres sont éloquents. A ce sujet, les pronostics indiquent que la population mondiale atteindra 9,7 milliards de personnes en 2050, et que la croissance démographique s’arrêtera presque à 10,4 milliards de personnes en 21001. Pour les spécialistes, cette croissance représente une tendance lourde et considérable qui oblige les différents acteurs et parties prenantes à réfléchir au futur de manière stratégique.

Prospectives : Regards croisés pour un avenir meilleur

Le panel sur les tendances démographiques

D’où l’importance des études de la prospective dans un monde devenu de plus en plus complexe et dynamique, exposant les décideurs à un niveau d’incertitude et de complexité remarquablement plus élevé. A cet égard, il est essentiel que tous les acteurs de la communauté internationale soulignent l’importance d’anticiper et de comprendre le changement afin de garantir une mise en œuvre adéquate des politiques par le biais d’une prise de décision stratégique.

La sous-estimation de l’importance stratégique du futur est un des symptômes les plus aigus du sous-développement

Ce qui fait dire à Nouzha Chekrouni, senior fellow au PCNS, que dans un monde en constante évolution, l’effort collectif doit se tourner vers la compréhension des tendances émergentes, l’anticipation des défis et le déblocage des opportunités qui s’offrent au monde y compris le Maroc. En effet, la prospective stratégique ne consiste pas uniquement à formuler des hypothèses générales et indéterminées sur le futur.

Selon les conférenciers, elle propose aussi une approche structurée et systémique de la réflexion sur le futur qui permet d’anticiper les changements et de s’y préparer. Dans cette optique, souligne Dr. Kaïs Hammami, Directeur du Centre de prospective stratégique à l’Icesco, la prospective stratégique se préoccupe principalement d’explorer différents futurs possibles, plausibles et probables, fournissant ainsi les bases d’une réflexion stratégique qui, à son tour, permet d’identifier les opportunités tout en renforçant la résilience face à la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté.

De son côté, le Vice-président de l’Université Prince Mohammad Bin Fahd, Faisal Alanezi, ajoute que l’une des principales raisons pour lesquelles les études prospectives sont considérées comme une révolution en termes d’étude des futurs est «qu’elles apportent les bases d’une bonne compréhension de l’impact à long terme des décisions actuelles, permettant ainsi d’identifier les conséquences potentielles non intentionnelles que ces décisions pourraient avoir sur les futurs». Autrement dit, la sous-estimation de l’importance stratégique du futur est un des symptômes les plus aigus du sous-développement.

La ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, relève pour sa part, que le processus de prospective stratégique comprend quelques étapes claires et concises : l’analyse de l’environnement externe pour détecter les tendances lourdes potentielles et les acteurs du changement, l’élaboration de scénarios alternatifs pour le futur, l’évaluation des différentes implications de chaque scénario et l’élaboration de stratégies flexibles et adaptables qui pourraient être utiles pour les différents futurs possibles.

Renforcement de la coopération multilatérale

Dans ce sens, la ministre a cité, parmi les mutations, le changement climatique et les défis qu’il impose, Elle note, à cet égard, que les études prospectives ont permis de renforcer la coopération multilatérale en la matière et de mettre en place des programmes mondiaux visant à répondre aux besoins de tous. Avant de rappeler, dans ce sens, que le Maroc a adopté une approche intégrée et participative responsable en matière de politiques climatiques, conformément aux directives royales et au Nouveau modèle de développement (NMD).

La croissance démographique s'arrêtera presque à 10,4 milliards de personnes en 21001

Panel sur les changements climatiques

Concernant les objectifs de ces deux jours de débats, les organisateurs soulignent qu’il s’agit, entre autres, de promouvoir la culture de l’anticipation et de la prospective, de mettre en évidence l’état des études prospectives dans le monde et mettre en lumière leur importance. Pour ce qui est des thèmes abordés, plusieurs sujets sont à l’ordre du jour.

Ainsi les panels portent sur «la prospective pour le développement éducatif, économique, social et industriel»,  La prospective pour une meilleure résilience face aux grands défis», «Perspectives futures à travers le point de vue des experts : de la vision au plan d’action», «Les think tanks comme nouveaux acteurs de la diplomatie stratégique», et «L’intelligence artificielle et prospective.»

Quant aux participants, notons, enfin, que des experts et des spécialistes de plusieurs organisations internationales ont pris la parole tout au long de la conférence pour discuter de différents sujets liés aux études prospectives. Parmi les organisations internationales présentes, citons l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Forum économique mondial (WEF), la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (UNESCWA), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), et bien d’autres encore.

 

Transformer une vision en plan d’action

Pour les panelistes de cette conférence, lorsque les visions de l’avenir et les meilleures pratiques de prospective se croisent, il est logique qu’elles débouchent sur des actions. Pourtant, font-ils remarquer, les experts en planification stratégique s’accordent à dire qu’avant d’agir, il faut établir un plan d’action. C’est pourquoi les organisateurs ont fait appel à des experts dans les domaines de la prospective et des études sur l’avenir afin qu’ils nous guident dans le processus de conversion d’une vision en un plan d’action. Bien sûr, la vision est généralement celle qui vise à atteindre la croissance et le développement, et à améliorer la résilience face aux défis. Et le plan d’action doit être aligné sur ces objectifs et ces ambitions. Par conséquent, il est nécessaire d’aborder l’établissement de tout plan d’action en tenant compte des tendances lourdes et des signaux faibles dans chaque domaine, et en gardant à l’esprit les meilleures pratiques de la prospective.

Contributions de l’intelligence artificielle à la prospective

La prospective s’articule principalement autour des mégatendances et des signaux faibles. En ce qui concerne la technologie en tant que macro-force de changement, l’intelligence artificielle est sans aucun doute la tendance dominante, car elle est considérée par beaucoup comme une force perturbatrice majeure, même si nous n’en connaissons que certains aspects. En effet, les progrès réalisés dans le domaine de l’IA sont une première dans l’histoire de l’humanité et pourraient ouvrir d’infinies possibilités pour l’avenir.

Ceci étant dit, il est important de combiner les meilleures pratiques de prospective avec une réflexion stratégique sur l’IA afin d’assurer une bonne compréhension de son rôle à venir. C’est pourquoi les avis des experts en IA et en prospective doivent être une priorité, car ils peuvent nous aider à comprendre l’impact que cette technologie pourrait avoir sur notre avenir.

Les think tanks, nouveaux acteurs de la diplomatie stratégique

La responsabilité d’assurer la croissance et le développement et d’améliorer la résilience n’incombe pas seulement aux grandes organisations internationales. En effet, de plus en plus d’institutions locales et de groupes de réflexion s’efforcent aujourd’hui de contribuer à la réalisation de ces objectifs, tout en gardant à l’esprit certains des moteurs de changement les plus cruciaux pour l’avenir. En ce sens, ces groupes de réflexion n’apportent pas seulement une expertise supplémentaire en termes de prospective et de prise de décision, mais ils sont également impliqués dans le processus de diplomatie stratégique en contribuant à la croissance locale à travers une perspective globale. Les think tanks sont les acteurs responsables des recommandations stratégiques au niveau microéconomique, d’où l’importance de leurs points de vue sur les questions locales et mondiales.