Les OTA’s (Online Travel Agents) ont bouleversé la distribution non seulement du transport aérien mais aussi et peut-être surtout, de l’hôtellerie. La vogue de ce type d’opérateurs est arrivée au début des années 2000, en fait à l’apparition de la dématérialisation des titres de transport et des vouchers pour les prestations terrestres. C’est également le moment où les compagnies aériennes se sont lancées dans la folle course au volume. C’est à qui transporterait le plus grand nombre de passagers et à qui aurait le coefficient de remplissage le plus élevé. Pour cela il fallait à toute force garnir les derniers sièges disponibles dans les avions et par conséquent trouver un moyen pratique de les brader quitte à dégrader fortement la qualité de service.
Mais l’outil s’est emballé avec les facilités technologiques apportées par Internet puis par les réseaux sociaux. Il était devenu facile de proposer toute une panoplie de destinations classées par ordre croissant de tarifs. Or il est bien connu que les premiers tarifs affichés sont les plus demandés et ce quelle que soient les contraintes attachées à cet affichage. Restait à trouver le moyen de proposer les prix les plus bas tout en assurant la rentabilité des OTAs. Pour ce qui concerne l’hôtellerie l’affaire était assez simple, il s’agissait, et c’est toujours le cas, de prélever une commission parfois très importante, de l’ordre de 20%, sur les nuitées réservées par leur canal. C’est ce qui a fait la prospérité de Booking.com, par exemple. Seulement, pour l’aérien, l’affaire s’est avérée plus compliquée.
Depuis la fin des années 1990, les compagnies aériennes ont supprimé les commissions versées aux agents de voyages en généralisant la funeste pratique du «Yield Management» se privant ainsi du contrôle de leurs prix de vente. Alors les OTA’s ont dû se rabattre sur une autre forme de rémunération. Pour cela ils ont utilisé massivement la pratique des GDS qui, pour augmenter leurs volumes de transaction, rétrocèdent une partie des frais qu’ils prélèvent sur les compagnies aériennes. Ces dernières, pourtant à l’origine des GDS, les ont revendus aux fonds d’investissement pour des sommes considérables dont elles avaient furieusement besoin pour compenser les pertes dues à la baisse régulière des recettes unitaires. C’est ainsi que les transporteurs ont été dans l’obligation de payer de l’ordre de 7 dollars par passager/segment aux GDS qui de leur côté en reversaient 3 aux émetteurs de réservation dont les OTAs étaient les plus importants.
C’est ainsi que les OTAs ont progressivement capté un très grand nombre de passagers ce qui leur a permis de négocier de très importantes primes auprès des compagnies aériennes auxquelles ils amenaient une recette de plus en plus importante, même si celle-ci ne payait pas les prix de revient.
Mais le Covid est passé par là et la situation a changé du tout au tout. Les transporteurs ont compris qu’ils pouvaient considérablement augmenter leurs tarifs, de l’ordre de 30%, sans pour cela faire fuir la bonne clientèle. Et avec cette nouvelle recette, ils ont de moins en moins besoin des bas tarifs fournis par les OTAs. Certains ont d’ailleurs tout simplement sorti de leur offre au circuit de distribution les classes de réservations auxquelles les tarifs les plus bas sont attachés. Pendant ce temps, IATA a développé une nouvelle technologie appelée NDC (New Distribution Capability) qui permet une connexion directe entre les agents de voyages et l’inventaire des compagnies sans passer par les GDS. Du coup, ils se trouvent privés de la ressource dont ils ont besoin pour récompenser les OTA’s qui fournissent une part importante des réservations. Et, pour finir les écologistes font une chasse effrénée aux bas tarifs, coupables de polluer la terre entière.
Bref, l’avenir s’annonce sombre pour les OTAs dont l’activité majeure se trouve dans le transport aérien. Ils vont avoir beaucoup de peine à se différencier des agences de voyages classiques car les compagnies aériennes vont se réserver l’accès aux bas tarifs et une part importante de leur recette va se tarir puisque les GDS ne seront plus alimentés. Et finalement si leur volume de ventes diminue, le montant des primes reversées en fin d’année par les transporteurs va certainement s’en ressentir. Pour survivre, ils devront donc faire évoluer leur modèle en sophistiquant leur prestation. Cela va leur coûter plus cher, mais ils disposent d’un gros atout, leur marque, qu’ils ont pu imposer au fil du temps dans les marchés. Les Expédia, Last Minute.com et autres Orbitz disposent encore d’un peu de temps pour renouveler un modèle largement fragilisé qui a d’ailleurs vu se produire les premières faillites.
Au fond, les grands gagnants seront les consommateurs. Ils vont enfin retrouver des tarifs raisonnables et des prestations en amélioration régulière au cours des prochaines années.