Les chiffres sont parfois un peu difficiles à obtenir, mais dans le cadre des études menées par APG, nous avons recensé 1.265 compagnies aériennes dont 172 ne font que du cargo. Sur ce gros millier de transporteurs, on compte 772 compagnies régulières passagers et seules 8 d’entre elles opèrent plus de 400 appareils, 14 détiennent une flotte comprise entre 200 et 400 avions, 40 en opèrent entre 100 et 200, 142 entre 26 et 100 et tout de même 568 font voler moins de 25 appareils. Voilà qui montre une grande disparité au moins quant à la taille des opérateurs et bien entendu quant à leur réseau et leur puissance commerciale.
Gardons à l’esprit que toutes ces compagnies ont réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de plus de 850 milliards de dollars en transportant plus de 4 milliards de passagers. En clair, le prix moyen mondial d’un coupon de vol est de 200 dollars. Or tous ces opérateurs, qu’ils soient énormes comme les géants américains ou tout petits comme beaucoup de compagnies africaines ou asiatiques, sont soumis exactement aux mêmes règles d’exploitation. Celles-ci sont fixées par l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) et elles sont contrôlées par les Aviations Civiles des différents pays. Autrement dit, qu’elles opèrent des centaines d’appareils ou quelques unités, elles doivent impérativement appliquer les règles faute de quoi elles sont simplement interdites de vol. Cela peut paraître d’une extrême exigence, surtout pour les petits qui ne disposent pas des mêmes moyens techniques que les grands, mais il faut reconnaître l’efficacité d’une telle politique qui a eu pour conséquence la diminution constante du nombre d’accidents d’avion alors que le trafic s’envolait. Autrement dit ces contraintes assurent la sécurité des passagers à tel point que prendre l’avion est devenu tout à fait banal.
Si l’exploitation du transport aérien fait l’objet de règles strictes, il n’en est pas de même pour sa commercialisation et sa distribution. Or cette partie de l’activité est tout aussi importante que l’autre car sans rentabilité suffisante, et elle est fournie par les recettes, les compagnies deviennent très fragiles. C’est ainsi qu’on assiste en moyenne à la disparition d’un transporteur chaque semaine. Or, cela pourrait être évité si, comme pour les opérations, les règles de distribution et de commercialisation étaient contraignantes. Ce n’est pas le cas, et nombre de transporteurs ne connaissent même pas les outils qu’ils pourraient utiliser, pensant qu’Internet résoudrait leur accès aux marchés. Cela peut être vrai lorsqu’on dispose d’une grande puissance de communication sur de très gros marchés proches du centre d’exploitation de la compagnie, mais quelle que soit la qualité de son site, un transporteur de peut pas se passer du circuit des agents de voyages. Seulement cela réclame d’utiliser les grands systèmes de distribution que sont les GDS et le BSP pour ne parler que des principaux.
Or ces systèmes ont été créés par les très grosses compagnies pour les GDS et par IATA pour le BSP pour servir encore les grands opérateurs. Accéder à ces services est couteux et pour le BSP au moins, très compliqué administrativement. Voilà qui constitue une barrière d’entrée pour les petits opérateurs, qui d’ailleurs ne sont pas tous au courant de leur mode de fonctionnement. Sur les 772 compagnies qui opèrent des vols réguliers en passagers, et les 321 qui ont une activité charter, seules 367 utilisent les services du BSP et encore très souvent sur un tout petit nombre de marchés. Les autres sont alors coupées des ventes qui pourraient leur assurer un complément de chiffre d’affaires dont elles ont dramatiquement besoin.
Et que dire de la nouvelle norme NDC. Lancée par IATA depuis une dizaine d’année, elle peine à s’implanter auprès des gros transporteurs.Alors que dire des petits qui vont se trouver marginalisés lorsque qu’elle sera devenue la règle commune pour la commercialisation du transport aérien ? Rappelons-nous les réticences des acteurs de la distribution lorsque IATA a installé la billetterie électronique. Qui pourrait maintenant s’en passer ?
Seuls 250 transporteurs, certes les plus importants, sont membres de IATA. Les autres, un millier, sont orphelins. Ils ont besoin de se regrouper au moins pour échanger leur expérience, mettre en commun leurs capacités de négociation, trouver des solutions pour assurer une distribution et une commercialisation mondiale sans pour autant dépenser de considérables moyens financiers dont ils ont besoin pour assurer leur exploitation.
Des pistes existent. APG, dont c’est le métier y travaille en permanence. 78 transporteurs se sont inscrits au World Connect cette année. Beaucoup sont de taille modeste, mais ils font l’effort de traverser le monde pour 2 jours de conférences et d’échanges. Nul doute que ce déplacement leur sera largement profitable.