La décision du chef de l’Etat, Macky Sall, de reporter l’élection présidentielle au Sénégal, prévue initialement le 25 février, jusqu’au 15 décembre 2024, a suscité des craintes auprès de la classe politique, de la société civile et aussi auprès de la communauté internationale qui ne cesse d’appeler au respect du calendrier électoral pour éviter une situation de crise politique grave dans ce pays.

Dix jours après l’annonce surprise par le président Macky Sall de l'abrogation du décret convoquant le corps électoral le 25 février, et suite aux manifestations parfois violentes qui se sont produites à Dakar et dans plusieurs localités du Sénégal, des voix ont commencé à s'élever pour appeler les protagonistes de la crise et les acteurs politiques, ainsi que les citoyens surtout la jeunesse à faire preuve de retenue et de calme, en vue de sortir de la situation actuelle et de préserver en premier lieu le climat social, la paix et la stabilité qui caractérisent ce pays de l'Afrique de l'ouest afin d’aller vers des "élections apaisées et inclusives“.

Le Président Macky Sall

En effet, les appels fusent de toute part et invitent à la retenue, à bannir la violence, à engager un dialogue responsable et sincère et à privilégier le compromis, pour rechercher dans la sérénité requise une solution à la situation politique tendue au Sénégal, générée par la décision du chef de l’Etat intervenue à la veille du début de la campagne électorale.

L’objectif de ces appels, selon nombre d’analystes qui suivent de près l’actualité sénégalaise, est d’éviter le scénario des évènements dramatiques survenus début juin dernier suite à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », et qui ont fait 14 morts, selon un bilan officiel et plusieurs blessés et causé également des dégâts matériels importants dans les biens publics et privés.

Des voix s’élèvent pour apaiser les protagonistes

Dix jours après l’annonce surprise par le président Macky Sall de l’abrogation du décret convoquant le corps électoral le 25 février, et suite aux manifestations parfois violentes qui se sont produites à Dakar et dans plusieurs localités du Sénégal, des voix ont commencé à s’élever pour appeler les protagonistes de la crise et les acteurs politiques, ainsi que les citoyens surtout la jeunesse à faire preuve de retenue et de calme, en vue de sortir de la situation actuelle et de préserver en premier lieu le climat social, la paix et la stabilité qui caractérisent ce pays de l’Afrique de l’ouest afin d’aller vers des « élections apaisées et inclusives“.

Chefs religieux, organisations du secteur privé, acteurs politiques et anciens présidents de la République, sont tous sortis de leur silence pour inviter tout le monde, acteurs politiques, société civile, candidats recalés à ce scrutin, simples citoyens, surtout la jeunesse, ainsi que les protagonistes de la crise, à se parler et à privilégier l’intérêt général et à mettre le Sénégal au-dessus des contingences partisanes et à accepter d’aller au dialogue convié par le président Macky Sall dans son message adressé à la nation le 3 février.

Dans ce cadre, les anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont invité l’ensemble de la classe politique sans exception ainsi que la société civile à participer au dialogue national lancé par le chef de l’Etat pour engager, disent-ils, ”des discussions franches et loyales” afin que ”la prochaine élection présidentielle du 15 décembre 2024 soit tenue dans des conditions parfaitement transparentes, inclusives et incontestables”.

”Nous appelons l’ensemble des dirigeants politiques, du pouvoir et de l’opposition, ainsi que les responsables de la société civile, à participer à des discussions franches et loyales, afin que la prochaine élection présidentielle du 15 décembre 2024 soit tenue dans des conditions parfaitement transparentes, inclusives et incontestables. Ils ont le devoir de garantir que notre Sénégal restera un modèle de démocratie pour l’Afrique’’, ont lancé Abdou Diouf et Abdoulaye Wade dans une déclaration conjointe rendue publique lundi dernier et largement relayée par les médias dakarois.

Les deux anciens dirigeants disent s’adresser à leurs compatriotes ‘’en tant qu’anciens Présidents de la République du Sénégal, pères, avec Léopold Sédar Senghor, de la démocratie sénégalaise obtenue de haute lutte, mais aussi anciens irréductibles adversaires politiques qui nous sommes vigoureusement opposés par le passé’’.

”Nous avons su discuter et dialoguer dans l’intérêt du Sénégal pour mettre un terme à nos différends et aux crises politiques, et cela dans le seul but de préserver la paix et les vies’’, soulignent-ils, estimant que les responsables de la classe politique actuels n’ont pas ‘’le droit de faire moins’’ qu’eux.

Les deux personnalités appellent surtout à la jeunesse dont ils disent comprendre ‘’les frustrations et le désarroi, à arrêter immédiatement les violences et la destruction de biens, et surtout à prendre du recul pour ne pas être manipulée par des forces extérieures aux desseins obscurs’’.

Elles assurent également s’être entretenues ‘’longuement au téléphone avec le Président de la République, Macky Sall’’ qui leur a réaffirmé ‘’son engagement, pris devant la Nation le 3 juillet dernier, de ne pas briguer un troisième mandat et de quitter le pouvoir aussitôt après l’élection présidentielle’’.

Il y a lieu de signaler que le Sénégal est en proie à une crise politique après que Macky Sall a annulé le décret avec lequel il avait convoqué les Sénégalais aux urnes le 25 février prochain pour l’élection du cinquième président de la République.

En prenant cette décision, Macky Sall a invoqué des soupçons de corruption concernant des magistrats du Conseil constitutionnel parmi ceux qui ont procédé à l’examen des 93 dossiers de candidature et jugé recevables 20 d’entre eux.

Le chef des Tidiane invite de mettre le Sénégal au-dessus des contingences politiques

L’Assemblée nationale a voté ensuite une proposition de loi déposée par le groupe du Parti Démocratique sénégalais PDS, formation de Karim Wade, lui aussi candidat recalé, reportant l’élection présidentielle au 15 décembre prochain. Lors du vote, des députés protestant contre cette proposition et le report du scrutin ont été expulsés de l’hémicycle par la Gendarmerie nationale.

Des candidats au scrutin présidentiel ainsi que des députés ont par la suite saisi le Conseil constitutionnel en vue de l’annulation de la décision du président de la République et l’organisation du vote à la date initialement prévue.

Réagissant face à cette situation, le Khalife général de la confrérie Tidiane, Serigne Babacar Sy Mansour, a de son côté, exhorté dans un communiqué, la classe politique sénégalaise à mettre le Sénégal au-dessus des contingences partisanes et à accepter d’aller au dialogue convié par le président Macky Sall, pour la tenue d’une élection présidentielle inclusive et apaisée.

Le guide de la confrérie tidiane, invite la classe politique, “dans la diversité de ses courants et de ses positions“ à “mettre le Sénégal au-dessus de ses contingences partisanes et de ses revendications, quelque légitimes qu’elles puissent être“.

Il invite aussi les acteurs politiques à “accepter toute main tendue du président de la République, pour n’entrevoir que l’intérêt exclusif du peuple sénégalais et la préservation du climat social, afin d’aller vers des élections apaisées et inclusives“.

Le Khalife général appelle les Sénégalais à “ renoncer aux intérêts partisans, à cultiver la paix et à privilégier le dialogue et le compromis lorsqu’ils peuvent conduire à préserver la vie humaine et à restaurer la paix civile“. “La paix de notre pays et son avenir incombent à tous“, insiste-t-il.

“La situation politique très tendue dans notre pays et les derniers évènements qui ont fini d’emporter trois de nos fils, interpellent à la fois ma conscience en tant que citoyen et ma responsabilité en tant que chef de communauté religieuse“, souligne-t-il dit dans le communiqué

Il appelle à cultiver la paix et la retenue, afin de préserver “ce que nous avons de plus cher, qui est notre volonté commune de vivre ensemble dans un Sénégal apaisé et réconcilié autour de tous ses enfants“.

Il demande au président de la République, Macky Sall de privilégier la concertation, le dialogue inclusif et constructif avec toutes les forces vives de la Nation, afin de trouver une issue heureuse dans les meilleurs délais à cette impasse, qui, « si elle n’est pas dépassée, pourrait plonger notre pays dans une nuit de regrets et de désolation“.

Serigne Babacar Sy Mansour invite également les autorités religieuses du Sénégal, à “toujours jouer leur rôle de censeurs, pour la réconciliation des cœurs et des esprits“.

A l’endroit des populations et surtout des jeunes, dont il dit “comprendre les frustrations et les inquiétudes“, il les invite à “garder la foi et à faire preuve de retenue“.

Pour leur part, les organisations de la société civile membres du collectif ‘’Aar Sunu élection’’ (Protégeons notre élection), ont réaffirmé leur opposition à l’organisation de ‘’manifestations violentes’’ en guise de protestation contre le report du scrutin présidentiel.

‘’Nous nous démarquons très nettement des manifestations de casse, de destruction et de violence’’, avait dit mardi Djibril Gningue, directeur exécutif de la Plateforme des acteurs de la société civile pour la transparence des élections..

‘’Nous sommes pour des manifestations pacifiques, avec des moyens d’expression pacifiques’’, a ajouté M. Gningue lors d’une conférence de presse tenue à Dakar.

Pour sa part, l’abbé Jean François Diouf, curé de la paroisse Cathédrale de Dakar, a invité, mercredi, les fidèles chrétiens à habituer leurs cœurs à la miséricorde et à s’éloigner de la violence, des paroles violentes et de la haine, faisant notamment allusion à la tension politique et ses conséquences dans le pays.

La mission de la CEDEAO « invite toutes les parties prenantes à privilégier les intérêts fondamentaux de la Nation… »

‘’Dans le contexte que nous vivons aujourd’hui, apprenons à avoir un cœur miséricordieux, loin de violence, loin des paroles violentes, loin de la haine’’, a-t-il déclaré lors de l’office religieux marquant le démarrage du Carême, une période de jeûne de 40 jours.

Pour sa part, la Mission de diplomatie parlementaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a, au terme de ses consultations menées du 10 au 13 février à Dakar, lancé un « appel pressant au calme et à la retenue » et invité « tous les acteurs politiques au Sénégal à s’abstenir de toute forme d’expression qui incite à la violence et attise un climat de tension dans le pays ».

La mission de la CEDEAO « invite toutes les parties prenantes à privilégier les intérêts fondamentaux de la Nation sénégalaise que sont la paix et la stabilité ainsi que le respect de la Constitution, la promotion de la démocratie, de l’Etat de droit et de la cohésion sociale », souligne-t-elle dans un communiqué, rappelant que « toutes les élections qui ont marqué l’histoire politique du Sénégal se sont généralement déroulées de manière pacifique et transparente en dépit de contestations inhérentes au système pluraliste et démocratique ». Elle note que « la vie politique du Sénégal fut caractérisée par une alternance pacifique fréquente dans la dévolution du Pouvoir ».

Elle « prie instamment tous les acteurs sociopolitiques d’entamer dans l’urgence un dialogue politique national inclusif et fraternel intégrant l’ensemble des acteurs politiques et sociaux pertinents et intéressés afin de parvenir à des solutions consensuelles et créer les conditions favorables à la tenue d’une élection présidentielle ouverte, crédible, inclusive et transparente ».

Pour sa part, la la plus haute autorité du pays, le Président de la République Macky Sall, qui fait face aux exhortations d’importants partenaires internationaux, s’est dit « prêt à passer le relais », niant toutefois qu’il cherchait à s’accrocher au pouvoir comme le prétendent ses adversaires et l’opposition.

Dans une interview accordée récemment à l’Associated Press « AP »,, Macky Sall a noté que le Sénégal avait besoin de plus de temps pour résoudre les controverses concernant la disqualification de certains candidats et un conflit entre les pouvoirs législatif et judiciaire.

« Je ne cherche absolument rien d’autre que de laisser un pays en paix et stable », a dit M. Macky Sall dans cette interview.

« Je suis tout à fait prêt à passer le relais. J’ai toujours été programmé pour cela », a-t-il lancé, précisant que sa décision d’intervenir était nécessaire pour éviter que « le chaos électoral ne s’aggrave ».

« Je ne veux pas laisser derrière moi un pays qui va immédiatement plonger dans des difficultés majeures », a déclaré M. Sall.

Je dis maintenant que je vais travailler pour l’apaisement, pour les conditions qui permettront au pays d’être pacifique … tenons tous des discussions inclusives avant d’aller aux élections », a-t-il lancé.

Lors d’un conseil des ministre, Macky Sall a ordonné à son gouvernement de prendre des mesures d’ »apaisement » face au tollé causé par le report de la présidentielle. La presse locale a parlé de la prochaine adoption d’un projet de loi d’amnistié générale.

Cette situation tendue a fait aussi réagir les organisations du secteur privé sénégalais, qui lancent un appel à la préservation de la paix et invitent les protagonistes de la crise à se parler et à privilégier l’intérêt général.

Les organisations affirment dans un communiqué “encourager tous ceux qui s’investissent pour la préservation de la paix sociale, de l’union et de la solidarité des citoyens”.

Nous ne voulons pas que notre pays, le Sénégal, entre dans une crise politique […] dont l’ampleur pourrait être sans précédent, avec des lendemains incertains”, soulignent le Conseil national du patronat, le Mouvement des entreprises du Sénégal et les autres organisations concernées.

« Nous ne voulons pas de cette violence qui paralyse notre économie par des actes de vandalisme, destruction de biens privés et de coupure d’Internet. Nous avons déjà eu à alerter sur les conséquences désastreuses de tels actes”, fait noter le communiqué.

Des heurts ont fait au moins trois morts au Sénégal, selon les médias, quelques jours après que le président Macky Sall a abrogé le décret avec lequel il avait convoqué les Sénégalais à élire un nouveau président de la République, le 25 février prochain.

Avec MAP

Article publié pour la première fois sur Afrimag