L’ONU s’est dite mardi 13 juin « profondément préoccupée » par l’évolution de la situation des droits de l’Homme au Sénégal et voit « un sombre précédent » dans l’usage d’armes à feu par les forces de l’ordre contre des manifestants accusés par Dakar de s’être livrés à du « terrorisme ».
« L’utilisation d’armes à feu par les forces de sécurité lors de manifestations constitue un sombre précédent pour le Sénégal », souligne le Haut-Commissariat aux droits de l’homme dans un communiqué. « Nous notons que les autorités ont ouvert des enquêtes et nous leur demandons de veiller à ce que celles-ci soient rapides, indépendantes et approfondies, et qu’elles amènent toute personne trouvée responsable d’un usage de la force injustifié ou disproportionné, à rendre compte de leurs actes, quels que soient leur statut et leur affiliation politique », souligne le Haut-Commissariat. Le Sénégal a été en proie du 1er au 3 juin à ses pires troubles depuis des années après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs. L’annonce de la condamnation a déclenché des violences qui ont fait 16 morts officiellement, mais 23 selon Amnesty International.
L’ONU anticipe les possibles violences lors de la présidentielle de 2024
L’on peut donc voir, à travers cette interpellation du HCDH, une façon, pour l’ONU, de prévenir les violences encore plus destructrices qui s’annoncent à l’horizon de la présidentielle de 2024 qui cristallise déjà toutes les passions au pays de la Teranga.
Des débordements à venir dont la condamnation du leader des PASTEF paraît déjà le détonateur en raison du lien que les partisans du jeune opposant ont toujours établi entre une éventuelle disqualification de leur mentor à la prochaine présidentielle et les velléités de troisième mandat que l’opposition prête au président Macky Sall. Et pour ne pas faire retomber la tension, le locataire du palais de la République semble se plaire, sans que l’on ne sache trop pourquoi, à garder un silence lourd de sous-entendus si ce n’est de malentendus, qui contribue malheureusement à pourrir l’atmosphère sociopolitique au pays. La conséquence directe est que les couteaux restent tirés entre les protagonistes de la scène politique sénégalaise qui ne sont pas loin de se regarder aujourd’hui en chiens de faïence. Avec des acteurs manifestement décidés à en découdre et qui s’accusent mutuellement de tous les péchés d’Israël, notamment d’avoir infiltré les manifestations d’individus dont le rôle trouble a contribué à en alourdir le bilan macabre. C’est dire si le feu continue de couver sous la cendre des violences meurtrières de début de mois.
Cette sortie de l’ONU est une mauvaise publicité dont le Sénégal n’avait pas besoin
On espère que l’ONU se donnera les moyens de tirer les choses au clair et de situer les responsabilités de sorte à éviter d’éventuels dérapages à l’avenir. Cela est d’autant plus nécessaire que le silence prolongé du chef de l’Etat sur les intentions de troisième mandat qu’on lui prête, n’est pas de nature à ramener la sérénité dans le pays qui traverse déjà une période d’incertitudes. Autant dire qu’au-delà de la question des droits de l’Homme, cette interpellation sonne comme une façon, pour l’ONU, d’apostropher le pouvoir de Dakar contre d’éventuelles dérives dans cette période particulièrement sensible où tout le pays est suspendu à la décision du président Macky Sall : celle de renoncer purement et simplement au mandat de trop, ou de faire le saut dans l’inconnu d’un troisième mandat de tous les dangers. En tout état de cause, cette sortie de l’ONU, dans les conditions actuelles, est une mauvaise publicité dont le Sénégal n’avait pas besoin. Car, non seulement ces violences meurtrières n’honorent pas le pays de la Teranga, mais aussi et surtout c’est son image de vitrine de la démocratie qui s’en trouve davantage écornée, depuis que le pays a amorcé le virage dangereux de ces manifestations sur fond de controverse en lien avec les dossiers judiciaires de Ousmane Sonko qui tiennent le pays en haleine depuis deux ans. Et rien ne dit que cette interpellation de l’Etat par l’ONU ne contribuera pas à jeter de l’huile sur le feu, si l’opposition doit y trouver des arguments pour accabler davantage le pouvoir.