Valoriser les industries créatives et culturelles africaines. Mieux, en faire « le 4e pilier du développement durable », clame Jean-Pierre Elong Mbassi. Selon le Secrétaire général des Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique, on ne saurait simplement mesurer l’importance d’un secteur à la seule aune de ses réalisations mais plutôt à l’importance du budget que nos Etats allouent à ces industries créatives et culturelles. Dans tous nos pays, «le ministère de la Culture hérite de la portion congrue du budget de l’Etat. C’est dire que la culture n’est pas une priorité dans nos Etats», s’indigne-t-il dans un entretien à AFRIMAG. Décryptage.

Faire de la Culture le 4ème pilier du Développement durable

Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire général de CGLU Afrique

C’était en marge de la réunion des ministres africains de la Culture, à Rabat du 22 au 23 mai, dans le cadre de la célébration justement de Rabat, Capitale de la Culture Africaine. Cette réunion, qui réunit 18 ministres de la Culture et 32 pays, a été l’occasion, pour les participants, d’échanger sur les initiatives concrètes pour amorcer et/ou renforcer la place de l’industrie créative et culturelle dans les politiques de développement des pays africains.

Selon M. Elong Mbassi, le chiffre d’affaires mondial des industries culturelles et créatives s’élevait à environ 1.100 milliards de dollars US en 2020, soit 5 % du PIB mondial, tandis qu’en Afrique il ne dépasse guère le 1% du PIB, soit 49 milliards de dollars US. Tandis que pour l’industrie de la musique, ce sont 90 % des revenus du streaming musical qui sont générés en dehors du continent, lequel engrange à peine 75 millions de dollars sur les 10 milliards de dollars US de redevance musicales versées aux artistes au niveau mondial.

Faire de la Culture le 4ème pilier du Développement durable

Pour Elong Mbassi, il faut donc changer la donne. Et la première chose à faire est que «nos Etats prennent conscience de l’importance économique et sociale de la culture et des arts.» D’où la genèse de la célébration de la ville africaine par l’organisation qu’il dirige. Le constat est sans équivoque : «la culture est le parent pauvre des politiques de développement dans nos pays et collectivités territoriales.» Un constat qui, selon lui, peut être élargi au niveau mondial. Pour Jean-Pierre Elong Mbassi, «il y a une contradiction entre le fait que la culture représente une part très importante du PIB des pays développés et qu’il n’y a aucun objectif de développement durable sur la culture. » Pas plus étonnant quand «les Objectifs du développement durable (ODD) en comptent 17 dont aucun sur la culture», fait-il remarquer, sans en démordre. Et d’ajouter, dans la conception générale des Objectifs du développement durable, «on a défini trois piliers pour le développement durable : économique, social et environnemental. On a oublié le pilier culturel. Les collectivités locales ont estimé qu’il fallait réparer cela et augmenter la part de la culture dans les politiques de développement locales pour faire en sorte que la culture devienne le quatrième pilier du développement durable ». 

C’est pour cela que les Cités et Gouvernements Locaux Unis ont voulu désigner une ville africaine, la capitale, qui sera le lieu où l’on va célébrer l’excellence de la culture, des arts et l’industrie de la création pendant deux ans. Et pendant que, l’on célèbre la culture dans cette ville, explique le Secrétaire général, on célèbre également dans cinq autres villes africaines en même temps, lesquelles sont choisies dans cinq régions du continent sur la base du volontariat. 

Dans le cas de Rabat, Capitale africaine de la Culture, et qui est célébrée en 2022 et 2023, les cinq villes qui se sont portées volontaires pour s’associer à cette célébration, en accueillant une semaine marocaine et de Rabat dans leur localité sont : la ville de Nouakchott en Mauritanie, Lagos au Nigeria, Libreville au Gabon, Kigali au Rwanda, Maputo au Mozambique.

De cette manière, la culture va contribuer à l’accélération de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). D’ailleurs, soutient notre interlocuteur, Rabat a accueilli plus d’une trentaine d’événements.

En illustre cette semaine, durant laquelle, la ville reçoit trois grandes manifestations dont la réunion des professionnels, appelé MOCA (Movement of creative Africa). Il s’est tenu du 18 au 20 mai. Il y a cette réunion des ministres africains de la Culture et le forum des maires sur la culture, du 23 au 24 mai. C’est le couronnement de la célébration de « Rabat, Capitale africaine de la Culture 2022-2023.»

Rappelons que Rabat a vécu de juin 2022 à mai 2023, au rythme d’événements culturels importants qui portent la dimension africaine, reflétant ainsi l’engagement du Maroc à œuvrer pour le continent africain. Plusieurs activités (littérature, poésie, arts plastiques, musique, théâtre, cinéma, arts de la rue, danse, arts numériques, défilés de mode, photographie, arts populaires …) ont été organisées dans tous les espaces historiques, places publiques et tous les quartiers de la ville de Rabat, avec la participation d’acteurs culturels de la société civile et des différentes institutions publiques nationales concernées par la culture.