Dans sa toute dernière analyse du risque pays, le groupe d’assurance-crédit belge Credendo ne tarit pas d’éloges sur les performances économiques et la stabilité budgétaire du Bénin. Mais si le pays a retrouvé un certain apaisement politique, il reste exposé à la menace des groupes terroristes qui écument dans le Sahel.
Le Bénin a toujours été un terreau de démocratie et de stabilité en Afrique de l’Ouest. Toutefois, les tensions politiques et sociales sont aujourd’hui en augmentation. En effet, depuis son entrée en fonction en 2016, le président Patrick Talon concentre de plus en plus le pouvoir entre ses mains, ce qui a entrainé des protestations de la société civile et des pressions internationales concernant la violation des droits humains et le traitement des opposants politiques. Pour la première fois depuis 2015, des membres de l’opposition ont à nouveau pu participer au vote législatif en janvier 2023. Le seul parti de l’opposition (les Démocrates) a remporté des sièges à l’Assemblée nationale, bien que sa représentation demeure faible. Ainsi, même si le vote de janvier 2023 a quelque peu amélioré la légitimité parlementaire avec la présence de l’opposition, la coalition en place détient toujours une forte majorité et ne devrait pas rencontrer de défis majeurs avant la présidentielle de 2026.
À l’instar de la plupart des nations côtières de l’Afrique de l’Ouest, le Bénin est exposé à des risques sécuritaires liés aux retombées des violences djihadistes dans le Sahel, notamment venant du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
Les risques liés au terrorisme sont particulièrement élevés dans le nord du pays, notamment dans les parcs nationaux de la Pendjari et du W. Les risques liés aux catastrophes naturelles provoquées par le changement climatique et à l’insécurité alimentaire sont d’autres menaces importantes qui pourraient également entraîner une augmentation des troubles sociaux.
Un PIB de 17 milliards de dollars
La reprise économique continue de faire face à des vents contraires. Le Bénin est une économie de petite taille (PIB nominal de 17 milliards de dollars) fortement liée au Nigeria voisin. Elle s’appuie sur ses exportations de coton (45% des recettes du compte courant) et de produits alimentaires, tels que les fruits secs, graines, fruits et viande (21% des recettes du compte courant). La pandémie de Covid-19 a inversé pas mal des acquis réalisés au cours des années précédentes, où d’importants progrès sur le plan gouvernemental et économique avaient été réalisés. Après le Covid-19, le Bénin a connu une forte reprise malgré l’impact de la guerre en Ukraine : la croissance du PIB s’est élevée à 7,2 % et 6 % respectivement en 2021 et 2022. Les investissements publics (sous le Programme d’Action du Gouvernement 2021-2026), la production agricole et l’activité portuaire soutiennent le dynamisme économique. Les projections de croissance pour les cinq années à venir s’élèvent autour des 6 % en moyenne.
Impact de la fermeture des frontières avec le Niger
Toutefois, l’économie a récemment connu des vents contraires : la fermeture des frontières avec le Niger et les sanctions en réponse au coup militaire auront un impact négatif sur l’économie béninoise en 2023. Les récents chocs climatiques (inondations) qui ont entrainés une baisse de la production de coton et les menaces sécuritaires de groupes djihadistes à la frontière nord du Bénin pèsent également sur la performance macroéconomique générale du pays. La projection d’une faible croissance économique au Nigeria est un autre risque baissier. Par conséquent, il est probable que les projections de croissance du PIB du Bénin soient revues à la baisse dans les mois à venir.
À la suite de l’invasion de l’Ukraine, le Bénin a également été confronté à une augmentation des coûts des importations en raison de la flambée des prix des combustibles et de l’alimentation au niveau mondial et de la dépréciation de l’euro face au dollar, auquel le franc CFA est arrimé. Néanmoins, l’inflation a pu être contenue à 2,9 %. En 2023, il est attendu que l’inflation augmente à nouveau à 3,5 %, principalement gonflée par les prix de l’alimentation et exacerbée par les mauvaises récoltes de céréales en 2022-2023. L’inflation pourrait même dépasser les estimations actuelles car la récente envolée des prix à la pompe au Nigeria a provoqué une forte augmentation des prix du carburant de contrebande au Bénin (près de 60 %), intensifiant davantage l’inflation.
Des finances publiques viables, mais sous pression
Les finances publiques du Bénin sont de manière générale viables, caractérisées par la prudence budgétaire et des privatisations ainsi que d’importants investissements publics dans les infrastructures et l’agriculture (notamment en soutien à l’industrie du coton). Toutefois, au cours des deux dernières années, les finances publiques se sont dégradées suite à une augmentation des dépenses (augmentation des subsides et des dépenses sur le plan sécuritaire pour contrer les effets de l’insurrection djihadiste au Sahel), un système de perception des impôts déficient et une diminution du soutien des donateurs. Le déficit budgétaire global a atteint 5,7 % du PIB en 2021 et 5,5 % en 2022, faisant passer l’encours de la dette publique de 46 % du PIB en 2020 à 54 % en 2022. Or, une mobilisation accrue des recettes intérieures est une exigence importante du programme du FMI, avec pour objectif de converger à nouveau vers un déficit budgétaire de 3 % du PIB, tel que fixé par l’UEMOA. En supposant la mise en place d’une consolidation budgétaire dans les prochaines années, l’encours de la dette publique devrait légèrement diminuer à 52 % du PIB d’ici 2025. En effet, il est attendu que le ratio des recettes publiques au PIB augmente graduellement de 13 % en 2021 à 15 % en 2025, faisant ainsi diminuer le ratio des paiements d’intérêts nets aux recettes de 17 % à 11 %.
Le Bénin a tiré profit de l’appétit des marchés financiers pour les investissements sur les marchés émergents en émettant en 2019 des Eurobonds (première échéance en 2024) et en devenant, en 2021, le tout premier État souverain africain à émettre des SDG Bonds (pour atteindre les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies).
Le ratio de la dette extérieure au PIB a augmenté de 28 % en 2019 à 39 % en 2022, mais devrait toutefois rester stable, autour de ce niveau, dans les prochaines années. Le ratio du service de la dette aux recettes du compte courant a grimpé à 23,4 % en 2021 avant de se modérer à 11 % en 2022. Selon les projections, il devrait rester à des niveaux viables dans les prochaines années. Selon la dernière analyse de viabilité de la dette du FMI (mai 2023), la dette publique et la dette extérieure du Bénin montrent un « risque modéré de surendettement », bien que la marge pour absorber les chocs liés aux catastrophes naturelles, à la volatilité des prix des matières premières et aux conditions difficiles du commerce reste limitée.