Le président russe Vladimir Poutine s’est vigoureusement dressé samedi contre la « trahison » du chef du groupe paramilitaire Wagner Evguéni Prigojine, en pointant le risque de « guerre civile ».
Le président russe Vladimir Poutine s’est vigoureusement dressé samedi contre la « trahison » du chef du groupe paramilitaire Wagner Evguéni Prigojine, en pointant le risque de « guerre civile ».
L’armée russe a commencé à mener « des actions opérationnelles et de combat nécessaires » dans la région de Voronej, frontalière de l’Ukraine, à quelque 600 km au sud de Moscou, a déclaré sur Telegram le gouverneur régional, Alexandre Goussev.
En complet noir, l’air grave et le ton martial, Valdimir Poutine, qui fait face à un défi sans précédent depuis son arrivée au pouvoir fin 1999, s’est adressé à 07H00 GMT sans le nommer à l’homme qui ose le défier, accusant « les traitres » et promettant de les « punir ».
« C’est un coup de poignard dans le dos de notre pays et de notre peuple », a déclaré M. Poutine dans une adresse à la nation. « Ce à quoi nous faisons face, ce n’est rien d’autre qu’une trahison. Une trahison provoquée par les ambitions démesurées et les intérêts personnels » de M. Prigojine, a-t-il affirmé.
Vladimir Poutine « se trompe profondément » et que ses combattants ne se « rendront pas », a rétorqué le chef de Wagner.
« Nous sommes des patriotes. Personne ne va se rendre à la demande du président, des services de sécurité ou de qui que ce soit », a-t-il ajouté en s’en prenant pour la première fois directement au président russe.
Rumeurs
Et alors que des rumeurs sur les réseaux sociaux affirmaient que M. Poutine avait quitté Moscou après la mutinerie, son porte-parole Dmitri Peskov cité par l’agence Ria Novosti, a assuré que « le président travaille au Kremlin ».
Plus tôt, Prigojine avait affirmé tenir le quartier général de l’armée russe à Rostov, centre névralgique des opérations en Ukraine, et contrôler plusieurs sites militaires dont l’aérodrome.
Pour contrebalancer cette rébellion contre Moscou, les dirigeants des deux chambres du Parlement ont appelé à soutenir « la consolidation des forces » ainsi que le « président Vladimir Poutine, le commandant-en-chef », a déclaré sur Telegram le président de la chambre basse, Viatcheslav Volodine.
« La force » de la Russie réside dans « l’unité (…) et notre intolérance historique pour les trahisons et les provocations », a renchéri la présidente de la chambre haute, Valentina Matvienko.
Les dirigeants installés par la Russie dans les régions de Donetsk et de Lougansk (est), ainsi que Zaporijjia et Kherson (sud) ont fait de même, en se déclarant « avec le Président! ».
Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov a annoncé samedi envoyer ses hommes dans les « zones de tension ». « Nous ferons tout pour préserver l’unité de la Russie et protéger son statut d’Etat », a-t-il déclaré sur Telegram.
Les autorités ont renforcé les mesures de sécurité à Moscou où le « régime d’opération antiterroriste » vient d’être instauré, après la menace de Prigojine qui avait lancé sur Telegram: « On continue, on ira jusqu’au bout » et « nous détruirons tout ce qui sera mis sur notre route ».
L’armée russe a affirmé samedi avoir repoussé au cours des dernières 24 heures neuf attaques ukraniennes contre ses positions dans le sud et l’est de l’Ukraine. Ces affirmations n’étaient pas vérifiables de source indépendante.
Côté ukrainien, le président Volodymyr Zelensky a insisté sur l’ »évidente » faiblesse de la Russie, soutenant que son pays protège l’Europe « du mal et du chaos » russe.
« Sécurité renforcée »
« Nous sommes tous prêts à mourir, tous les 25.000. Et après il y en aura encore 25.000 », avait martelé Prigojine.
Dans la nuit, il avait annoncé être entré à Rostov. Il a aussi assuré que ses troupes avaient abattu un hélicoptère russe qui avait « ouvert le feu sur une colonne civile ». Mais il n’a pas apporté de preuves de ces affirmations, dont l’AFP n’a pas pu vérifier la véracité.
Le gouverneur de la région de Rostov a appelé la population à « rester à la maison », et celui de Lipetsk, à 420 km au sud de Moscou, a annoncé « des mesures de sécurité renforcées ».
M. Poutine a été forcé d’admettre que la situation à Rostov est « difficile ».
Une « enquête pénale » liée à une « tentative d’organiser une mutinerie armée » a été annoncée, selon le porte-parole du Kremlin.
Dans plusieurs messages audio tout au long de la journée, le patron de Wagner avait auparavant affirmé que des frappes russes avaient fait un « très grand nombre de victimes » dans ses rangs. « Un très grand nombre de nos combattants ont été tués », a-t-il dit, accusant le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou d’avoir ordonné ces attaques.
Ces accusations « ne correspondent pas à la réalité et sont une provocation », a rétorqué le ministère de la Défense dans un communiqué.
Le FSB (forces de sécurité) a appelé les combattants de Wagner à arrêter leur chef. Et un influent général, Sergueï Sourovikine, les a exhorté à renoncer à leur révolte.
« Ceux qui ont la responsabilité militaire du pays doivent être stoppés », a aussi dit le patron de Wagner, appelant les Russes à se joindre à ses troupes ou à ne pas leur opposer de résistance.
« Cadeau »
La Maison Blanche et l’Union européenne ont dit suivre de près la situation et les chefs de la diplomatie du G7 se sont entretenus pour un « échange de vues ».
Rishi Sunak, le Premier ministre britannique a appelé toutes les parties à être « responsables » et à « protéger les civils »
L’opposant russe en exil à Londres et homme d’affaires Mikhaïl Khodorkovski a appelé sur Telegram à soutenir Evguéni Prigojine face à Vladimir Poutine: « Oui, même le diable il faudrait l’aider s’il décidait d’aller contre ce régime! ».
« Il n’y a pas de succès militaires » russes, avait déploré vendredi Prigojine, suggérant que l’armée russe subit de lourdes pertes en Ukraine.
Invérifiables de source indépendante, ces propos contredisent ceux de Poutine, selon qui l’armée russe « repousse » tous les assauts ukrainiens.
Le Kremlin a assuré que le président Poutine a reçu le « plein soutien » de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.
Et la diplomatie bélarusse, a affirmé que la rébellion de Wagner était un « cadeau » fait à l’Occident.
Avec AFP