Depuis ce jeudi 22 juin, le Palais Brongniart, à Paris accueille pour deux jours le « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial » avec la participation de nombreux chefs d’État, représentants d’institutions financières mondiales ou encore d’ONGs. A ce rendez-vous de Paris qui doit “ jeter les bases d’un nouveau système pour relever nos défis communs : la lutte contre les inégalités, le changement climatique, la protection de la biodiversité », de nombreux chefs d’État africains y ont répondu. 

Co-organisé avec l’Inde, qui occupe la présidence du G20 cette année, ce sommet a, en effet, pour ambition de faire converger plusieurs agendas (climat, développement, dette) et de proposer des solutions innovantes pour faire face à ces enjeux. Le programme d’activités est plutôt alléchant avec 6 tables rondes, 30 événements labellisés et plus de 50 événements parallèles. Les échanges devront permettre de fixer une trajectoire vers un partenariat financier plus équilibré entre le Sud et le Nord tout en ouvrant également la voie à de nouveaux accords pour lutter contre le surendettement et permettre à davantage de pays d’accéder aux financements dont ils ont besoin pour investir dans le développement durable, mieux préserver la nature, faire chuter les émissions et protéger les populations contre la crise écologique, là où c’est le plus nécessaire.

Une quinzaine de chefs d’Etat africains ont fait le déplacement 

L’Afrique est représentée à cette rencontre de très haut niveau, par une quinzaine de chefs d’Etat dont certains ont pris la parole pour exprimer leur vision d’un monde plus équilibré en termes d’amélioration des conditions de vie des populations, mais aussi plaider la cause d’un continent qui a toujours été à la remorque du monde, et qui paye le lourd tribut du déséquilibre d’échanges financiers contribuant à plomber son économie et à la maintenir dans un état de dépendance quasi permanente. Les enjeux, pour le continent noir, sont principalement d’ordre économique en termes de mobilisation de capitaux pour le financement du développement durable et de réponse aux enjeux de la dette, mais aussi environnementaux en raison de sa vulnérabilité aux changements climatiques dont il subit les conséquences et les effets dévastateurs sans recevoir en retour l’aide nécessaire à la lutte contre le dérèglement climatique et la juste récompense de ses efforts pour la préservation de l’environnement.

“Comme tous les autres pays pauvres, nous serons opposés à toute politique visant à nous priver du recours aux énergies fossiles contenues dans notre sous-sol”, dixit Mohamed Bazoum du Niger 

“Comme tous les autres pays pauvres, nous serons opposés à toute politique visant à nous priver du recours aux énergies fossiles contenues dans notre sous-sol”, dixit Mohamed Bazoum du Niger

Le Président Mohamed Bazoum du Niger

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la pertinence d’un tel sommet n’est plus à démontrer. La question est de savoir si au-delà de la représentativité du continent noir à ce grand rendez-vous international, l’Afrique peut peser dans la balance des débats pour la faire pencher en sa faveur. L’on peut espérer eu égard au ton ferme avec lequel des chefs d’État africains ont intervenu à la cérémonie d’ouverture. Morceaux choisis : “Comme tous les autres pays pauvres, nous serons opposés à toute politique visant à nous priver du recours aux énergies fossiles contenues dans notre sous-sol. L’unique solution acceptable est celle qui permet d’atteindre les objectifs des différents agendas à la fois, se fondant par conséquent sur la solidarité et la complémentarité bien comprises, rendues effectives par une politique de péréquation généralisée.” Foi du chef de l’État nigérien, Mohamed Bazoum. 

Pour son homologue tchadien, Mahamat Idriss Deby Itno, lui, estime que “nous avons déjà eu de bonnes idées et qui nécessitent un réel engagement dans leur mise en œuvre : l’allocation de 0,7 % du PIB des pays développés aux pays en développement ; la mise en œuvre des conclusions du sommet sur le financement des économies africaines tenu à Paris en 2021 sur la réallocation des DTS ; le respect des engagements pris au titre de l’Accord de Paris, en particulier la mobilisation de 100 milliards de dollars par an pour le Fonds vert pour le climat. ”Du reste, pour le Président Bazoum, “nous devons abandonner les dogmes et les certitudes. Embrassons de nouveaux paradigmes, plus conformes à notre réalité qui est faite de dureté insupportable pour certains et de menaces certaines pour tous.” C’est dire si les dirigeants africains ne pouvaient pas trouver meilleure tribune que ce sommet de Paris, pour dénoncer ces inégalités en vue d’obtenir le rééquilibrage des termes de l’échange si nécessaire à son décollage et à son épanouissement économique. Mais, leur cause sera-t-elle entendue ? Wait and see !

 

Des injustices pour maintenir le Sud dans la dépendance et la pauvreté 

 

L’une des figures incontournables du sommet pour un nouveau pacte financier mondial est la pasionaria de la Barbade, la première ministre, Mia Mottley. Découragée par les promesses non tenues des pays riches, elle a proposé en septembre de changer de logiciel. «L’agenda de Bridge- town» (du nom de la capitale de ce petit État de 300 000 habitants) met sur la table une série de mesures susceptibles d’encourager les investissements vers les pays du Sud. Comme le faisait remarquer récemment Mia Mottley, «le Nord emprunte à des taux de 1% à 4% ; le Sud à environ 14 %.» Cette anomalie est le fait d’un système qui marche sur la tête. Les propositions discutées à Paris sont encore loin de faire l’unanimité. À ce stade, on peut au moins se réjouir du rôle de Mia Mottley, qui corrige une autre anomalie – d’ordre politique celle-là : les plus pauvres sont les premières victimes du changement climatique, lié aux émissions générées principalement par les plus riches. Ces derniers sont les moins bien placés pour imposer hors de leurs frontières les réformes indispensables à la lutte contre le changement climatique. Sur ces sujets, il est non seulement plus juste mais aussi plus efficace que le leadership soit assumé par les dirigeants des pays du Sud. 

Des injustices pour maintenir le Sud dans la dépendance et la pauvreté

Mia Mottley, la Première ministre de la Barbade et Ajay Banga, Président de la Banque mondiale

Même Ajay Banga, le nouveau Président de l’institution multilatérale de développement, la Banque mondiale, a été sensible à cette aux déclarations de la Première ministre de la Barbade. A la tête de la Banque mondiale depuis seulement 19 jours, il a annoncé que désormais les pays pauvres aux prises avec le changement climatique bénéficieront d’un moratoire pour le paiement de leurs dettes.