Quelle mouche a piquée les Indiens ? Certes tous les observateurs ont bien noté la croissance phénoménale de l’économie ainsi que l’amélioration du revenu par tête de près de 14% en 2022. Selon les prévisionnistes les plus sérieux la population passera dans peu de temps au premier rang mondial, devant la Chine. Et de plus une bonne partie de la recherche mondiale se passe dans ce pays/continent. Bref, l’Inde dirigée depuis un septennat par Narendra Modi, a le vent en poupe. Et cela se traduit dans le transport aérien, bien évidemment.

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

Il faut dire qu’une révolution dans ce domaine était bien nécessaire. Le porte drapeau des transporteurs, Air India, est très mal en point avec tous les défauts d’une compagnie nationalisée. Elle a perdu sa place en l’absence d’une nécessaire modernisation. Le renouveau est en train de se produire avec la fusion annoncée pour 2024 avec Vistara le transporteur international qui monte avec un capital détenu par le groupe privé Tata Sons et Singapore Airlines. Par parenthèses, faut-il mentionner qu’Air India avait été créée par le groupe Tata en 1932 avant d’être nationalisée en 1948.

Rappelons également la faillite retentissante de deux challengers. Jet Airways, dirigée par Naresh Goyal, a mis la clef sous la porte en 2019 suite à de grosses fautes de gestion pour ne pas avoir écouté son conseiller Pierre Jeanniot l’ex Directeur Général de IATA lequel préconisait la prudence. La compagnie qui disposait tout de même de 100 appareils avait choisi d’ouvrir des routes trans- pacifiques alors que son développement naturel aurait plutôt été vers l’Europe et le transatlantique, marchés beaucoup moins onéreux à opérer. Kingfisher Airlines est également morte pour avoir voulu aller trop vite dans son développement. Son propriétaire Dr. Vijay Mallya avait fait sa fortune dans la bière éponyme et il pensait sans doute qu’il n’était pas plus difficile d’opérer des avions que de distribuer une boisson populaire. Seulement l’aérien confie un statut incomparable par rapport à d’autres secteurs d’activité et la commande surprise que Vijay Mallya a passée au Salon du Bourget de 2005, l’année du début de son exploitation : 5 A380, 5 A350 et 5 A330-200 était tout simplement déraisonnable. Mais du jour au lendemain, le dirigeant d’une compagnie qui venait tout juste de naître est devenu une vedette mondiale. Et cela lui est monté à la tête. En 2012, la faillite a dû être prononcée avec 2 milliards d’euros de dettes et Vijay Mallya s’est enfui de son pays avant son arrestation pour chèques sans provision.

Bref le transport aérien très peu soutenu, il faut le dire, par les gouvernements de l’époque qui n’avaient de cesse que de le taxer, avait beaucoup de peine à trouver une nécessaire stabilité. Or s’il y a un pays où ce mode de transport est utile, c’est bien l’Inde. Les infrastructures au sol sont peu développées en tout cas insuffisantes pour les besoins d’une population dont la seule classe moyenne est supérieure à 100 millions de personnes. La modernisation des aéroports est en route et celui de Delhi pourrait être largement pris comme exemple par nombre de plateformes européennes.

Le transport intérieur est maintenant tenu par de très gros opérateurs. Indigo opère 262 appareils essentiellement des Airbus de la série 320 plus quelques ATR, son concurrent Spice Jet met en ligne 117 Boeings 737 et Go First 26 Airbus. Et les résultats sont au rendez-vous. Certes la désastreuse période du Covid-19 a cassé momentanément la belle mécanique, Indigo avait affiché un résultat de 1,6 milliard en 2019 mais une perte de 700 millions en 2022. Seulement les frontières se sont complètement ouvertes le 13 février 2023 y compris pour les passagers en provenance de Chine et l’optimisme est de rigueur.

Et les commandes d’avions pleuvent. Air India associée à Vistara, a passé un ordre de 252 appareils à Airbus er de 221 à Boeing, une commande jamais vue car il s’agit d’un panachage avec des appareils long-courrier : 34 A 350 et 30 Boeing 777 et 787. Indigo n’est pas à la traine avec 534 appareils en commande essentiellement des Airbus de la série 320, quant à Spice jet elle a commandé 249 B 737 de nouvelle génération à Boeing. Le total des flottes des transporteurs majeurs indiens : Air India, Vistara, Indigo, Spice Jet et Go First, actuellement en opération est de 658 appareils. Eh bien les 1.940 commandés représentent 3 fois la totalité des flottes actuelles. Voilà qui démontre pour le moins de fortes ambitions.

Si tout se passe bien, l’Inde peut devenir un opérateur majeur du transport aérien dans les 10 ans à venir. Les pays européens font pâle figure face à ce développement, il faut dire que le transport aérien y est plutôt décrié ces temps-ci.