«Découragement n’est pas ivoirien» ; «La Paix ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement» ; «L’homme qui a faim n’est pas un homme libre» : durant des années voire des décennies, ces maximes de Félix Houphouët-Boigny, premier Président de la Côte d’Ivoire indépendante furent quotidiennement martelées par les médias d’Etat ivoiriens. A l’aune de la Coupe d’Afrique des Nations, qui a vu le succès final des Eléphants de Côte d’Ivoire et l’extraordinaire résilience des Ivoiriens aussi bien joueurs, supporters, citoyens ou encore élus tout au long de la compétition, ne faut-il pas y percevoir les fruits sur le long terme d’une «propagande positive utilisée pour promouvoir l’unité, la solidarité et l’harmonie.»

«Salut Ô terre d’espérance ! Pays de l’hospitalité. Tes légions remplies de vaillance, ont relevé ta dignité. Tes fils, chère Côte d’Ivoire, fiers artisans de ta grandeur, tous rassemblés et pour ta gloire, te bâtiront dans le bonheur. Fiers Ivoiriens le pays nous appelle. Si nous avons, dans la paix, ramené la liberté, notre devoir sera d’être un modèle de l’espérance promise à l’humanité en forgeant, unis dans la foi nouvelle, la patrie de la vraie fraternité.»

Gilles Djeyaramane conseiller délégué à la Citoyenneté, à la Francophonie et aux relations avec les Cultes à Poissy et essayiste ( auteur de deux ouvrages : « Oser la Fraternité »/ « La Francophonie un chemin vers l’Autre » – Editions Atramenta) .

Dans tous les cas, le «Vieux» comme il était surnommé avec respect dans toute l’Afrique Francophone, aurait été bien fier de ses «fils de Côte d’Ivoire.»

Félix Houphouët-Boigny un génie politique devenu Sage de l’Afrique

La Côte d’Ivoire a été dirigée de 1960, date de son indépendance, à 1993, année de son décès, par Félix Houphouët-Boigny. Cet Homme d’État, grand oublié des programmes scolaires aussi bien français qu’africains, occupa à plusieurs reprises des postes de ministre au sein des gouvernements de la 4e République en France, et fut également un des artisans de la Constitution française de 1958. Il aura fréquenté en raison de sa longévité politique plusieurs des Présidents de la République française : le Général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Longtemps, le «Vieux», aura attendu longtemps, l’arrivée au pouvoir de Jacques Chirac. Il quittera ce monde sans avoir eu le temps de voir son vœu exaucé. Alors que les régimes ouest-africains sont pour beaucoup instables ou autoritaires, la Côte d’Ivoire sous sa présidence vivra une période de développement importante. Au fil des ans, le «Vieux» se sera mué en Sage, précurseur de la lutte contre la spéculation économique sur les matières premières du Sud, comme le cacao et le café et contre le capitalisme sauvage notamment financier.

De graves crises politiques ponctuées par une guerre civile

À ce dirigeant emblématique succédera Henri Konan Bédié, sous le régime duquel on observera l’émergence au premier plan du concept d’«Ivoirité», source de xénophobie et de sectarisme entre Ivoiriens. Ce dernier sera renversé par un coup d’État militaire en décembre 1999 mené par le Général Robert Guéï. L’arrivée de Laurent Gbagbo à la présidence marquera le début d’une période troublée, ensanglantée par une guerre civile. Des années caractérisées par une forte tension entre Laurent Gbagbo et Jacques Chirac puis avec son successeur Nicolas Sarkozy. Les troupes françaises aux côtés des forces des Nations-Unies mettront fin à la crise ivoirienne en 2011 en soutenant Alassane Ouattara. Depuis, le pays tente de se réconcilier, avec lui-même. En témoignent de beaux succès comme le retour de nombreux opposants et même d’anciens belligérants de tout bord notamment l’ancien Président Laurent Gbagbo acquitté par la Cour Pénale Internationale (CPI). Le pays fait preuve d’une résilience formidable qui en fait une oasis de croissance plongée dans un environnement géographique marqué par des crises institutionnelles et économiques.

Un hymne national qui adoucit les âmes : l’Abidjanaise

«Salut Ô terre d’espérance ! Pays de l’hospitalité. Tes légions remplies de vaillance, ont relevé ta dignité. Tes fils, chère Côte d’Ivoire, fiers artisans de ta grandeur, tous rassemblés et pour ta gloire, te bâtiront dans le bonheur. Fiers Ivoiriens le pays nous appelle. Si nous avons, dans la paix, ramené la liberté, notre devoir sera d’être un modèle de l’espérance promise à l’humanité en forgeant, unis dans la foi nouvelle, la patrie de la vraie fraternité.»

Parmi, les nombreux avatars du discours apaisant dans lequel baigne la population ivoirienne aujourd’hui, on citera l’hymne national, l’Abidjanaise, ode à l’hospitalité et à la fraternité. Chanté par les écoliers dès leur plus jeune âge, ses paroles n’ont cessé d’infuser la conscience populaire avec un lexique fort : espérance, dignité, paix, liberté, humanité, fraternité…

On soulignera d’ailleurs en guise d’illustration que lors la dernière édition de la Coupe d’Afrique des Nations les réseaux sociaux Francophones ont été inondées de séquences illustrant les qualités humanistes des habitants du pays, hospitaliers, accueillants et fraternels. Un comportement en cohérence avec l’hymne du pays si souvent entendu durant la compétition.

Prendre garde à la retombée du soufflé

Si le parcours de l’équipe nationale de la Côte d’Ivoire s’est terminée sur une note triomphale, il convient de ne pas oublier les écarts de comportements de certains citoyens, déçus des résultats de leurs joueurs lors du tour de qualification. Ces derniers ont vu leur niveau d’engagement et de motivation mise en doute, à deux pas d’une accusation d’absence de patriotisme et d’amour du pays. Une interprétation dont les conséquences peuvent être potentiellement dramatiques sous certaines latitudes. Conscient qu’en matière de promotion de la paix et de la tolérance, il faut «vingt fois  remettre sur le métier son ouvrage», le Président Ouattara dans une allocution télévisée souhaite que le pays «continue à renforcer et à maintenir le climat de paix et de cohésion qui a prévalu durant la CAN 2023.» La France, elle, se souvient parfois avec nostalgie de l’espoir populaire suscitée lors de la Coupe du monde 1998 de la «Nation Black Blanc Beur.» Il appartient au peuple ivoirien de faire vivre ce formidable élan fraternel et de le faire fructifier au niveau national, dans l’espace Francophone comme sur la scène internationale.

 

 

 

 

 

 

Article publié pour la première fois sur Afrimag