Le premier sommet des Chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel (AES) s’est tenu à Niamey, sous la présidence du Général de Brigade Abdourahamane Tiani du Niger le 6 juillet 2024. Les dirigeants du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont examiné le contexte géopolitique et sécuritaire de la sous-région, dénonçant la responsabilité de la CEDEAO dans l’affaiblissement des valeurs de solidarité régionale et les sanctions jugées illégales. Ils ont réaffirmé leur retrait de la CEDEAO et souligné la souveraineté de leurs nations respectives

Dans une démarche historique, le Burkina Faso, la

Comme son nom l’indique, la Confédération des États du Sahel n'est ni une fédération ni un groupement d'intégration régionale stricto sensu ; la confédération de l’AES est un processus d’intégration politique qu’on pourrait qualifier d’Union Stratégique à l’instar des premières tentatives unionistes entre les régimes militaires souverainistes arabes comme la République Arabe Unie entre l’Egypte nasserienne et la Syrie baathiste en 1958 ou bien encore l’Union entre la Libye et le Soudan en 1974 ou encore l’Union-africaine de 1983 entre le Royaume du Maroc et la Jamahirriya Arabe Libyenne.

Par El Hassane Hzaine

République du Mali et la République du Niger ont signé un traité fondateur visant à créer la Confédération des États du Sahel (AES). Cet accord marque une étape significative dans les relations entre ces nations, consolidant leurs liens historiques, géographiques et culturels pour instaurer une ère de paix et de prospérité dans la région.

Les trois pays sahéliens ont de nombreuses similitudes : ce sont d’anciennes colonies françaises, enclavées, parmi les pays les plus pauvres de la CEDEAO, dirigées par des militaires avec une nouvelle orientation de politique étrangère se tournant de plus en plus vers la Russie et la Chine, tout en s’éloignant simultanément de la France et de l’Europe, en plus de souffrir d’incursions de groupes armés transfrontaliers et d’instabilité politique depuis des décennies.

La création de la Confédération des États du Sahel fait suite à l’Alliance des États du Sahel (AES) établie le 16 septembre 2023, en réponse aux sanctions et à la menace de la CEDEAO d’intervenir militairement pour rétablir le président renversé du Niger, Mohamad Bazoum. Rappelons qu’en janvier 2024, les trois pays avaient annoncé leur retrait de la CEDEAO, qu’ils accusaient d’être manipulée par la France, leur ancienne puissance coloniale. En plus du volet sécuritaire la confédération a été élargie aux questions diplomatiques et de développement économique.

Comme son nom l’indique, la Confédération des États du Sahel n’est ni une fédération ni un groupement d’intégration régionale stricto sensu ; la confédération de l’AES est un processus d’intégration politique qu’on pourrait qualifier d’Union Stratégique à l’instar des premières tentatives unionistes entre les régimes militaires souverainistes arabes comme la République Arabe Unie entre l’Egypte nasserienne et la Syrie baathiste en 1958 ou bien encore l’Union entre la Libye et le Soudan en 1974 ou encore l’Union-africaine de 1983 entre le Royaume du Maroc et la Jamahirriya Arabe Libyenne.

Principales préoccupations des Etats Membres de la confédération

Lors du récent sommet historique des États du Sahel, les principaux chefs d’État ont exprimé des positions fermes quant à l’avenir de la région, marquant ainsi une étape décisive dans l’établissement de l’Alliance des États du Sahel (AES). 

Le colonel Assimi Goïta, président de la transition au Mali, a affirmé que «l’AES sera un pilier de coopération et de développement régional, en accord avec les principes de la Charte du Liptako-Gourma.»Cette vision souligne l’importance d’une collaboration harmonieuse pour le progrès commun.

Le Général Président Abdourahamane Tiani du Niger a déclaré que «Nos peuples ont définitivement rejeté la CEDEAO et s’engagent à créer l’Alliance des États du Sahel, une confédération souveraine et indépendante des influences étrangères, en tant qu’alternative crédible aux regroupements sous-régionaux existants.» Cette affirmation reflète la volonté ferme de l’indépendance et de la souveraineté régionales.

Le Capitaine Ibrahim Traoré, président du Faso, a ajouté : «Il est temps de rompre avec les anciennes chaînes de l’oppression. Nous devons construire un Sahel uni, prospère et souverain», soulignant ainsi l’aspiration collective à un avenir meilleur et plus sécurisé pour tous les Sahéliens.

Enfin, le Général Abdou Assoumane, Gouverneur de Niamey, a critiqué la CEDEAO en affirmant que «La CEDEAO a détourné ses objectifs économiques initiaux pour se concentrer sur la politique. L’AES doit tracer sa propre voie», illustrant ainsi le désir de l’Alliance de se démarquer et de se concentrer sur les défis spécifiques de la région.

Ces déclarations témoignent d’une détermination commune à renforcer la coopération régionale et à promouvoir le développement socio-économique dans un Sahel uni et résilient face aux défis du XXIe siècle.

Une analyse de contenu du communiqué final est très révélatrice des préoccupations des dirigeants des trois pays ainsi :

La sécurité et la lutte contre le terrorisme ont dominé les discussions, occupant près de 40% des débats. Les chefs d’État du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont unanimement exprimé leur détermination à combattre le terrorisme sous toutes ses formes, saluant les victoires récentes de la Force Conjointe des États du Sahel dans la libération de la ville stratégique de Kidal.

Parallèlement, le développement économique et social a été un point focal, avec environ 27% du sommet consacré à la mutualisation des ressources pour des projets intégrateurs. Agriculture, sécurité alimentaire, infrastructures, et éducation ont été au cœur des efforts visant à stabiliser la région et à promouvoir une croissance économique durable.

La question de la souveraineté nationale et l’intégration régionale a également été au centre des débats, couvrant environ 17% des discussions. Les dirigeants ont critiqué fermement les sanctions jugées « illégales et inhumaines » imposées par la CEDEAO, affirmant leur retrait irrévocable de cette organisation régionale pour préserver leurs choix stratégiques et la résilience de leurs populations.

Enfin, la politique extérieure a été mentionnée dans environ 10% des échanges, mettant en lumière l’importance des partenariats internationaux et d’une voix unifiée sur la scène mondiale.

Opérationnalisation de l’Alliance des pays du Sahel

Les dirigeants des trois pays ont ratifié le traité instituant la Confédération des États du Sahel, désignée sous le nom de Confédération « Alliance des États du Sahel » (AES). Ils ont également officialisé la création d’une Force Conjointe des États du Sahel (FC/AES) chargée de mener des opérations permanentes contre les groupes armés terroristes et la criminalité transnationale.

Les Chefs d’État ont discuté de l’importance cruciale de la libre circulation des personnes et des biens, et ont appelé à l’élaboration rapide de protocoles additionnels pour faciliter cette mobilité. En matière de développement, ils ont souligné l’urgence de mutualiser les ressources pour lancer des projets structurants dans des secteurs clés comme l’agriculture, l’eau, l’énergie, les infrastructures et les communications.

Des initiatives visant à renforcer la cohésion sociale, à soutenir la jeunesse et à améliorer les secteurs de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’emploi et de la santé ont également été abordées. En réponse à ces besoins, la création d’une Banque d’investissement de l’AES et d’un Fonds de stabilisation a été décidée pour soutenir ces efforts. 

Principes fondateurs et compétences de la Confédération

La Confédération repose sur des principes fondamentaux, notamment le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la non-agression entre les États membres, la solidarité, et la défense des intérêts des populations. Ces valeurs visent à renforcer la stabilité et la coopération dans la région du Sahel.

Les États membres ont décidé de déléguer certaines compétences clés à la Confédération, notamment dans les domaines de la défense et de la sécurité, de la diplomatie et du développement économique. Un protocole additionnel précisera les détails de ces compétences.

Les domaines de compétence de la confédération incluent :

La coopération en matière de défense et de sécurité pour protéger leur souveraineté et leur intégrité territoriale ;

La coordination des actions diplomatiques pour adopter une vision commune face aux enjeux géopolitiques ;

La promotion du développement économique à travers des investissements structurants ;

La facilitation de la libre circulation des personnes, des biens et des services, et le droit de résidence et d’établissement dans l’espace confédéral.

Structure organisationnelle de la Confédération

Le sommet des États du Sahel à Niamey a pris des décisions concrètes en adoptant le traité fondateur de la Confédération AES pour formaliser leur union ; parallèlement, le communiqué final a entériné le retrait « irrévocable » de la CEDEAO.

Au sommet de la structure institutionnelle on retrouve «leCollège des Chefs d’État» qui est l’instance suprême de la Confédération ; il est composé des présidents des États membres, avec une présidence tournante d’un an. Les décisions sont prises à l’unanimité.

Le Conseil des Ministres, regroupant les ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de la Sécurité, et du Développement, fixe l’ordre du jour des sessions et prend des décisions sur les questions communes.

Parlement de l’AES qui est une institution législative régionale qui permettra aux parlementaires des trois pays de collaborer sur des questions cruciales comme la sécurité, le développement économique et social, renforçant ainsi la coordination politique et institutionnelle à l’échelle régionale. Les Sessions Confédérales des Parlements délibèrent sur les questions d’intérêt commun et les enjeux majeurs de la Confédération. Les représentants nationaux portent le titre de « Député confédéral » durant leur mandat.

Banque d’investissement de l’AES et du fonds de stabilisation : Ces institutions financières joueront un rôle essentiel dans le financement de projets d’infrastructures stratégiques et dans la fourniture d’une assistance financière en cas de chocs économiques. Elles visent à soutenir le développement durable et à renforcer la résilience des États membres face aux défis économiques et sécuritaires.

Mise en place d’une force unifiée de l’AES et d’un plan trilatéral permanent pour les actions militaires ;

le sommet a également signé et adopté un règlement intérieur du collège des chefs d’État de l’AES et d’autres documents qui prévoient, entre autres, la libre-circulation des personnes et des biens au sein de la Confédération, 

Statut Juridique et Nature de la Confédération

La confédération est la forme la moins perfectionnée du fédéralisme, elle est une association d’États qui respecte dans son principe la souveraineté internationale de ses membres qui demeurent des États au regard du droit international. Contrairement à une fédération, dans une confédération les États membres conservent leur souveraineté et leur indépendance, sauf pour les compétences spécifiquement déléguées à la Confédération.

De plus, bien que le traité instaure le principe de la libre circulation des personnes et des biens, il n’y a pas encore un mécanisme d’intégration économique ni une vision claire. Il est indiqué que les détails de cette libre circulation seront réglementés par des protocoles additionnels à élaborer ultérieurement. Ce qui pourrait signifier que les trois pays vont temporiser et continuer à gérer les questions d’intégration économique dans le cadre de l’UEMOA tout en laissant le doute planer sur leur appartenance à la zone monétaire CFA. 

Implications et Perspectives d’avenir

Le président de la Commission de la Cédéao, Omar Alieu Touray, a prévenu que le retrait des trois pays du Sahel conduirait à une désintégration de l’organisation et que les trois pays risquaient « l’isolement diplomatique et politique » et la perte de millions d’euros d’investissements. Leurs ressortissants pourraient également devoir obtenir des visas pour voyager dans la région, a-t-il déclaré, sans préciser quand la mesure pourrait prendre effet. La rupture va aussi aggraver l’insécurité régionale et entraver l’établissement d’une force régionale, a ajouté Omar Alieu Touray.

La CEDEAO garde tout de même espoir et reste déterminée à trouver une solution négociée à l’impasse politique puisque le 65ème sommet ordinaire de la CEDEAO a chargé les Présidents des Républiques du Sénégal et du Togo d’entreprendre une médiation (rôle de facilitateurs) avec les trois Pays de la Confédération AES.

Le Président du Sénégal Bassirou Diomaye Faye a déclaré le 7 juillet « Nous devons tout faire pour éviter le retrait des trois pays frères de la Cédéao. Ce serait le pire des scénarios et une grande blessure au panafricanisme que les pères fondateurs nous ont légué », tout en appelant à « engager les réformes idoines pour adapter la Cédéao aux réalités de son temps. » C’est dire que le retour des trois pays AES à la CEDEAO sera tributaire des réformes qui seraient introduites pour sa pérennité et sa stabilité.

Tout en respectant les décisions souveraines des trois Etats du Sahel qui ont fait leur choix de créer leur propre Organisation régionale, nous plaidons pour une revitalisation de la CEDEAO et une redéfinition de sa vision et de sa mission en mettant davantage l’accent sur les programmes et les initiatives qui améliorent le bien-être des populations et renforcent l’intégration économique et en reconsidérant l’accent mis sur les fonctions politiques et sécuritaires telles que les opérations de maintien de la paix et les mesures coercitives.

La création de la confédération de l’AES pourrait également conduire à des dégâts collatéraux sur l’UEMOA et surtout le CENCAD dont la survie dépend de quelques pays qui y croient encore.

 

 

Article publié pour la première fois sur Afrimag