Au-delà des dispositions prises dans le cadre de la Directive européenne sur le Devoir de Vigilance, les instances de l’Union européenne avancent sur le renforcement de la réglementation et des obligations sur les enjeux du Climat, de la Déforestation, des Droits humains et des questions d’esclavage moderne et travail décent.

Par Pierre Samuel Guedj, Président d’Affectio Mutandi.

Des mesures de bannissement des produits contribuant à la déforestation

  • Pierre-Samuel Guedj

    Pierre-Samuel Guedj
    Président d’Affectio Mutandi.

    Lors de la séance plénière du mardi 13 septembre 2022, le Parlement européen a voté en faveur de la proposition de la Commission relative au règlement sur les produits ‘‘zéro déforestation’’ qui interdit de territoire européen tous les produits comme le café, le cacao, le bœuf, le soja, le cuir, le maïs ou encore l’huile de palme, qui ne peuvent pas faire la preuve qu’ils ne sont pas issus de terres déboisées ou dégradées.

  • À leur arrivée dans les ports européens, tous les importateurs devront démontrer qu’ils ne sont pas issus de terres déboisées ou dégradées notamment au Brésil, en Indonésie, en Côte d’Ivoire, etc. Le degré de vérification varie en fonction du risque « élevé, standard ou faible » de la région d’origine.
  • « On utilise la puissance du marché européen, deuxième marché au monde dont aucun producteur ne peut se passer, pour imposer nos conditions d’accès », commente Pascal Canfin, président de la commission de l’Environnement du Parlement européen.
  • Les géants de l’agroalimentaire et les traders sont ainsi dans le viseur, l’Europe étant le deuxième importateur mondial de déforestation – un des facteurs importants d’émissions de gaz à effet de serre – derrière la Chine. Entre 2005 et 2017, ses importations ont entraîné la perte de 3,5 millions d’hectares de terres, selon WWF.
  • Le texte, qui doit encore faire l’objet d’un accord en trilogue (Parlement européen, Conseil et Commission) – en vue d’une entrée en vigueur début 2024 -, a été étendu par le Parlement au caoutchouc, au maïs et à d’autres animaux d’élevage tels que les porcs, moutons, chèvres et volailles. En plus des six matières premières proposées par la Commission, huile de palme, soja, café, cacao, bétail et bois, lesquelles représentent à elles seules 80% de la déforestation.
  • Pour tous ces produits, il impose des normes exigeant la transparence sur les chaînes de valeur des grandes entreprises de l’agroalimentaire ainsi que, sujet de controverse, les traders internationaux. En dépit de résistances, le texte couvre bien les institutions financières européennes et prévoit de s’assurer qu’elles ne financent pas des projets responsables de la déforestation.
  • Une clause votée permet d’étendre la protection à tous les écosystèmes naturels au cours de l’année à venir.
  • Pour l’ONG Greenpeace et son chargé de campagne sur les forêts Eric Moranval, la proposition du Parlement constitue « une victoire d’étape très importante ».
  • La France a très fortement poussé ce texte qui répond à une demande des citoyens, lesquels ont été près de 1,2 million à répondre à la consultation publique de la Commission pour son projet de règlement qui devra être directement appliqué par les États membres, sans passer par une transposition en droit national.

  Un nouvel instrument contre le travail forcé :

  • Dans une proposition du 14 septembre 2022, la Commission a proposé d’interdire les produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union européenne (UE). La proposition concerne tous les produits, à savoir les produits fabriqués dans l’Union européenne et destinés à la consommation intérieure et à l’exportation, ainsi que les marchandises importées, sans cibler des entreprises ou des secteurs d’activité spécifiques.
  • Le projet s’inscrit dans une démarche européenne en faveur de la promotion du travail décent et à l’exclusion du travail forcé.
  • Déjà, en juillet 2021, la Commission et le Service européen pour l’action extérieure avaient publié des orientations visant à aider les entreprises européennes à adopter des mesures appropriées pour faire face au risque de travail forcé
  • Le travail forcé est présent dans un grand nombre de secteurs. Certaines branches de services, l’industrie textile, les activités minières et l’agriculture font partie des secteurs dans lesquels le travail forcé a été le plus souvent signalé. Toutes les branches d’activité sont couvertes dans le cadre de cette initiative.
  • Les États membres de l’UE seront tenus de désigner des autorités compétentes chargées de mettre en œuvre et de contrôler le respect du règlement et qui seront dotées des compétences et ressources nécessaires. La Commission soutiendra les États membres, notamment en garantissant la disponibilité d’une base de données publique, en assurant une coordination efficace entre les autorités compétentes des États membres et en publiant des lignes directrices.
  • La procédure d’enquête se déroulera en deux phases :
    • Au cours de la phase préliminaire, les autorités évaluent s’il existe des raisons fondées de soupçonner que des produits ont possiblement été fabriqués moyennant le recours au travail forcé.
    • Si elles constatent qu’il existe un soupçon étayé de travail forcé, elles passeront à la phase d’enquête proprement dite.
  • Le nouvel instrument introduira une interdiction de mise sur le marché de l’UE des produits issus du travail forcé, quel que soit l’endroit où ils sont fabriqués. L’interdiction contribuera donc aux efforts internationaux visant à éradiquer le travail forcé. En ce qui concerne les entreprises, le règlement les incitera encore davantage à veiller à ce que le travail forcé soit exclu de leurs chaînes d’approvisionnement.
  • D’autres initiatives de ce genre ont été mise en place dans le monde notamment :
    • Aux États-Unis avec le Uyghur Forced Labor Prevention Act (UFLPA) du 23 décembre 2021 prévoit le bannissement de produits fabriqués en tout ou en partie dans la province chinoise du Xinjiang, à moins que les entreprises ne soient en mesure d’apporter la preuve que les produits n’ont pas été fabriqués avec du travail forcé.
    • Rappelons que le dernier rapport du haut-commissaire des droits de l’homme de l’ONU en date du 1er septembre 2022 reconnaît de « graves violations des droits de l’homme » dans cette province à l’encontre des Ouïghours.
    • Le ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (METI) japonais a publié le 13 août 2022 des directives sur les droits de l’homme et la démocratie, exigeant de toutes les entreprises exerçant des activités commerciales au Japon de respecter les droits de l’homme dans leurs chaînes d’approvisionnement, sans se limiter à leurs partenaires commerciaux directs. Il y est très clairement fait mention de l’interdiction du travail forcé.

Régulation des émissions de gaz à effets de serre avec une taxe carbone pour 2026

  • Projet central du « Green Deal » européen, la taxe carbone 2026 également connue sous le nom de « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières », doit permettre à l’UE d’imposer sa législation environnementale aux entreprises étrangères exportant sur son territoire.
  • La Taxe vise tout produit importé par une entreprise qui excédera dans sa production une certaine quantité d’émission de CO2 et concerne 5 secteurs (fer et l’acier, le ciment, les engrais, l’aluminium et la production d’électricité). Elle impose un surcoût, une tarification carbone, des dits produits importés correspondant à celle payée par les entreprises européennes dans le système d’échange de quotas, le marché européen du carbone.
  • Elle permet d’éviter les délocalisations d’entreprises européennes vers des pays aux normes environnementales en gestation, mais également de lutter contre la concurrence déloyale d’entreprises venues de pays sans tarification carbone. Enfin, elle contribue à « verdir les procédés de productions ».
  • Rappelons que depuis le 1er juillet 2022, les bilans des émissions de gaz à effet de serre du scope 3 (fournisseurs, sous-traitants et chaines de valeur) sont obligatoires en France.